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Massabielle (grotte de)

Les récentes intempéries auront au moins eu le mérite -médiatique- d’apprendre ou de rappeler à beaucoup de téléspectateurs le nom de la grotte miraculeuse de Lourdes, et d’effrayer les visiteurs des bords du Gave, davantage habitués à voir déferler les foules au pied d’une statue que des eaux jusque dans le rocher. Car cette fois, il n’y a pas eu de miracle, et la rivière est sortie de son lit jusqu’à venir quasiment lécher les pieds de la Vierge…L’endroit s’appelle donc la grotte de Massabielle, et son étymologie vaut le détour. Adeptes du chapelet et du rosaire, à vos prie-dieu (les autres peuvent prendre une chaise pour s’asseoir, tout simplement).

Massabielle n’a rien à voir avec le garagiste du coin, lequel ne masse plus de bielles depuis belle lurette, en tous cas depuis l’époque où l’on venait en voiture (à chauffeur) jusqu’au pied de la grosse pierre qui surplombe la rivière. Cette bielle-là, soit dit en passant, est un mot relativement récent (17è siècle) emprunté au mot espagnol ‘bielda’, qui définissait une fourche en bois utilisée pour vanner le blé; les plus mécaniciens des internautes n’auront pas besoin de chercher bien longtemps l’analogie avec nos moteurs modernes.

Par contre, les plus sérieux des étymologistes cherchent encore et s’appuient sur du vocabulaire gascon (logique) pour entendre ‘massa-bieille’, ce qui renvoie aux deux mots suivants: massa, le rocher, et bieille, orthographe béarnaise de l’adjectif…vieille, que l’on trouve aussi sous la forme bieilh ou vieilh dans d’autres régions alentour. Nous aurions donc une histoire de ‘vieux-rocher’, dont on a peine à déterminer l’origine exacte; ce qui est sûr, c’est que l’appellation est très antérieure aux événements religieux (çà peut faire des siècles que le mot existait avant que Bernadette ne déchausse ses esclops* sur la berge). Par ailleurs, si rocher ancien il y a dans le coin, c’est très certainement celui qui domine Lourdes, le Pic du Ger (n’essayez pas autrement que par téléphérique). Voilà pour la mince et très plate -si j’ose dire- explication géologique.

La version la plus répétée et la plus ‘piquante’ est soi-disant historique, puisqu’elle remonte à l’époque du passage de Magne dans les Pyrénées (non, pas Antonin, le cycliste du Tour de France, mais Charles le patron de l’empire germanique). Au cours de la reconquête chrétienne de la France, le barbu aurait négocié la fin des hostilités avec un émir arabe qui occupait la grande ville de la région en exigeant sa conversion. Ce qui fut fait. En mémoire du baptême du musulman, on baptisa la ville du mot qui veut dire ‘la rose’ en berbère, soit…Lorda, devenue Lourdes depuis! S’y ajoutera plus tard, comme ‘preuve’ de ce sens, toute l’imagerie de la ‘Dame à la couronne de roses’, suivez-mon-regard…De la même façon, les sarrasins auraient laissé une autre trace vocale de leur passage en désignant les bords du Gave par deux ‘phonèmes’ (des sons), qui sont ‘ms’ et ‘bl’ (la notation de nos ‘voyelles’ n’apparaissant pas comme telles). Cette combinaison « Ms+Bl »  évoque un endroit où il y a de l’eau (sic), et plus spécialement une source (ouf); le mot fut ‘rempli’ par des sons ‘français’ dans les dialectes locaux pour devenir Massa+Bielle, cqfd. Sans compter, là encore, tout le symbolisme de l’idée de ‘source de vie’, avec juste un léger fossé -rempli d’eau- de dix siècles d’écart…

Alors, il se pourrait bien que Histoire et Légende se rejoignent quelque peu en l’occurrence. Pour la (vraie) racine de Lourde (sans ‘s’, comme on écrivait Tarbe autrefois), je ne peux que vous conseiller de (re)lire la chronique toponymique consacrée à cette ville en janvier 2011**. Mais pour Massabielle, si jamais cette version était la bonne, j’imagine qu’il n’est pas question de trop ébruiter le fait qu’un site de pèlerinage chrétien doive son nom au vocabulaire berbère; j’en connais qui trouveraient la plaisanterie bien…lourde.

* les sabots, en béarnais
** taper le mot en haut de la page


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6 commentaires au sujet de Massabielle (grotte de)

  1. Il fallait creuser profond… pour trouver la sortie !!!!!!
    L’histoire en dit long !
    Merci Dominique !

  2. moi ausi j’ai pas osé vous écrire pendant longtemps mais c’est super vos histoire, on dirait des vrais sketch et c’est très cultivant. les choses compliqués deviennent simples. contiuez et felicitation! Jean marie, Geneve

  3. Je recherche maintenant sur votre site : Bet-harram, la maison interdite.

    Le trouverai-je?
    Je vous écris du bord d’un « leger » breton, le Douvenant… ou « doux-venant » ou « douve-nant » ou « douve-néant ».
    Le néant breton étant très probablement la francisation du breton « nam », ciel, point de vue, horizon… ou démagogue… celui qui montre l’horizon au peuple… avant 1789 !

  4. Bonjour, et merci de votre contribution…
    Vous avez raison, pas d’actualité particulière ces dernières années à Betharram (Pyrénées, pour ceux qui habitent au nord de l’Adour; ceux qui connaissent la région penseront forcément au célébrissime -et redouté- pensionnat religieux qui fit une partie de la réputation de la ville).
    Par contre, je ne sais pas où vous avez trouvé ce ‘découpage’ en bett-harram (la maison interdite?!), puisqu’il semble que le toponyme se soit créé sur une légende selon laquelle la Vierge Marie aurait sauvé une jeune fille des eaux du gave en lui tendant un ‘rameau divin’; autrement dit littéralement en gascon: un beau-rameau / beth-arram, qui me semble bien plus évident.

    Sans compter qu’avant cette ‘dévotion’ particulière, apparue vers la Renaissance, le premier nom du lieu était Guatarram, mentionné comme tel dans les premiers « Recensements des Feux de Béarn » (1335, sorte de répertoire des lieux habités, pour être très schématique); la plupart des linguistes hésitent à confirmer l’hypothèse d’un ‘rameau de gui’, ce qui me semble effectivement assez prudent. Je n’ai rien de mieux en la matière…

    Voilà pourquoi il ne faut pas chercher à faire systématiquement un…viaduc (même à Douvenant) entre certaines racines, y compris en ‘franco-breton’. Pour autant que me permettent d’en juger mes (faibles) connaissances du celte, il n’y a dans Douvenant aucune des articulations que vous proposez; partant du celte (évidemment), puis du gaulois (forcément), le phonème (le son) ‘dou-‘ apparait dans tout l’arc atlantique (y compris ibère) pour évoquer de l’eau. D’où les Do(u)rdogne, (A)dour, Douro, et même Durance…

    Le dou-venant qualifierait alors une zone humide, probablement pas un marécage en Côtes d’Armor mais un ‘aber’ dans lequel entrait la mer, l’eau ‘venant’ (?!) dans la terre. Le mix de deux racines manifestement différentes d’un point de vue chronologique me semble encore un peu contestable; mais je n’ai rien trouvé de mieux non plus.

    Parlez-en autour de vous et tenez-nous au courant!
    Cordialement,

  5. Bonjour,

    On oublie souvent que les Celtes, groupe culturel, ne sont arrivés qu’au 7 éme siècle ( c’est à dire en même temps que les Grecs en Provence ) et que donc auparavant il y avait déjà des populations bien développées qui occupaient ces territoires, notamment les Ligures. Les racines  » Dor », « Dour », « Dur », de nos cours d’eau viendraient des parlers Ligures et signifierait « eau rapide ».
    En ce qui concerne les peuples celtes de la Gaule, les derniers éléments indiquent que les populations installées au sud de la rivière Dordogne jusqu’aux Pyrénées ne parlaient pas la même langue que les populations installées dans le nord de la France et en Belgique. Un peu comme aujourd’hui où les irlandais parlant le gaélique ne peuvent pas comprendre les gens qui parlent le breton.
    Bonne journée,

    FC

  6. En réponse à la réponse de Dominique,
    Sur Douvenant, je me livre à de la licence plus ou moins poétique… mais qui se révèle assez féconde puisque cela vous a fait penser aux abers auxquels je ne pensais pas!

    Sur Néant, par contre, c’était plus sérieux
    http://www.infobretagne.com/neant-sur-yvel.htm
    Néant-sur-Yvel vient du breton « néan » (le ciel ou l’horizon) ou de « Neizhan ».
    Et mon ami Sébastien Le Guillou, grd facteur de courts métrages bretonnants sur FR3, m’a lui-même suggéré que cela pouvait désigner un « démagogue » sans la nuance péjorative que cela prit après la révolution de 1789. J’habite en effet dans l’une des anciennes fermes du « château de la Ville Néant ». Je soupçonne un tantinet la révolution française d’avoir voulu « anéantir » la petite noblesse bretonne qui logeait en ce château avant 1800, faisant du « démagogue, montreur d’horizon » un « néant ».
    Mais après tout, c’était peut-être de bonne guerre! Que faisaient donc ces bretonnants à vouloir asservir le pays Gallo?

    Pour Bet harram, je me permet d’insister : est-il si illusoire de penser qu’avant d’avoir un nom béarnais, les grottes de la région purent avoir des noms arabes?… vu qu’ils semblent un peu illusoire de penser qu’ils ne sont pas passer dans le coin…

    La petite Bernadette de Lourdes, y venait parait-il s’y réfugier pour se protéger des jeunes bergers. Ce qui était assez fûté car cette grotte avait très mauvaise réputation et effrayait ces jeunes godelureaux.

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