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Bordel

…mais il faut peut-être se demander si ce qui est acceptable dans le langage privé l’est aussi dans la sphère publique…Après un très inaugural « Casse-toi, pauvre con! » présidentiel (Sarkozy, 2008), voici un « bordel » ministériel (Darmanin, 2020) qui ne retiendra sans doute pas d’autres (con?)citoyens de suivre l’exemple.

Quel émoi pour ce petit mot qui revient, sinon à la mode, du moins dans quasiment tous les commentaires de journalistes qui se délectent de pouvoir se le mettre en bouche avec l’alibi de l’information. Ah, que ce bordel est beau quand il est dit sous l’excuse suprême de la ‘citation’. On aura eu le mot de Cambronne; peut-être celui-ci restera-t-il le mot de Macron (également pratiquant), un mot qui aura eu le mérite de mettre tout le monde au même (faux) pas et en ordre de marche, car le bordel, c’est tout sauf…le foutoir. Etymologiquement bien sûr. 

Car ce terme souffre (ou…bénéficie) d’un double voire d’un triple malentendu: si l’on commence par l’origine la plus ancienne et la plus fiable, c’est-à-dire linguistique, ‘bordel’ vient d’une très ancienne racine germanique qui désigne une planche. C’est sur la syllabe ‘bord-‘ que se serait construite (c’est le cas de le dire), l’image de ce qu’on peut faire avec une, ou mieux, avec plusieurs planches, une cabane…On est obligé en fait de mettre des guillemets et des conditionnels un peu partout, car les interprétations sont nombreuses au sujet de cette histoire de planche(s).

Alors, il ne faut pas dire que ce bordel, c’est le bazar, ou le boxon (*) et c’est un peu la pagaille dans le bordel puisque, dans l’évolution du mot à travers les siècles (je n’ose pas dire l’Histoire), cette cabane en planche va rester tout à fait ‘inoffensive’ en Occitanie par exemple, où la ‘borde’ (bordà, en v.o) servira aussi bien d’abri de (basse) montagne ou d’abri en campagne; alors que, sur le bord des chemins puis des routes, certaines de ces cabanes (à l’origine construites donc en planches) vont se transformer en maisonnettes qui deviendront le lieu d’accueil privilégié des filles…des rues (ou des routes, le plus souvent à proximité des casernes), d’où le mot sous sa forme actuelle.

Voilà pourquoi le bordel, c’est tout sauf le chaos («c’est le bordel, cette chambre, range-moi ça et vite»); la preuve, c’est que, dans sa version militaire (dit ‘de campagne’) aussi bien que privée (la maison close et urbaine), le lieu est administré -et parfois sèchement- par un(e) responsable, tenancier(e) et autre patron(ne) qui ne plaisantait pas avec l’ordre, le règlement ou le respect de la hiérarchie! Curieux retournement donc, pour arriver à ce sens tout à fait…bordélique et très récent (au début du 20ème siècle), peut-être à cause de l’abondance de la fréquentation nocturne et par conséquent du désordre laissé par les clients au petit matin… 

Quelques historiens avides de précisions et de détails disent même qu’il s’agit en fait d’une allusion à l’incivilité et aux comportements particulièrement incorrects des soldats…prussiens dans les maisons françaises lors de la guerre de 1870 (contrairement aux gentils soldats français, dont on sait qu’ils sont incapables d’actions délictueuses sur des personnes -ou des enfants- dans des pays occupés).

Plus amusantes, mais sérieuses cette fois, sont les études de spécialistes de la marine qui font remarquer que cette ‘bord-‘ (la planche) a fini par désigner également le matériau principal pour la construction des navires (en bois, forcément); d’où les expressions ‘monter à bord’ (mettre le pied sur la première planche sur le…bord du bateau), puis évidemment les fameux ‘babord’ et  ‘tribord’, élaborés à partir de la découpe ‘ba-tri’ inscrite sur les deux volets (planches) pivotants qui menaient aux machines et/ou aux réserves.

Notez aussi, dans de nombreuses langues, l’avenir radieux qu’aura cette planche (board, en anglais) pour glisser (le skateboard) aussi bien que pour apprendre (blackboard, le tableau noir) ou encore  pour plonger dans la piscine (diving board, le plongeoir) et dans votre ordinateur (mother board, la carte-mère). Finalement, il n’y avait peut-être pas de quoi ‘foutre le bordel’ à ce point-là avec un si petit mot, sauf si c’était pour mettre tout le monde au…bord de la crise de nerfs. Comme le disait un titre de film au sujet de la tendresse (1978), « Et la politesse, bordel? »

NB: Contrairement à ce que colportent quelques (mauvaises) langues, le diminutif -temporaire, au 17è siècle- ‘bordeau’ (une petite planche) n’a rien à voir avec la capitale de Nouvelle-Aquitaine; laquelle n’est pas non plus « au bord d(e l’)eau -beaucoup s’en faut- mais découle du nom du chef local celte (puis gaulois) Burdigala…

(*) le terme gagnera lui aussi en équivoque, désignant, comme son homonyme, aussi bien un capharnaüm qu’un lieu de prostitution! 


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3 commentaires au sujet de Bordel

  1. Très intéressant comme toujours! Ce n’est point grave mais pourquoi ne pas le signaler : en v.o. occitan c’est plutôt bòrda que bordà.

  2. Bonjour,

    merci de votre lecture, toujours attentive. Et mille excuses pour cette erreur d’accent tonique (j’ai dû m’imaginer déjà en fin de phrase :-)

    Cordialement,

  3. Merci pour vos précisions de notre langue française qui a évolué avec le temps en passant par des déformations suivant l’argot
    régional et langages divers de la vie courante qui a permis d’expliquer l’histoire d’un mot avec sa racine littéraire et de pouvoir calculer à peu près son origine,sa création et pourquoi et comment et parce que

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