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Lepage (Corinne)

Cette semaine à la Commission Européenne, éclats de voix contre les lobbys industriels, de la part de l’ex-Ministre de l’Environnement d’Alain Juppé, infatigable avocate (à tous les sens du terme) des droits des consommateurs. Belle occasion d’analyser l’étymologie -plutôt facile- de son patronyme, sans faire pour autant de cette militante féministe une ‘pagette’, alors qu’elle fit partie de ces mémorables ‘jupettes’, dont fut affublé le Premier Ministre sus-cité. Mais rassurez-vous, avec les Lepage, on a de quoi en remplir des pages…

Et d’abord, prenons soin de bien conserver le genre masculin, puisque la toute première forme de ce nom était évidemment Le-Page, ce qui, en français, n’a rien à voir avec une page, dont nous reparlerons plus tard. Le page, un page donc, on l’imagine tous avec un pourpoint en velours bleu et taffetas, apportant sur un coussin brodé ou un plateau en argent la brosse à cheveux d’une Catherine Deneuve lissant sa crinière avant d’endosser sa peau d’âne. Dans sa représentation traditionnelle, le page est donc un valet, attaché au service domestique du premier (ou première) châtelain(e) venu(e). Constat important: un page n’est pas un écuyer, et n’a donc rien à voir avec les affaires ‘viriles’; il est effectivement en général plus jeune que son collègue affecté au service d’un homme, et on le trouve le plus souvent dans les couloirs -voire la chambre- des femmes du château.

C’est que la page de ce page-là n’a été écrite qu’au 15è siècle, alors que précédemment il ne désignait tout simplement qu’un enfant, d’après un mot grec (‘païdion’) signifiant même un tout-petit enfant; selon la tradition hellène, disons un gamin, un minot (diminutif du précédent: ga-minot), bref un braillard de coursive médiévale…Ce n’est qu’au fil des siècles, et parfois de l’Histoire, que le page va prendre des années, du costume et du galon, passant au-delà de l’âge de la puberté et plus si affinités avec les dames d’honneur, et même la châtelaine. C’est d’ailleurs le sens de «La Dame de Béziers», chanson (interprétée par Charles Trenet), dans laquelle une femme abandonnée ‘a une embrassade avec son page rieur, un jour de son seigneur partait pour la Croisade)’. A part de supposer des instincts pédophiles à la dame en question…

Ce page n’est d’ailleurs pas tout seul dans la famille (linguistique): le même mot va donner naissance aux Page (tout court), aux Paget, Pageot (le petit page), Pageon (le fils du page, ou le petit page également); phonétiquement, on a donc aussi les Pajeot et Pajot (de futurs navigateurs), et même les Pajelot et Pajelon. Le seul banni du château est le Pagès, totalement étranger au clan malgré les apparences, puisqu’il vient, lui, du latin ‘paganus’, qui signifie…paysan (mais pas païen, enfin si, mais pas du tout dans le sens où on l’entend aujourd’hui).

Rien à dire non plus sur le pageot (sans majuscule, nom commun), appellation familière voire argotique du lit (aller au pageot), sans lien aucun avec les sens précédents (sauf situations évoquées plus haut…). Ce pageot-ci est en fait une déformation (d’origine nordiste) du pieu, qui lui-même est la version occitane non pas du bout de bois taillé pour faire les clôtures mais du mot ‘piel’, c’est à dire dire la peau! Et une peau bien précise, puisqu’il s’agit de celle des animaux, dont la fourrure servit pendant longtemps à recouvrir les lits pour se réchauffer. En attendant l’invention du coussin en plume de canard (le canard eider, d’où le nom d’eider-don, puis édredon!), on devait donc utiliser des ‘pieux de bêtes’ si on voulait aller au pieu ou au pageot confortablement.

Cela n’empêche pas le pageot d’avoir permis d’écrire quelques belles pages de littérature, sur une page -au féminin- découpée dans le latin ‘pagina’ (la pagination, évidemment). Or, si le pieu vient de la peau, la page, qui n’était pas encore en papier, vient elle du premier support sur lequel on commença à écrire (facilement), à savoir le…papyrus, probable racine (c’est le cas de le dire) de notre mot ‘page’, via l’Egypte et la Rome antique. Finalement, cette Lepage m’aura largement évité la page blanche, au moins étymologiquement.


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