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canonisation

Dans l’année liturgique, c’est le «week-end de la Miséricorde» (retenez bien ce mot!), celui pendant lequel on aura procédé à l’inscription au calendrier catholique de deux petits nouveaux (je n’ai pas dit jeunes), Jean XXIII et Jean-Paul II, le premier dans la session de juin, le second dans celle d’octobre. Bon, vu le nombre de saints ‘nominés’ pendant deux millénaires, il faudra quand même partager l’espace avec d’autres vétérans de la canonisation; mais après les deux étapes d’ascension que sont la vénération et la béatification (1), être canonisé représente une sorte d’arrivée finale sur les Champs-Elysée(n)s (2), ce territoire mythique que les Anciens appelaient également «L’Ile des Bienheureux», séjour réservé à ceux qui avaient mené une vie vertueuse sur Terre…C’est exactement ce qui vaut à nos gens(-Paul) l’apparition au ‘Hall of Fame’ catholique. Soit, mais reste quand même la question: que vient faire dans cette histoire une pièce d’artillerie lourde?

Beaucoup sont persuadés que le mot vient du fait que l’on tirait des coups de canon pour annoncer Orbi et donc forcément Urbi la sanctification des impétrants. Mais on n’est pas sur le Rocher (de Monaco), et bonjour les lustres du Vatican, sans compter les vitres des voisins! Par ailleurs, ça fait belle lurette que l’Etat pontifical n’a plus (le droit d’avoir) une armée, à part quelques suisses si petits qu’on est obligé de les habiller en couleurs criardes pour ne pas les rater. Et puis, rendez vous compte: cela risquerait de faire de nos papes de vrais…boulets dont il faudrait se débarrasser (les hommes-canon?)! Les plus imaginatifs pourront toujours inventer qu’on buvait peut-être un…canon à chaque béatification (ben quoi: il y a bien du vin à la messe), mais rien à se mettre dans le gosier non plus de ce côté-là. Bien que…

En réalité, vous savez sans doute que le verbe canoniser a un rapport avec le droit canon, ou la loi canon, sorte de pléonasme emprunté aux Grecs puisque le mot ‘kanôn’ signifie déjà la règle ou la loi (une loi canon devenant donc une ‘loi légale’…). Ce qui est canon, et à plus forte raison canonisé, c’est ce qui est entré dans la règle de l’Eglise, pour ne pas dire dans la liste de ses modèles (au sens d’exemples, pas de top…), d’où la mise au générique des figures les plus emblématiques de l’entreprise chrétienne. D’ailleurs, à une certaine époque, le terme grec a logiquement désigné un catalogue ou un répertoire, CQFD (pour être dans l’annuaire, attendre encore quelques siècles).

Pour être encore plus précis -et donc étymologique- ce ‘kanôn’ est la racine (et pour cause) qui désigne une…canne, autrement dit un roseau séché. La tige du-dit roseau étant censée être droite, le sens a glissé (le long de la canne) jusqu’à désigner tout ce qui peut être rigide et droit: soit, chronologiquement (et comme vous le pensiez) la croix de bâtons qui sous-tend l’intérieur d’un bouclier (précis, non?); la tige d’une quenouille; la règle (de mesure ou d’aplomb) des charpentiers; le fléau d’une balance et même…des tringles à rideaux (au magasin Ikéa de l’Acropole).

Puis vient enfin le sens figuré de mesure ou de limite, en tout cas de norme, auxquelles on se réfèrera pour estimer quelque chose ou quelqu’un, bref un modèle, celui qui a une…règle de conduite irréprochable, ce que l’on ne saurait contester sans doute aux élus du jour. Ironie du sort: c’est ce même sens figuré qui va permettre de définir les ‘canons’ de la beauté, c’est-à-dire les normes et les mesures justement (90/65/90, non ce n’est pas le numéro de téléphone du pape), qui font des mannequins en vogue des’canons’! (pour les papes, à part la robe…)

On ne peut pas conclure ce sujet sans revenir un instant sur le canon d’artillerie (enfin, pas trop près), dont vous avez maintenant deviné que l’étymologie vient du ‘roseau’, tige creuse dans laquelle on mettra d’abord de la poudre (le canon du fusil) puis une bombe (le boulet du canon). Cerise sur le boulet, quand vous buvez des canons au bistrot avec vos copains, c’est qu’on vous a forcément (disons, en principe) servi votre commande dans des verres-tube, initialement de la même forme que les objets précédents, d’où leur nom (on ne boit donc que de l’alcool dans un verre-canon, et du vin dans un verre-ballon!). C’est sans doute pour cela que le lendemain vous vous réveillez avec un coup derrière les oreilles, mais sans être canonisé pour autant.

Au fait, vous savez quoi? La chantilly sur la cerise sur le canon, c’est que si vous êtes photographe, et que vous pratiquez les boitiers de la marque…Canon, ce n’est pas parce que votre appareil tire très loin ou que l’objectif que vous y avez monté ressemble au tube d’une canonnière. 0n doit en effet ce nom à un ingénieur de Tokyo (where else?) qui a inventé en 1937 le premier appareil compact, et qui l’a dédié à…Kwanon. Or -je vous jure que je n’invente rien- c’est précisément le nom de la déesse japonaise de…la Miséricorde! Cà valait bien un coup de canon, non?

(1) Notez bien que l’on dit ‘béatifié » et non -théoriquement- ‘béat’ (sauf pour Jean-Paul 1er peut-être).
(2) Ironie mythologique: pour les dieux de l’Olympe, ce séjour se trouve à l’origine…aux Enfers, et non au Paradis!


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4 commentaires au sujet de canonisation

  1. joyeuse chronique aujourd’hui ! tu es tout à fait précis dans les mots et très humoristique. il y a quelques mois une lectrice disait que tu avais toujours la chance de tomber sur tes pieds mais là c’est très fort ! félicitations François, Paris et Bruxelles

  2. Bravo Dominique pour toutes ces recherches … Aujourd’hui, il fallait y arriver !!! J’espère que le cerveau ne fumait pas trop, après toutes ces histoires de « canon » !!!!!!!!
    Toujours aussi passionnant !
    Merci et bonne continuation…

  3. Avec ce nouveau chapitre étymolog!que ta canonisation est à la très proche sortie du tunnel Dominique!
    Félicitations pour ton érudition et ton humour.

  4. comme toujours, la lecture fut un vrai régal

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