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Bigorexie

C’est le nom de la dernière pathologie dont on parle, et, forcément, la rumeur grossit, grossit, puisque c’est là son étymologie la plus exacte. Contrairement aux usages linguistiques, qui veulent qu’un mot composé utilise des racines venant plutôt du même répertoire (on ne mélange pas des racines latine et grecque, ou espagnole et allemande, ou indienne et japonaise!), voici un néologisme tout à fait caractéristique de la société de consommation, puisqu’il s’agit de ‘devenir plus gros’.

Pas question ici de surpoids dû à l’obésité, au contraire. Même si le mot est formé du radical ‘big’ (gros, en anglais) et du suffixe ‘-orexie’, un peu comme s’il s’agissait de l’opposé de l’anorexie, laquelle a évidemment pour contraire la boulimie, preuve s’il en était besoin qu’il n’est pas question ici de nourriture, mais…de sport! Le nouveau terme définit en effet la ‘dépendance excessive d’un être humain à l’activité sportive’, et son sens est en train de prendre du volume pour désigner les accros au jogging et autres fanas de sports extrêmes.

Double contre-sens, puisque ces dernières activités requièrent en général de garder une ligne indispensable (essayez de courir un marathon en pesant 90 kgs, si vous ne faites pas au moins 1,95m). L’assemblage big-orexie arrive en réalité du milieu culturiste et de la volonté de prendre de la masse musculaire, dans le but -et parfois l’espoir- de devenir toujours plus ‘gros’, si possible uniquement sans graisse et tout en fibres ‘sèches’. Cette maladie (bon, il y a pire) concerne donc les gens obsédés par le gain d’une activité physique intense et (visiblement) productive.

Le paradoxe est donc que le mot risque de s’appliquer maintenant à tout pratiquant qui cherche une aide complémentaire dans des produits. Or, quand on voit la ‘carrure’ des cyclistes professionnels, il ne viendrait à l’idée de personne de les taxer de ‘bigorexie’, au vu du diamètre de leur bras (mettrez Armstrong -le mal nommé- à côté de Teddy Riner, vous aurez compris où est le ‘gros’)…La langue française est obligée, comme beaucoup d’autres, de faire la différence entre grand et gros, alors que seul l’allemand regroupe assez bien tous ces aspects dans un ‘Gross’ qui peut être à la fois volumineux, baraqué, imposant, voire élevé donc supérieur.

C’est d’ailleurs ce que l’on retrouve, selon ce qui est ‘big’: plus un Big Band sera nombreux, mieux cela sera. S’il joue dans Big Apple, il risque de se perdre, vue la superficie de New-York. Par contre, au pied de Big Ben, il se sentira tout petit. D’autant que Big Brother sera peut-être là pour le surveiller. Ce qui ne l’empêchera pas de déjeuner d’un Big Mac…mais là, attention à l’obésité, pas à la bigorexie!

Terminons en signalant que la bigorexie n’est pas non plus l’addiction au ‘bigophone’, terme suranné créé d’après le nom d’un certain Romain Bigot à la fin du 19è siècle, qui inventa un cornet musical en forme de trompette, dans lequel il suffisait de souffler pour faire vibrer un son (pas une note). Par comparaison, la forme de l’instrument s’est rapidement appliquée aux cornets -un pour parler, un pour écouter- des premiers téléphones, d’où le terme, resté assez longtemps dans l’argot du siècle suivant.

Peut-être notre inventeur était-il amateur de ‘bigorneaux’, dont on comprend bien que ce ne sont pas de gros coquillages, non pas des big-orneaux donc, mais des bi-gorneaux, ou bi-corneaux, c’est à dire des mollusques à deux cornes. L’histoire ne dit pas non plus s’il était bigot, pas big-ot mais bi-got, autrement dit ‘by God’, expression anglaise francisée pour transférer (à défaut de traduire) ceux qui ne jurent que ‘par Dieu’. Pour ne pas dire ‘De-par-Dieu’ (authentique), un qui est visiblement bigorexique à sa façon!


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3 commentaires au sujet de Bigorexie

  1. Dans la fable de la grenouille et du boeuf, on peut donc dire que la grenouille est atteinte de bigorexie ?
    Cordialement.

  2. La simple création de ce mot barbare montre la lamentable inculture de la génération actuelle.
    SI autrefois composer un mot savant à partir de deux mots de langues classiques (latin et grec), fournissant pourtant une grande partie du vocabulaire scientifique, était considéré comme barbarisme (cf. « télévision » du grec « télé » = loin + du latin « visio » = vision), que dire de l’association d’un mot anglais (big = grand) avec un mot grec (orexia = appétit – cf. anorexie = manque d’appétit), dont on ne sait même pas le sens et que l’on ose considérer comme un simple suffixe !!!!
    Au mieux, le sens de ce mot absolument aberrant serait « grand appétit », ce qui n’a rien à voir à l’addiction aux sport.
    Et personne ne proteste. Quelle misère, l’ignorance des gens de notre époque, j’en suis suffoquée !!!

  3. La vie (ou la…vitalité) d’une langue fait que d’anciens mots meurent -disons disparaissent- et que d’autres naissent, et ce dans toutes les cultures ; vous seriez peut-être stupéfaite (ne prenez pas la peine de suffoquer :-) de constater à quel point certains parlers renouvellent rapidement leur répertoire en ‘subissant’ l’import de termes étrangers à leur culture. Et s’enrichissent.

    Pas de quoi protester, si au contraire cela permet d’apprendre (enseigner) un nouveau mot aux générations, et aux autres de se documenter sur leur étymologie, non? Bien sûr, d’un point de vue académique, vous avez certainement raison, mais le mieux n’est-il pas de voir apparaitre une raison supplémentaire de partager des connaissances dans une nouvelle recherche? Ce que vous faites parfaitement et je vous en remercie.

    Cordialement,

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