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Poelvoorde (Benoit)

Dans une récente émission de télévision où il est venu faire la promotion de son dernier film, l’acteur qui rit toujours de son plat-pays a annoncé la signification de son nom, soit « petite flaque d’eau qui pue », ce que son complice Edouard…Baer n’a pas manqué de juger peu engageant pour une médiatisation. La dérision est un tout petit peu forcée, car il y a quand même un pas par rapport à son origine flamande…

Le pas en question va en effet nous aider à éviter de nous mouiller les pieds, puisque Poelvoorde est un toponyme, un mot qui définit un lieu et/ou la personne qui l’habite (enfin, qui l’a habité, bien des générations avant le petit Benoit); bref, il s’agit du surnom d’un homme qui avait (sous-entendu: sa maison) ‘poel-voorde’, autrement dit (près) du ‘gué-qui-traverse-le marécage’.

Prenons les deux éléments l’un après l’autre: ‘poel’, tout comme l’anglo-saxon ‘pool’ très proche phonétiquement, désigne, selon l’endroit et la nature du sol, une mare, un marécage, ou encore un marais, par ordre croissant d’importance (1). Le terme pourra donc être composé avec un autre afin de varier les possibilités (et selon le nombre de maisons dans le secteur); on trouvera alors des Poelmann (mann = homme) ou, plus clair encore, des Van de Poel pour désigner un ancêtre qui habitait près d’une mare par exemple.

Contrairement à la remarque immédiate dudit Benoit (« ça n’a pas d’équivalent en français »), il existe chez nous un et même des équivalents tout aussi limpides (enfin, selon la qualité de l’eau)! C’est très…clairement le cas des Delamare ou Delamarre, comme Gilbert-Yves de la Villenaise de Chenevarin (!) célèbre cascadeur français dit Gil Delamare, ce qui est franchement plus facile à caser sur une affiche de film.

Il y a aussi les Dumarais, ou plus fréquemment Desmarais parfois orthographiés Desmaret, Desmarets (comme l’actrice Sophie) et encore Desmaretz, sans que cela change quoi que ce soit à la provenance du mot et à sa signification. On trouve même en Dordogne et en Limousin quelques Desmareix, avec une terminaison très caractéristique de la région…Bon, fini de patauger, on va maintenant passer à ‘gué’.

La seconde partie du nom est donc ‘voorde’, qui signifie le passage à gué, vocable typique mais pas si flamand que ça, puisqu’il vient directement du…latin ‘vadum’, qui fraya, il y a une quinzaine de siècles, avec la racine germanique ‘wad’, autant dire deux sons très cousins (forcément, puisque germains). Surprise: ce phonème va s’installer confortablement dans quasiment toutes les langues européennes, sous des formes très différentes et parfois insoupçonnables, sauf si vous gardez présents à l’esprit deux phénomènes linguistiques assez ordinaires: la possibilité pour certaines consonnes de varier du ‘v’ (ou w) au ‘g’, par exemple; et également de transformer le ‘d’ en ‘t’ et inversement, en fonction de la région. Vous avez suivi? Voici le(s) résultat(s) en clair…

Chez les Latins, vadum; chez les Germains, wad; chez les Flamands, *vod, puis *vood, et enfin voord(e). Chez les Hispaniques, vado (sans surprise, encore utilisé). Chez les Italiens (modernes), guado (transformation sonore du v), tout comme chez les Français, avec gué. Voilà pour la première ‘branche’.

Chez les Saxons devenus anglo-, *vord va être prononcé plus ‘sèchement’, pour donner…ford, à l’origine de tous les Ford de la terre, d’Henry à Gérald en passant par Tom, selon que vous vous intéressez à l’automobile, à la politique américaine ou à la mode internationale. Même phénomène chez les Allemands (ex-Germains), qui garderont un ‘furt’ très proche de ford, ce qui nous fait une seconde branche de mots, mais tous sont de la même famille!

Les patronymes qui utilisent ou intègrent cette racine sont donc des synonymes de ce Poelvoorde si ‘étrange’. Alors que, par exemple, les très francophones copier-coller Dugué ou Duguay (même sens, à condition de ne pas oublier le u!) nous semblent beaucoup plus familiers et explicites. Finalement, ça dépend simplement où se trouve la mare que vous traversez. Mais cela « pue » sans doute bien moins que ce que prétend notre Béni(2) pas toujours oui-oui. En tous cas étymologiquement!

(1) En fait, l’anglais va également faire varier la ‘dimension’ du sens en le rétrécissant, passant, dans le langage courant, de l’idée d’une mare à une flaque, puis à un bassin (d’où la piscine), et enfin un petit espace clos, celui…d’un tapis de billard américain!

(2) Benoît est la contraction (cf. l’accent théoriquement circonflexe) de bénédictus, soit béni, en latin.

Nb: L’astérisque placé avant un mot signale que le terme n’existe pas en tant que tel, ou n’a été attesté que temporairement.


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