Août (15 et suivants)
«Ce mois d’août, nous avons un temps de chien» m’a dit l’autre jour une correspondante. Elle ne croyait pas si bien dire, car on sait peu que le dernier mois de l’été a un rapport direct avec les animaux sus-nommés, en tous cas étymologiquement. A-priori, le lien n’est pas évident. Ce n’est pas une question de planète ou de constellations (1), ni même d’insectes piqueurs…il s’agit en fait d’une tradition romaine antique, mais n’anticipons pas. En tous cas, on doit le terme de « août » aux latins, lesquels avaient déjà dans leur calendrier un mois réservé à Jules (César), le mois de Julius, Juillet évidemment. On considéra qu’il ne fallait pas fâcher l'(autre) empereur, Auguste, lequel récupéra dans les agendas du moment le sixième mois de l’année, qui commençait alors avec ce qui est pour nous le mois de mars, dieu de la guerre auquel on ne touche pas.
Donc, si vous suivez bien, en partant de mars (2), on tombe effectivement sur le sixième mois, qui s’appelle déjà, logiquement, « sextilis » (le 6ème, en latin), et que l’on va débaptiser en récompense de services rendus à Rome par l’Auguste en question, tels que la campagne d’Egypte et autre fin des guerres civiles. D’un point de vue linguistique, augustus va perdre sa terminaison latine et devenir « august »; puis, le « u » se prononçant « ou » (en français), on va passer à aoust; et enfin, comme d’habitude, le « s » devient accent circonflexe pour donner août.
Le mot a continué à exister avec son ancienne racine dans d’autres langues: august pour les anglais, agosto pour les espagnols ou les italiens, etc…Dans les parlers français, on trouvait aussi la forme agost ou «aost», en provençal; «oou» en bourguignon; «eut» en picard, pour ne citer que les plus significatifs; malgré les apparences, le mot est strictement le même. Côté patronymes, on doit au mois d’août les Auguste et Augustin, mais aussi les Austin, Oustin, et même Oust!
En français académique, pendant longtemps, on va trouver l’orthographe «oût», y compris chez La Fontaine. Souvenez-vous de la fable de la Cigale et la Fourmi:
«…Je vous paierai, lui dit-elle,
Avant l’oût, foi d’animal,
Intérêt et principal…»
En toute logique, puisque la scène se passe en hiver («quand la bise fut venue»), on en déduit que l’insecte compte rembourser sa voisine avant la prochaine récolte (avant le retour de « l’oût », synonyme de moisson, y compris dans le vocabulaire commun; autrefois, on utilisait indifféremment l’un ou l’autre mot pour évoquer les récoltes, moisson ou oût.)
Tant qu’on est dans les insectes, citons celui qui porte le nom du mois, l’aoûtat, ainsi nommé parce qu’il attaque pendant cette période . Le mois d’août n’est donc pas un mois doux, surtout pour les aoûtiens imprudents.
Et les chiens, au fait? Retour à Rome, où l’on commémorait, au début de cette période, la prise (ratée) du Capitole par les Gaulois (en -390); vous connaissez l’histoire, c’est grâce aux cris des oies sacrées qui avaient alerté les soldats romains qu’on avait pu repousser les tentatives des moustachus de Lutèce. Le problème, c’est que les romains possédaient aussi des chiens (théoriquement) de garde, lesquels n’avaient pas moufté au moment de l’assaut gaulois. Alors, en représailles, tous les mois d’août, on crucifiait un chien pour apprendre aux canidés à tendre l’oreille un peu mieux et à ouvrir leur gueule un peu plus! Finalement, ma correspondante avait raison: ce mois d’août est bien un temps de chien(s)…
(1) Même si la « canicule » signifie « le petit chien », à cause de l’étoile de Sirius (aussi appelé le Chien) qui est à son apogée au moment du solstice d’été, d’où le synonyme de chaleur.
(2) Ce même décompte explique pourquoi le neuvième mois de notre calendrier est le « septième » en latin (sept-embre); pourquoi le dixième est oct-(huit)-obre; le onzième, nov-(neuf)-embre, et le douzième déc-(deca)-embre!
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