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Salauds (343)

Où l’on reparle d’un Manifeste manifestement polémique, initiative provocatrice en forme d’hommage à de célèbres -et parfois prestigieuses- précédentes révoltées: le «Manifeste des 343» (sans la mention ‘salopes’ d’ailleurs!), répertoire publié en 1971 par des femmes déclarant avoir avorté. Cette fois, il s’agit donc de s’opposer à un projet de loi qui vise à pénaliser les clients de la prostitutions. Or, s’il l’idée peut être assez astucieuse (au moins médiatiquement), les signataires du-dit document se rendent-ils compte de ce qu’ils font en se traitant de salauds. Jugez vous-mêmes…

Les premières traces de salauds commencent à faire tache (forcément) au cours du 13è siècle. Comme beaucoup d’autres racines à cette époque, le mot vient d’un terme germanique qui est ‘salo’ (pas encore copain avec le Sodome de Pasolini), et qui signifie non pas sale mais fade, terne ou trouble, bref quelque chose de pas clair. Comme la chose s’appliquait très souvent à l’horizon (bouché) ou à de l’eau (croupie), on avait devant les yeux une situation ‘sale’, d’où le sens qui en découlera progressivement.

Et si c’est sale, ça sent mauvais! C’est en tout cas la correspondance assez rapide que faisaient nos ancêtres; pire encore: si c’était sale, c’était moche, donc méchant. Tel est en effet le cheminement intellectuel quasi-systématique de tous les mythes et littératures: Peau d’Ane ne peut pas être belle et propre (extérieurement); la Marâtre est toujours moche; les méchants sont toujours mal rasés et les princes charmants bronzés jusque ce qu’il faut d’UV. Voilà pourquoi aussi les héros des films d’action sont toujours impeccablement peignés après trois cascades en pleine tempête. Mais rien n’est encore perdu: nous ne sommes qu’à la sortie du Moyen-Age, et toujours pas de ‘salaud’ français à l’horizon.

Or, apparaît en premier au début du 17è siècle, le terme de ‘salope’ (en fait, sous l’orthographe saloppe), et il s’agit alors d’un…oiseau. Nous sommes en Lorraine, territoire de reproduction des huppes, espèce de volatile dont la tête est surmontée d’une aigrette, d’où son nom de huppe ou de hoppe (et hop). Vous avez compris la suite: étant donné que la demoiselle au plumage noir et à tête orangée a le gros défaut d’avoir un nid particulièrement (mal)odorant, on va la surnommer ‘sale-hoppe’, les jeux de variation linguistique se chargeant de simplifier tout ça en ‘simple’ salope; mais le mot reste pour l’instant principalement attaché à la bestiole, et n’est pas encore l’injure que l’on connait.

C’est un grand auteur français qui va ‘médiatiser’ le mot, à une époque finalement récente, puisqu’il s’agit de 1837. Un certain Gustave Flaubert va utiliser dans un roman (pour qualifier des ouvriers) le masculin supposé de saloppe soit…salop, qui sera par la suite ré-écrit (et surtout ré-imprimé) ‘salaud’ (à tort, ce qui explique qu’il n’y ait pas de ‘salaude’). Le -mauvais- tour est désormais joué, et pas plus intelligemment qu’il y a trois siècles: sans autre hésitation, le salaud passe rapidement de celui qui est sale (physiquement) à celui qui est sale (moralement). Ainsi passe la gloire du monde, comme on disait au changement de pape (1).

Dans le langage moderne, la salope aura davantage de succès que son homologue masculin: que ce soit la très utile ‘marie-salope’ (un bateau à fond plat qui permet d’aller jeter au large des résidus de drague) ou la ‘petite-salope’ autrement dit le seule vêtement qui permet de ne pas se…salir, la salopette (un comble), les mots sont restés fidèles au sens propre (si j’ose dire). Manque de chance pour les hommes, il y a un ‘salaud’ qui va prendre du galon et donc de la majuscule pour devenir un patronyme, donc essentiellement transmis par les pères!

Il s’agit d’un vocable qui a fait son petit bonhomme de chemin, parallèlement à l’adjectif dont il question au début: les racines partent encore de Germanie, où un soldat (?) écope d’une responsabilité particulière: surveiller une grande pièce. S’agit-il d’une sorte de ‘salle de fêtes’ du village? Ou d’une enceinte de confinement de prisonniers? Toujours-est il que les deux mots qui sont à l’origine de son nom sont le verbe gouverner (‘waldan’) et le nom commun salle (sala, ou un ‘salo’ homonyme!). La réunion des deux (sala-waldan) puis leur contraction (sal-ald > sal-aud) va générer un cauchemar de fiche d’état-civil et de cours d’école, et la variante Sallaud n’y change pas grand chose. Essayez d’imaginer que vous vous présentez en société avec un nom pareil; remarquez, il y a pire, car il existe un diminutif directement dérivé du Salaud, le Saligot…

Mais revenons pour terminer à nos 343 défenseurs de la liberté de prostitution: si l’on y regarde bien, que ce soit pour eux ou pour les anciennes militantes pro-avortement, personne ne doute que ce soit réellement des hommes ou des femmes sincères. Le seul problème, c’est que, de fait, ils ne se doutent pas qu’ils affichent leur saleté et leur puanteur, ce qui tombe quand même plutôt mal question prostitution. Sauf étymologiquement bien sûr.

PS: au fait, le mot ‘pute’ vient du latin putere qui veut dire…puer. Et ce, pour les mêmes raisons que celle évoquées plus haut, ça ne s’invente pas! Certains font même le rapprochement entre ce verbe et le mot ‘puteus’ (qui a donné le puits, en français), c’est-à-dire l’eau stagnante qui pue dans le fond de quelque chose, même si les racines sont en réalité différentes. Mais décidément, ce sujet est sans fond, pardon sans fin…

(1) Sic transit gloria mundi, en v.o, pour les fans des pages roses (de dictionnaire)


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