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Molière(s)

C’est le traditionnel dérapage orthographique de chaque printemps dans la presse écrite: comment titrer convenablement le reportage sur la cérémonie de remise des récompenses aux acteurs du théâtre français. Car, comme tous les ans, les ‘grands’ médias vous annoncent le palmarès des «Molières», provoquant sans doute le retournement annuel dans sa tombe du cadavre de notre auteur national le plus emblématique!

Alors non, tout comme les (prix) Nobel, les Oscar, les César, ou les Molière (d’ailleurs honteusement affichés à la fois avec un ‘s’ final et la majuscule qui l’interdit!) sont tous créés d’après leur inspirateur, on ne met donc pas de pluriel pour salir un nom propre mais…mou, comme l’indique l’étymologie de son patronyme.

En effet, depuis 393 ans (il est né en janvier 1622), l’histoire de la littérature nationale le considère comme ‘maître-étalon’ du parler de son pays, le seul dont on dira ‘c’est la langue de Molière’, périphrase qu’il n’est pas donné à tout le monde de personnifier. Par ailleurs, le bonhomme était destiné à devenir une star et portait par conséquent un pseudo, son nom d’état-civil étant bien sûr Jean-Baptiste Poquelin. Molière n’est donc qu’un surnom de provenance, qui prend naissance dans les terres de Pezenas* (34) qui le rendront célèbre, résidence infiniment plus ‘exotique’ que le Paris de sa naissance (et de sa mort). Or, en ancien-français, molière est en fait une ‘meulière’, qui désigne un terrain marécageux et épais. Mais que diable Jean-Baptiste était-il allé faire dans cette galère?

Car galère il y a bien, au moins d’un point de vue linguistique; et la question fait parfois encore rage parmi les spécialistes. A l’origine, il y a bien le mot occitan ‘molielga/moluja’, à savoir un terre grasse et humide, autrement dit…molle, en français moderne. On peut en conforter le sens avec le verbe ‘molhar’ (mouiller) qui colle parfaitement au sens (et aux chaussures). Le terme de moulière se retrouve d’ailleurs dans plusieurs départements actuels du sud (le Lot, le Tarn et Garonne, le Gard ou l’Aude), territoires a-priori plutôt secs ou pierreux sur lesquels une zone humide se remarquait et s’appréciait particulièrement. Voilà donc un exemple parfait et tout à fait clair de patronyme issu d’un toponyme, comme il en existe des milliers d’autres.

Le grand débat concerne davantage la raison éventuelle pour laquelle Jean-Baptiste Poquelin ne voulut jamais justifier du choix de ce pseudo, y compris auprès de ses intimes. L’étincelle qui allume l’incendie est cette équivoque curieuse: on est tout à fait certain que l’auteur n’écrivit jamais son nom autrement que ‘Moliere’, sans accent grave; la raison est en strictement phonétique: à l’époque, on ne pouvait prononcer ce mot que ‘mouliére’, exactement comme si l’on avait écrit ‘mulier’ en italien ou en espagnol. La lettre ‘o’ se disait forcément ‘ou’: poume pour pomme; houme pour homme (ce qui donnera, par exemple, le patronyme Delhoumme = sous-entendu le fils…de l’homme), etc.

Par conséquent, on fantasma longtemps sur ce Mouliere, si proche d’un ‘mulier’ latin, qui signifie une femme, et dont la sonorité pourrait semer le doute sur le genre (symbolique) du dramaturge. Imaginez, de nos jours, quelqu’un qui s’appellerait Monsieur Dame! Voilà ‘un fiancé au nom bien ridicule (…) à quitter sans préambule’ («Les Demoiselles de Rochefort», de Jacques Demy). On peut gloser à l’infini sans doute sur le choix de ce mot de toutes façons définitivement célèbre, dont le seul défaut est d’être régulièrement raillé dans les cours d’école primaire en le confondant avec une molaire, évidemment sans aucun lien avec Mr Poquelin, si ce n’est qu’il eut parfois la dent dure avec ses contemporains.

Or, la véritable stupéfaction n’est pas de se mouiller sur le sens du pseudonyme, mais bien de se poser la question du nom d’état-civil, dont l’orthographe exacte est d’ailleurs Pocquelin, confirmée par toutes les autres variantes de ce mot, comme les Pocquet (en Ile-de-France), les Pocquey (dans l’Est) ou les Pocquereau (sur l’Ouest atlantique). Le Pocquelin en est une forme de diminutif, dont l’origine étymologique appartient à une racine flamande (pocke) qui désigne…la maladie de la petite vérole, autrement dit une variole qui laissait des traces suffisamment significatives sur la peau des malades, au même titre que la ‘grande vérole’, terme poli pour définir la syphilis. Voilà un coup du sort (étymologique) pour le descendant d’un ancêtre qui n’était peut-être pas un malade si imaginaire que cela. Au moins étymologiquement!


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