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Thunes

…je ne vais pas remettre de thune dans le juke-box comme on disait à l’époque », a-t-elle ironisé. Elle, c’est Marlène Schiappa, ci-devant Ministre de la Citoyenneté (et non plus de l’Egalité femmes-hommes) au sujet de l’affaire (plainte pour viol) qui touche son collègue Gérald Darmanin (1), lui-même Ministre de l’égalité entre les hommes, autrement dit de la Justice.

Je ne sais pas depuis quand Marlène n’a pas eu une thune en poche (avant l’euro, avant l’écu, avant le nouveau franc, avant l’ancien franc…). Toujours est-il que l’orthographe est au moins au rendez-vous (avec un ‘h’) car les ‘jeunes’ l’écrivent souvent -pour ceux qui savent écrire- ’tune’. Et voici pourquoi…

«C’est une histoire qui a pour lieu / Paris la belle en l’an de Dieu / Mil-quatre-cent-quatre-vingt-deux / Histoire d’amour et de désir»…Les fans auront reconnu la chanson d’ouverture de la comédie musicale de Luc Plamondon et Richard Cocciante, « Notre-Dame-de-la-flèche-tombée ». Le livret s’inspire donc d’un argument (on va dire ça comme ça) écrit par Victor Hugo un siècle et demi auparavant. 

Voilà qui nous convoque quand même beaucoup de (beau) monde pour parler de l’étymologie d’un ‘pays au printemps éternel’ -sinon renouvelé-, la T(h)unisie! A la grande surprise de certains observateurs qui s’étonnent encore de l’instabilité politique de cette région du Maghreb (comme si la Révolution Française s’était calmée en un jour, sans Terreur, ni soubresauts sanglants), l’origine linguistique de la Tunisie, par rapport à Notre-Dame de Paris, c’est quasi-modo, si j’ose dire…

On raconte (à défaut de trouver toute autre explication) que Tunis fait partie de ces lieux ‘exotiques’ (2) autrefois cités par nos ancêtres comme étant si éloignés et méconnus dans notre culture qu’ils représentaient une sorte de no-man’s land confus et, en général, péjoratif. Dans le même ordre d’idée, c’est la même connotation que donnait autrefois un Parisien à ‘la province’; un militaire à la Haute-Vienne (l’endroit où on…’Limogeait’ les gradés au placard); un Francilien à Châteauroux ou à Romorantin (Loir & Cher) et qu’un Bordelais à Pissos (Landes)…

La future capitale tunisienne est pourtant connue depuis le 12è siècle, mais pendant longtemps, la grande ville, c’est encore Carthage, l’ex-rivale de Rome « qu’il fallait détruire » comme disait le tribun romain Caton l’Ancien, un siècle et demi avant Jean-Christophe (JC). Par conséquent, au Moyen-Age, Tunis est encore largement (mé)connue dans le peuple français comme ‘le trou du c… du monde’, personne ne sachant exactement où se trouvait la ville, vu qu’on distribuait rarement des guides Michelin aux mendiants de la Cour des Miracles.

De fait, par ironie, on va surnommer le chef des gueux qui régnait sur les ruelles adjacentes à la cathédrale ‘Le Roi de Tunis’ (à l’époque, on écrivait Thunis), comme on aurait dit l’empereur du Zimbabwe ou le prince de Patagonie -soit dit sans froisser les territoires concernés (3). Bref, par un transfert que l’on n’explique pas complètement, ce ‘thunis’ va également s’appliquer à ce qui manque le plus aux locataires des fossés parisiens, de l’argent. Le plus pauvre devient alors ‘celui qui n’a pas de thunis’, puis de thunes, et enfin de ‘tunes’ comme on l’écrira au 19è siècle, ce qui donnera son surnom à la pièce de 5 francs de l’époque.

L’expression sera popularisée d’autant plus rapidement que la tune va devenir la référence du salaire journalier des ouvriers avant la Première Guerre Mondiale; par conséquent, les jours chômés étaient forcément ceux où ‘on ne gagnait pas une tune’, d’où le sens commun actuel de ‘monnaie’… Seulement voilà, avant de désigner les souffre-douleur de l’abbé Frollo, Tunis avait bien une étymologie et donc un sens, non?

Il semble (il y a au moins quatre ou cinq théories en concurrence) que le mot vienne d’un dialecte berbère en rapport avec une idée de se coucher, de s’allonger. Aucun rapport avec un comportement de soumission sans doute; il faut probablement prendre le verbe dont est issu le mot au sens propre, à savoir -pour une population nomade ou un groupe en transhumance par exemple- le surnom de «l’endroit où il faut arriver le soir pour dormir», Tunis prenant alors le sens de ville-étape comme on dit à la télé pendant un Tour de France ‘pété de tunes’.

Nous voilà bien loin de quelques élucubrations (anglo-saxonnes) du 19è siècle, qui voulaient relier Tunis au verbe ‘to tune’, à savoir accorder, mettre en harmonie voire caler (une fréquence radio par exemple, comme sur votre…tuner). On voit difficilement comment connecter les deux mots, y compris et surtout d’un point de vue culturel et linguistique. Sauf peut-être à considérer, pour faire plaisir à ces chercheurs fous, qu’il faudra bien trouver un jour la bonne longueur d’onde entre le gouvernement et le peuple tunisiens. Mais c’est sans doute une autre histoire, y compris peut-être étymologiquement.

(1)  Chacun a son article en archive depuis longtemps.

(2) Voir aussi, dans le même esprit, l’article sur ‘Tombouctou’ (janvier 2013).

(3) En 1995, l’Eglise catholique ‘virera’ d’Evreux Mgr Gaillot pour insoumission, en le nommant évêque de Parténia, autant dire nulle part.


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