Le site qui vous aide à comprendre le vrai sens de votre patronyme

Charb

Si vous ne savez pas encore qu’il s’appelait en fait Charbonnier, c’est que vous revenez d’une reconnaissance de terrain sur Mars, ou que vous l’aviez déjà deviné tout seul. Evident mais, mine de rien, l’hommage unanime et mérité rendu au directeur de la publication de ‘Charlie Hebdo’ est l’occasion de constater comment il est parfois facile de créer un pseudo quand le mot s’y prête spontanément, comme Charbonnier abrégé en Charb’.

C’est (quasi) forcément la première syllabe qui s’y colle, pour de bêtes raisons de…tension musculaire. Les langues, même quand elle sont déliées, suivent la même pente que tous les autres organes du corps humain: la gravité les fait tomber plus facilement que s’élever (la mâchoire, comme vous le pensiez), il est donc plus facile de faire court que de dépenser de l’énergie à articuler. D’où, parmi des milliers d’autres, des abréviations féroces qui se résument parfois à de simples initiales (PPDA pour l’interminable Patrick-Poivre-d’Arvor), ou la tendance irrésistible à se réapproprier un nom en le mutilant ‘affectueusement’, faisant même de Dalida une Dali qui ne devait rien à Salvador.

Bref, que ce soit au-dessus du berceau lorsque l’enfant paraît (Mimi, Mumu, Titi, ou Gégé, c’est pareil), dans la cour d’école primaire, ou entre copains pour mettre l’ambiance, le Stéphane à trois syllabes devait forcément devenir Charb, occultant à l’occasion d’autres possibles Charbonneau, Charbonnet, Charbonne, ou -évidemment- Charbon (1). Car l’étymologie des Charbonnier, c’est forcément une histoire de charbonnerie, activité séculaire pratiquée le plus souvent en forêt ou au bord des routes par celui qui savait faire chauffer le bois sans le brûler afin d’en extraire le…c(h)arbone et ses minéraux. Chez les Romains, ce ‘carbo(n)’ désignait en priorité le fusain, pour lequel je n’ai pas besoin de vous faire un dessin.

En attendant de charbonner au crayon noir les jolis yeux des biches du vingtième siècle, le charbon-de-bois, par opposition au charbon-de-terre (la houille) va donc donner son nom à un métier souvent réservé à un homme sans instruction car obligé de vivre loin des villes, et dont la désormais célèbre foi s’appuyait sans réserve (ni réflexion) sur les préceptes de l’Eglise, et que tonton Georges (Brassens) qualifiait de «heureux comme un pape et con comme un panier» (sans grande considération pour l’intelligence des panies, mais bon…). Dans le même ordre d’idée (péjorative), dès l’Antiquité, l’expression ‘charbonner quelque chose ou quelqu’un’ signifiait critique, blâmer, pour ne pas dire rayer de la carte du monde en charbonnant un nom. Décidément, noir, c’est noir.

Mentionnons pour simple mémoire les dérivés de la famille du charbon, outre le charbonnier (le métier, donc), la charbonnière (pas la femme du charbonnier, le lieu ou le chaudron dans lequel on cuisait le bois), la charbonnerie (l’usine à charbon) vite transformée en charbonnage(s de France); le plus ancien, depuis le treizième siècle, est probablement la charbonnée, qui désignait à la fois la quantité de charbon tirée d’une fournée mais surtout un morceau de viande grillée sur les charbons, en français: barbecue (2).

La famille qui va laisser le plus de traces charbonnées dans le vocabulaire est la version ‘d’oc’, qui va conserver le ‘carbo’ latin pour en faire d’abord le carbone; puis, pour rester dans la bouffe, la carbonnade (étymologiquement: beaucoup de morceaux -ade- qui cuisent -carbon); viendront ensuite la carbonation (la cuisson) mais surtout la carbonisation, qui se produit quand vous avez oublié les saucisses sur le gril; puis la neige glacée à base de dioxyde de carbone dite carbonique (pour éteindre le feu du barbecue). Ne reste plus qu’à vous rabattre sur les pâtes…carbonara, dont on se demande encore qui a fait brûler les premières casseroles: est-ce parce que c’était le plat favori des charbonniers (!) qui avaient pour habitude de poivrer largement leur mixture, d’où l’idée de pâtes ‘au charbon’? Rien n’est moins sûr.

Le Charbonnier le plus délicat (et le plus dissimulé pour un Français) vient de Germanie, puisqu’il se dit Köhler, et qu’il évoque davantage une plaque de chocolat qu’un sac de charbon de bois (holz-köhle), vous pouvez me croire, foi de charbonnier (köhlerglaube).

(1) Je connais un Charbon journaliste qui, à la fois pour éviter les idées noires et intriguer ses lecteurs, écrit sous le pseudonyme de…Bonchar!

(2) Non, je plaisante. Mais, contrairement à ce que vous pensez peut-être, le mot n’est même pas anglais ou américain mais…hispano-antillais, hérité d’un dialecte amérindien (‘barbacoa’) qui désignait une claie (en bois) sur laquelle on faisait rôtir des lambeaux de viande, d’où votre ridicule murette de jardin à grille inoxydable…


N'hésitez pas à soutenir ce site ! Il vous est possible de faire un don libre pour assurer un contenu régulier et sans publicité. Votre participation serait grandement appréciée !

 
 

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.