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Carmen

L’orage est passé, et avec lui la fureur d’une Carmen dont beaucoup (re)découvrent parfois le charme du nom, de temps en temps l’histoire autrement que par la bande-son d’une publicité pour produits nettoyants, et peut-être aujourd’hui le vrai sens du mot. Hé oui, même si cela manque un peu de glamour, Carmen a des racines, qui ne sont pas forcément celles auxquelles on la relie systématiquement en image, le rouge…carmin; si on met le point sur le ‘i’, c’est qu’il y a nuance.

Bon d’accord, nuances de rouge tout d’abord, celle d’une teinte profonde issue d’un extrait de cochenille, insecte dont une variété est l’ennemi personnel de tant de jardiniers de balcons. En fait, ce carmin-là, que l’on appelle aussi parfois ‘sang de St-Jean’, vient d’un mot persan (puis arabe, puis espagnol) qui signifie…cramoisi, ce qui en dit long sur l’analyse de sang du Baptiste (1) martyrisé et dont une fiole fut ramenée, dit-on, de Judée et Gironde par une dame bazadaise.

Petit clin d’oeil technique au passage: voici encore un exemple parfait de ‘métathèse’, ce phénomène qui fait alterner -toujours curieusement pour certains- deux sons proches: ‘carmin’ vient du terme espagnol ‘cremen’, lui-même emprunté au grec ‘kermès’ (2) et à l’arabe ‘qirmiz’, cela pour expliquer la permutation k/r, et la même origine entre carmin et cramoisi!

Or, même si notre pétulante gitane n’a jamais été peinte, dessinée, photographiée ou filmée autrement qu’habillée de la couleur des flammes de la passion -et donc de l’Enfer-, son nom ne doit rien à la température de son éventail ou de la ‘muleta’ d’Escamillo mais à une histoire de…chanson. Ou plutôt de chant, car le terme français peine un peu à exprimer la chose en un seul mot et on doit donc préciser (ah, la richesse du vocabulaire français).

Il s’agit ici d’un chant sacré, le plus souvent de source mythologique, une psalmodie ou une incantation magique appelant une prédiction divine, assortie ou pas de transes ‘enchantées’ au sens étymologique très fort, c’est-à-dire sous l’emprise d’un dieu qui envoûte ou qui…’charme’ justement , mot directement né de ‘carmen’ (prononcez le ‘ch-‘ comme chorégraphie)!

Je n’en rajoute donc pas sur le caractère inévitablement fatal des charmes de la Carmencita (diminutif affectueux) de Séville (3), ni sur ceux auxquels a succombé le musicien allemand Carl Orff, avec ses…’’Carmina (pluriel latin de carmen!) Burana’’ dont les choeurs feront les délices des cinéastes amateurs et des illustrateurs sonores professionnels en mal d’inspiration ainsi, dit-on, que du pouvoir nazi (mais dur de sortir une oeuvre en 1936 sans passer par la reconnaissance de l’Administration).

La traduction exacte du titre de cette oeuvre symphonique composée d’après des poèmes du Moyen-Age est d’ailleurs «Chants profanes pour chanteurs solistes et choeurs, à chanter avec instruments et images magiques» (!). Voilà qui ne laisse aucun doute sur le charme qui a pu opérer sur les théoriciens aryens déjà dopés à la légende scandinave…

Et cependant, malgré cette accumulation aussi bien symbolique que phonétique tout à fait précise, il semble que Carmen, issue d’un ‘revival linguistique’ espagnol de la fin du 19ème siècle, soit considérée par les linguistes insulaires non pas comme une chanson rouge mais comme une déformation de…Carmel (la Vierge du), en hommage et souvenir direct du Mont proche de la Méditerranée en Israël. Ce qui, si l’on en croit le sens hébreu, propulserait le duo des amants jaloux dans le ‘jardin de Dieu’. Là où, sans doute, il n’ya pas une trace de patte de cochenille; y compris étymologiquement!

(1) Ce n’est pas le Jean évangéliste.
(2) Rien à voir donc avec une variété de chêne
(3) Fantasme purement gratuit de l’auteur français Prosper Mérimée, pas plus andalou qu’Alexandre Dumas n‘avait mis les pieds en Gascogne; ça s’appelle un auteur de fiction…

Ps: si vous le pouvez, oubliez tout ce que vous avez vu sur le sujet et trouvez de toute urgence le dvd, à tout le moins, de «Carmen Jones» (film d’Otto Preminger 1954, avec Dorothy Dandridge et Harry Belafonte); celui de «Carmen Khayelitsha» (du sud-africain Mark Dornford-May 2005) et/ou le ballet moderne «The Car Men» (sic) de Boris Paval Conen, somptueuses et inattendues versions aussi bien vocales que chorégraphiques.


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