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Victor (Super)

Incroyable mais vrai, c’est le…football qui permet de faire aujourd’hui un bel exercice d’étymologie, à l’occasion du ‘baptême’ (par référendum auprès d’internautes qui ne se doutaient de rien) de l’obligatoire mascotte du prochain Euro 2016. Et les nominés étaient: Driblou, Goalix, ou Super Victor, l’un des trois devant affubler pour l’éternité (du championnat) la frimousse d’un gamin en tenue d’entrainement, finalement moins monstrueux que ses deux précédents représentants (vous êtes sûrement incapable de dessiner précisément la tronche de Péno (sic), miss 1984; ou celle de Footix, miss 1998)…

Mais enfin, il paraît qu’il faut absolument une image de référence pour fédérer autour d’elle les ‘supports’ des fanas du ballon rond, et, accessoirement, remplir les caisses des boutiques de produits dérivés; à cet égard, on peut d’ores et déjà dire que le pari (à défaut de la partie) est gagné, puisque le loustic à la peau claire et à la mèche dans le vent (tout le portrait de la majorité des joueurs de l’équipe nationale) s’appelle finalement Super Victor. Logique, implacablement logique même; mais n’anticipons pas, et prenons tout de même quelques instants pour analyser les deux autres créations proposées, elles aussi très ‘intellectuellement recherchées’.

Gros effort de linguistique d’abord, avec ce Driblou, figure de style (littéraire, pas sportive) généralement répertoriée comme un ‘hypocoristique’, c’est-à-dire un diminutif affectueux repérable par l’usage du suffixe ‘-ou’, régression habituellement pratiquée par un entourage familial rendu débile par la naissance d’un nouveau-né, puis par paresse de vocabulaire pendant son enfance: Jeannou, Guitou, Boubou, Doudou, Chouchou, Bichou, Coucou, Bisou, et autre Canaillou font partie de la même famille, au mépris total du prénom ‘officiel’ (surtout si c’est Charles-Henri ou André-Hubert, pas faciles à dénaturer, même linguistiquement)…Astuce suprême de cette proposition: le suffixe s’appuye sur la racine acrobatique ‘dribl-‘, ce qui aurait dû permettre au mot d’effacer les deux autres noms d’un extérieur du pied efficace. Raté.

Il y a probablement davantage de références historiques (inconscientes, on est tout de même dans le football) avec ce Goalix, aussi peu francophone que le précédent (to dribble et to goal, c’est pas franchement le vocabulaire de Molière), astucieusement sauvé, lui aussi, par un suf…fix à la manière de ces désormais immortels et irréductibles Gaulois qui en ont fait baver à Jules devant les Monts d’Arrée (d’arrêt? Ça tombe bien pour un goal). On a donc échappé au petit moustachu blond (aux yeux bleus, tant qu’à faire(1) avec un ballon magix sous le bras; au profit, comme vous l’aurez spontanément constaté sur l’image, d’une tenue quasi-rugbystique de football…américain, maillot bleu (marine, message subliminal girondin?), collant en lycra blanc, à l’ourlet (forcément) rouge, histoire de tracer une touche tricolore discrètement renforcée par un pan (caché) de cape supermanesque, promesse d’un envol vers la victoire?

And the winner is (en français: et le gagnant est)…le vainqueur! Non, il ne s’agit pas d’un pléonasme (ou redondance, ou tautologie, au choix), mais bien du sens premier de Victor, lequel se découpe en vict-or, avec la racine vict- issue du verbe latin qui veut dire vaincre, et un autre suffixe très utilisé, le ‘-or’ (devenu -eur, en français moderne), qui indique une action ou une fonction. Exemples: manipulator, chiropractor, tractor, traductor, inspector, dictator -vous voyez, vous connaissez plein de mots latins, même si vous passez votre temps à regarder Albator, Terminator, Exécutor ou Predator!

Si on l’observe de plus près, ce verbe latin (vincere, soit vincre, puis vaincre) a donné deux enfants rivaux: le premier, victor, est une forme du participe passé (‘qui a vaincu’), ce qui suppose que la bataille est finie et que le vainqueur est en train de recueillir les fruits de sa vict-oire; bref, le triomphe est achevé. Bizarrement, avec un autre suffixe, le même mot donne exactement le contraire, soit ‘victis’ (2), les vaincus, ou plus clairement les vict-imes du combat! Comme quoi, il faut se méfier des revers de la victoire.

Mais l’autre rejeton né du même verbe a donné un autre prénom, forcément rival puisqu’il s’agit de Vincent, dont ‘vincens’, en latin, est le participe présent encore plus ‘transparent’. On peut donc différencier légèrement Victor et Vincent, même si ce sont tous les deux des vainqueurs: l’un a ‘fini de vaincre’, l’autre (Vincent, donc) est ‘en train de vaincre’, grâce à ce suffixe ‘-ent’ qui marque une action en train de se dérouler (un adolescent, c’est quelqu’un en train de grandir; un phénomène fluorescent est en train de briller; un feu incandescent est en train de brûler; un objet turgescent est en train de pousser, etc…). Pour la petite histoire, on raconte que le Vincent qui devint ‘saint’, martyr espagnol du 4ème siècle après (cette fois) JC, résista au feu d’un gril où il était attaché, pendant qu’on mettait du sel sur ses plaies; il ne s’avoua…vaincu et n’accepta de rendre son dernier soupir que lorsqu’on le coucha sur un lit (une forte tête, entre autres).

A tout prendre, on aurait donc peut-être dû opter pour la résistance de Vincent plutôt que le triomphalisme de Victor. A moins que nos penseurs de la FFF aient voulu honorer Super Hugo (l’écrivain, pas Lloris); enfin, on a échappé à Super Mario, et c’est déjà ça…

(1) Oui, je sais, la véritable expression est ‘Temps qu’à faire’ (!), cherchez dans votre dico…
(2) contrairement à ce que croient certains (rares) footballeurs, la célèbre expression latine ‘Vae Victis’ (Malheur aux vaincus) n’appartient pas à Jules César coupant la tresse de Vercingétorix, mais à…Brennus (oui, celui du bouclier ‘de rugby’!), chef gaulois vainqueur à Rome (carrément) au 4ème siècle avant JC, pour une sombre histoire de balance trafiquée.


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