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Despiegelaere (Axelle)

Vous ne la connaissez (peut-être) pas (encore), mais retenez bien son nom, vous risquez de la revoir un de ces jours sur vos écrans de télévision. Peut-être (et même sans doute) sous un autre nom, car pour le moment elle porte celui que vous voyez en titre. Le hasard d’un gros plan réalisé par les caméras placées dans le stade brésilien lors de la rencontre Belgique-Russie du 22 juin dernier a permis à la jeune femme de devenir, en quelques secondes, une star mondiale qui se voit si belle en ce miroir. Et pour cause…

La supportrice belge affublée de la trilogie chromatique nationale semble en effet en avoir fait beaucoup (d’effet) sur un cadreur de la tribune opposée, puis sur le groupe de son pays, puis sur l’équipe des Diables Rouges (et Jaunes et Noirs), et enfin sur un cadre de la société L’Oréal qui n’a pas les yeux dans sa poche puisqu’elle vaut bien: une fois ‘postées’ sur un réseau bien connu, les photos de la belle ont rapidement fait le tour du monde mais aussi le tour du bureau de l’industriel du cosmétique, qui lui a proposé illico un contrat de mannequin. Sans compter, dit-elle, de nombreuses demandes en mariage (de la part de riches Russes?).

Les prochaines peintures de guerre du frais minois se retrouveront-elles bientôt dans vos magazines, avec, pour légende, ce mot flamand enflammant? Car, étymologiquement, vous avez déjà compris que le polysyllabique patronyme appartient davantage au registre néerlandophone que francophone. Si vous habitez la Belgique ou l’Est de la France, vous avez sans doute déjà compris le mot; pour beaucoup d’autres (dont moi), le flamand c’est plutôt du chinois (mais écrit horizontalement).

Le mot se décompose en fait en trois parties, avec la combinaison complète traditionnelle, préfixe-racine-suffixe, soit de-spiegel-(a)ere. Dans l’ordre: le ‘de’ initial indique ici non pas une provenance ou l’appartenance mais un rapport avec l’objet qui suit; le ‘spiegel’, directement hérité des anciens dialectes germains, a été conservé tel quel dans la langue allemande contemporaine: non, ça ne signifie pas «Le Journal», lequel ne fait que tendre à ses lecteurs le reflet de leur société, puisque le mot signifie ‘miroir’. (En France, on a eu les magazines «Le Miroir du Sport» et «Le Miroir du Cyclisme», on a les images qu’on peut). Quant au suffixe ‘-aer’ (ou -eer, selon les zones linguistiques), c’est l’équivalent de notre ‘-er’ ou ‘-ier’ français, et il indique un mét-ier.

A l’origine, le despiegelaer désigne donc un fabricant ou un vendeur de miroirs, en tout cas quelqu’un en rapport avec l’objet, un installateur, si vous voulez, et si vous avez les moyens de décorer le salon de votre château par une dalle de grande dimension (auquel cas, ça deviendra une glace -comme la Galerie de Versailles- le miroir étant, par définition, de taille facilement manipulable). Si notre Diablesse Rouge est un jour médiatisée, gardera-t-elle comme argument de vente ce nom un tout petit peu plus complexe que Schiffer, Crawfort ou Casta, pour la compréhension -et la prononciation sans doute – d’une bonne partie du globe?

Peut-être lui donnera-ton alors un pseudo comme l’Espiègle, sage équivalent sonore français du titre d’un roman picaresque germanique, paillard et anticlérical, un certain ‘Till’, qui a eu en France son heure de gloire dans les années cinquante, incarné à l’écran par le sourire juvénile de Gérard Philipe. En fait, la v.o est bien ‘Till Eulenspiegel’, ce qui signifie le hibou, jeu de mots qui emboite les deux objets fétiches du personnage, une chouette et un miroir (eulen+spiegel). On murmure que la véritable traduction serait en fait beaucoup plus grossière, en considérant la première partie du mot (eulen) comme une forme déguisée de ‘ulen’ (essuyer) et ‘spegel’ (le derrière, et non pas spiegel), ce qui donnerait en français -académique- quelque chose comme «tu peux toujours te brosser», ou plus clairement «me torcher le cul», bien plus cohérent avec l’esprit et l’époque de l’oeuvre, que l’Espiègle politiquement correct.

Mais on a toujours plus ou moins de problèmes avec les miroirs; on dit que certains ont deux faces, que d’autres ont des yeux pour montrer le reflet de l’âme, ou même qu’ils ‘feraient mieux de réfléchir à deux fois avant de renvoyer une image’ (Cocteau?). Quel que soit l’avenir de Mlle Despiegelaer, elle pourra toujours se revoir dans les images du passé; cela s’appelle regarder dans le rétroviseur (spiegel). Y compris donc étymologiquement.


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Un commentaire au sujet de Despiegelaere (Axelle)

  1. J’ai appris beaucoup de choses sur ma langue et je suis stupéfait. bravo. Hugues

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