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Supporters

« Cà ne fait rien, on va continuer à les supporter », déclaration recueillie auprès d’un spectateur français à l’issue du match contre l’Equateur (0-0) lors de cette Coupe du Monde. Il est bien entendu que ce monsieur est un fervent «supporter», terme anglais qui a le (gros) inconvénient d’être homonyme d’un verbe français qui n’a rien à voir avec le sport, et qui n’en est pas du tout synonyme; ce serait presque l’inverse. Voilà deux types de racines qui vont se télescoper selon le contexte ou les périodes (de jeu).

On entend effectivement de plus en plus souvent qu’il faut «supporter» une équipe, une initiative, ou un collègue de bureau, sauf qu’en français, le terme suppose obligatoirement de faire un effort pour éviter que ne tombe quelque chose ou quelqu’un. Une poutre supporte un pan de mur (au sens propre) mais un locataire supporte son voisin (au sens figuré), c’est-àdire que, dans l’un comme dans l’autre cas, il faut développer une tension afin de garantir la stabilité de la situation. On sait également avec certitude que les Gaulois supportaient leur chef, mais uniquement quand celui-ci montait sur un bouclier qu’ils devaient…porter sur leurs épaules. D’ailleurs, de cette ‘position haute’, on a créé justement le mot «support», qui permet de mettre en vue un objet par exemple (cela étant, beaucoup d’étagères supportent des machins insupportables).Car, preuve par le contraire: quand on n’a pas assez de nerf pour résister au bruit du voisin, ou pas assez de force pour porter le bouclier du chef, tout cela devient donc…in-supportable, c’est à dire exactement qu’on ne peut plus soutenir un certain équilibre, nerveux, moral, ou esthétique, c’est selon.

Or, comme souvent, les anglais nous ont ‘piqué’ (n’est-ce pas insupportable?) un terme qui venait d’un verbe latin qui veut dire ‘porter par en-dessous’, et qui est devenu pour eux le verbe ‘to support’, à traduire en français par encourager, accompagner, et très exceptionnellement soutenir, sauf au sens moral (si vous dites à un anglais « Thank you for your support », il va comprendre ‘merci pour votre aide, et jamais ‘merci pour la fixation murale de votre porte-manteau’). Pour bien marquer sa différence, le français a alors immédiatement répliqué en créant le verbe…soutenir, justement! Donc, quand on apporte son soutien à une équipe, à une initiative, ou à un collègue, on l’encourage, tout simplement; on ne la (le) porte pas jusqu’à épuisement. Notez, à nouveau, que vous pouvez soutenir une équipe et pourtant trouver (les états d’âme de) ses joueurs insupportables; tout en supportant difficilement leurs soutiens (financiers), également appelés sponsors.

Seulement voilà: quand on a un verbe, on a souvent besoin d’un substantif, et le mot le plus évident à fabriquer quand on…tient le verbe ‘soutenir’, c’est ‘souteneur’ bien sûr. Pas besoin de beaucoup d’explications pour deviner que le terme s’est rapidement spécialisé pour qualifier celui qui soutient -financièrement- les prostituées, en fait «qui les protège» pour respecter le sens initial, parce que, d’un point de vue financier, c’est plutôt elles qui le subventionnent. Etaient-elles insoutenables à ce point-là? Est-ce lui qui était insupportable? Toujours est-il que la phonétique de ce «soutien» ne va pas avoir meilleure réputation en l’appliquant au domaine de la famille: être soutien de famille, c’est parfois insupportable, sans parler de ce célèbre sein qu’on ne saurait voir, lâché par son soutien (-gorge) contraignant et tabou, puisqu’on n’osera même plus mentionner cette gorge en créant le «sous-tif» (soutif), gommant ainsi toute allusion directe à l’anatomie concernée. Même chose (moins connue certes) à la SNCF, où le « soutien-gorge » désigne un panneau en forme de…8 allongé, ce signal indiquant une perte de courant devant la motrice, qui dès lors n’est plus soutenue dans ses efforts!

Pour conclure, précisons que cette dérive du ‘supporter’ anglais vers le français date des années 1920 (je parle du mot, pas du comportement de certains hooligans); et comme c’est souvent «la faute aux medias», le terme va rapidement contaminer tout le milieu sportif, puis le parler commun. Voilà peut-être une occasion de chercher un nouveau mot pour apporter notre aide à nos équipes, en créant une autre racine ou en respectant mieux celle-ci. C’est une (hypo)thèse; mais, j’en conviens, pas de quoi en de quoi en faire une…soutenance pour autant.


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Un commentaire au sujet de Supporters

  1. Le vocable « soutif » (pour soutien-gorge) semble être une abréviation apparue dans les internats féminins des années 60. »T’as pas vu mon soutif ? » disait-on dans les dortoirs en Ile-de-France, la finale en « if », désignant, semble-t-il, un adjectif de fonction ou de qualité comme rétif, sportif, abortif, supplétif… Dans mon lycée de province (en Mayenne), j’ai entendu ce terme apparaître en 1966, dans la bouche d’une pensionnaire venue de la région parisienne. Amusées, les internes mayennaises se sont empressées d’adopter et diffuser ce mot hardi et cocasse. Par dévotion aux modes parisiennes, le même phénomène s’est sans doute reproduit à travers toute la France, puis est passé des filles aux mères, et vice-versa, un peu comme l’argot du régiment des pères aux fils. Cependant, le patronyme Soutif (ou Soutil, ou Souty) dérive d’un adjectif beaucoup plus ancien: le latin subtilis, qui a donné au Moyen-Age la formes romanes « soutil » ou « soutif », qui, au 11ème ou 12ème siècle, se prononçaient plutôt « souty », c’est-à-dire avec un « f » muet. Soutif voulait donc dire: subtil, adroit, léger, diplomate. La « livre soutive » était d’ailleurs une unité de poids plus légère que la livre ordinaire. Mais, peu à peu, une partie du peuple s’est mis à prononcer le « f » de « Soutif », en le lisant sur les actes écrits sans en comprendre le sens. Ce mot bien fait rire aujourd’hui les postières, pas toujours subtiles, quand un dénommé Soutif, venant retirer au guichet un objet recommandé, se voit prié de décliner son identité de vive voix…

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