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Charasse (Michel)

Il fut l’un des ministres les plus fumant(s) de la mitterrandie, déposant çà et là dans les couloirs du Sénat quelques aphorismes sonores empruntés à son Auvergne natale, mais il fut surtout un ministre du Budget peut-être moins tranchant que son phrasé, du moins d’après quelques déclarations à l’emporte…pièce de l’humoriste Jean-Marie Bigard. Charasse, un élu à la traine? Pas du tout! Plutôt un tuteur rigide avide de vendanger les revenus des contribuables; du moins, étymologiquement.

Aucun doute déjà sur le ‘foyer sémantique’ (la région d’origine) du mot: le patronyme est le plus fortement répandu dans sa région de naissance, à commencer par le département de l’Allier, puis la Loire, le Puy-de-Dôme, etc…Pour en expliquer sa formation, quelques rumeurs font état d’un rapport avec une histoire de ‘char’, avec un diminutif péjoratif en ‘-asse’, qui est effectivement souvent la marque d’une dévalorisation du sens de la racine: tignasse, blondasse, pouffiasse, vinasse ne sont en général des éloges dans la bouche de ceux qui les prononcent. Rassurez-vous, comme il en a déjà été question dans d’autres chroniques, l’équivalent masculin existe aussi, avec le suffixe ‘-ard’: essayez avec chauffer (conduire), roubler (tromper), pendre, fuir, etc.

Si c’est le cas, il faut prendre la racine au pied de l’essieu, car il ne s’agit pas ici du skate-board favori de Ben-Hur, mais du char dit gaulois, à savoir une charrette grossière, à quatre roues, direction non assistée et moyeux indépendants, dont la version simple sera destinée au travail des champs; il s’agit donc bien d’une charrue plutôt que d’un char, bien que l’une et l’autre fussent tractées par des boeufs…Cela ferait donc de la charasse (que l’on suppose féminine) un modèle de mauvaise charrue forcément ‘à la traine’, ce que les traditions locales ne semblent pas confirmer, historiquement parlant. Peut-être une forme ‘charras’ concernait-elle un traineau de ‘fret’, non pas pour s’amuser dans la neige de la Bourboule l’hiver, mais pour descendre les coupes de bois des Puys (une sorte de schlitte auvergnate). Mais là encore, aucune piste (sauf entre les arbres).

D’autres préfèreront jeter la pierre (au ministre?) en s’appuyant sur la forme ‘occitane’ (un peu limite, mais bon…) de la racine ‘car’ ou ‘gar’, qui évoque une pierre, pas juste un caillou, mais un amas de pierres, ou parfois juste la matière, plus précisément donc ‘de’ la pierre qui a une certaine surface. De fait, le ‘charas’ (au masculin, cette fois) a désigné tour à tour un éboulis, ou un bâtiment (en général effondré) et même une pierre…tombale. Il est vrai que le vocabulaire du vieux-français regorge de termes locaux pour désigner des abris en pierre, aussi bien en montagne (Pyrénées) que sur les plateaux (du Rouergue); or, encore une fois, l’explication ne semble pas tenir debout (c’est normal, sans ciment…).

Le plus convaincant en matière de sens, et le plus cohérent d’un point de vue linguistique, semble faire de charasse le résultat d’un double phénomène assez ordinaire: une aphérèse et un rhotacisme. N’ayez pas peur, les choses sont simples: la première indique d’une syllabe ou une lettre autrefois situées au début du mot sont tombées (ici, probablement pour des raisons d’accent local); il s’agirait d’un ‘e’ ou plus exactement ‘é’, ce qui nous fait ‘écharasse’; et avec le second, en raison de la ‘proximité’ des deux consonnes ‘l’ et ‘r’ (si, si, on rrroule les l), on arrive donc à…’échalasse’, ou échalas en ‘français parisien’ sans prononcer la consonne finale (échâlâ, quoâ).

Surprise: on trouve bien, dans cette région, des ‘charas’ pour désigner ces pieux plus ou moins longs que l’on plantait pour soutenir les ceps de vigne. Ils existent aussi, un peu plus au sud, sous la forme ‘caras’, avec la même prononciation que le mot…grec, vingt siècles auparavant (karas). C’est l’Académie Française qui créera, au 18è siècle, une petite équivoque technique en privilégiant le latin ‘scalatum’ (=échalas) que l’on va rapprocher à tort de ‘scala’ (l’échelle). Remarquez, pas de quoi grimper aux rideaux pour autant: un échalas, c’est bien un appui qui permet de faire la courte échelle aux grappes de raisin, non? Voilà qui ferait du nom de Michel la fonction d’un ancêtre qui s’occupait de couper et peut-être de planter des tuteurs dans les rangs, et non pas un conducteur de méchante carriole. Faudrait quand même pas charrier Charasse…


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