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Onze (mai)

Chaque chiffre, chaque nombre ou presque suscitent une sorte de tradition, de culte, ou plus pathologiquement de crainte. Quel(s) que soi(en)t le(s) numéro(s), les hommes ont en effet le besoin de trouver des liens, aléatoires ou divins, entre des événements ou des objets et des situations. Pour aller au pied de la lettre (ou plutôt du chiffre) d’un point de vue étymologique, que faut-il penser du désormais incontournable (et déjà insupportable) ‘onze mai’?

Il y aura eu un 11 septembre de funeste mémoire (2001), un 11 novembre de défaite (1918*), un 11 mai de révolte des étudiants devant la Sorbonne (1968), et seulement le grand pas d’un numéro 11 réussi pour l’humanité, celui de la mission Apollo sur la lune (1969)…A part « les Onze mille verges », roman littéraire (si, si) signé Guillaume Apollinaire, puis un film américain avec…douze braqueurs et un magazine sportif destiné aux coupeurs de pelouse en quatre, le nombre en question est plutôt considéré comme bancal dans beaucoup de cultures.

Il parait d’ailleurs que c’est pour (ou à cause de) cela qu’il y a 22 joueurs à courir après la baballe au pied, en raison des premières équipes (anglaises) recrutées dans des écoles dont les dortoirs comptaient dix garçons, l’indispensable goal venant ‘déséquilibrer’ ce compte rond sur lesquels comptaient les générations depuis des siècles, celui de leurs dix doigts (1)…

Dans certaines autres traditions, quand le 11 n’évoque pas -et rarement- la stabilité par comparaison avec l’image des deux jambes plantées dans le sol, on considère plutôt ce nombre comme une ‘erreur’ dans l’ordre cosmique, un…impair qui fait basculer l’ordre humain et limité (à dix doigts) dans l’infini de la suite de ‘l’indénombrable’(2)!

Bref, c’est à nos ancêtres les Hellènes que l’on doit les racines du ‘un-dix’, la façon la plus logique d’aligner une unité supplémentaire après la dizaine. On utilisa donc les mots ‘hen’ ou ‘hena’ (un) suivi de ‘déca’ (dix, rien à voir avec le café) pour faire ‘hendéca’, que vous retrouvez dans le très connu mais difficile à caser en soirée (ou ailleurs) ‘hendécagone’, le polygone à onze côtés. Les Romains ne se sont pas cassé le boulier pour copier-coller leur propre ‘unus’(un)-decim(dix), lequel ‘undecim’ va évoluer -pour ne pas dire dégénerer- en ‘ondecim’ > ‘ondsim’ > ‘onzim’ et enfin onze (à quelques mots près).

La plupart des langues occidentales d’influence latine vont garder le même rythme, comme le très transparent ‘once’ espagnol ou l’italien ‘undici’ très proche de la v.o locale. Les gens du Nord vont préférer un son comme d’habitude plus guttural (le ‘elf’ germain, aussi bien néerlandais qu’allemand, mais que certains rapprochent pourtant d’un…’unf’ hérité du mot latin), à peine ramolli dans le ‘elv’ saxon qui donnera ‘eleven’ en anglais.

Mais la particularité principale de notre nombre est qu’il suscite assez de respect (ou de méconnaissance) de prononciation pour le gratifier le plus souvent d’une sorte de ‘h’ aspiré tout à fait inattendu! Alors que la tendance est partout (y compris et surtout chez nos gouvernants) de parler des ‘compagnies haériennes’ et des ‘décisions heuropéennes’ (et j’en passe), on a l’impression que le (H)onze est intouchable.

Il faut dire qu’à part les…z’uns (et les autres) qui ouvrent la série des pluriels possibles, on n’a pas le moindre souci avec deux, trois, quatre, cinq, six et sept jusqu’à…huit. Et bien que l’on prononce (à tort) des z’haricots et parfois des z’hameçons’, le onze est comme le hérisson ou le homard, on ne s’y frotte pas assez souvent pour le priver d’une aspiration en réalité facultative (3).

On devrait donc pouvoir dire les z’onze joueurs, comme on dit les z’oncles ou les z’orages. Or, comme on parle rarement de « l’entrainement des z’onze » mais plutôt des Verts, des Bleus ou des Rouge-et-Noir (sans ‘s’), ce nombre risque de devenir petit à petit aussi symbolique (et funeste) que le 13 par exemple.

Il parait, justement, que certains lui accordent autant de malheur que le nombre de convives présents au dernier repas du Christ (12 apôtres + 1 Jésus, d’où un ‘treize à table’ fatal), alors qu’après la trahison puis la fuite de Judas, il ne resta donc plus qu’onze disciples rapidement remplacés, dans une certaine mesure, par Marie et Marie-Madeleine…

Voilà peut-être pourquoi, en attendant cette date fatidique, ‘on ze met’ dans tous ces états…Pourvu que le Premier Ministre ne me repousse pas tout ça d’une semaine! Au moins numériquement.

(*) Symbole pour symbole(s): on dit que l’Armistice de la Première Guerre Mondiale fut très précisément signé à onze heures, le onzième jour du onzième mois de l’année (heureusement qu’on n’était pas le 29 février…)

(1) D’où le système dit déci-mal (par dix, et pas mal du tout), universellement reconnu comme le plus pratique sauf par les Anglais et associés, of course.

(2) Ce serait l’un des sens du basque ‘hamaika’ (onze/infini)

(3) On doit dire « les z’onze arbres » et non « les honze harbres »! Cela étant, les ‘z’Onze de Daniel Océan’ (en v.o: « Ocean’s Eleven’) c’est pas terrible non plus.


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Un commentaire au sujet de Onze (mai)

  1. Et de sinistre mémoire, concernant le 11 septembre (car on a tendance à oublier celui-là), il y eut le 11 septembre 1973 : le coup d’état de Pinochet au Chili, sans doute le coup d’état qui a le plus frappé la mémoire collective dans la deuxième moitié du XXème siècle.

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