Le phénomène est tellement commun qu’on en oublie parfois de le mettre en relation avec sa véritable et très évidente provenance; les Berry, comme les Limousin, les Normand, les Picard, les Savoie (Savoy), les Breton (Lebreton), les Bourguignons (peu de Bourgogne) et pas mal d’autres, ont emprunté leur patronyme à la région dont ils étaient originaires ou dont ils se revendiquaient (les Gascons, souvent).

Berry est donc tout simplement le nom de l’ancienne province historique du centre de la France, capitale Bourges. La ville comme la région (sans majuscule) portent d’ailleurs les traces linguistiques des fondateurs de l’endroit, la (ou les) tribu(s) des ‘Bituriges Cubes’, peuple gaulois du 5ème siècle installé entre Indre et Cher actuels. 

Ces ‘rois du monde’ (biturige vient de deux racines qui signifient monde (bitu-) et roi (-rix, comme rex (1) vont donc générer, après moults soubresauts techniques que je vous épargne, le nom des Berry ou Berri (facile), des Berrichons (ça va encore) mais aussi des Berruyer, Berrurier et donc Berurier abrégé en Béru pour les amateurs de polars…Sans oublier le nom de lieu latin en ‘Biturigum’, devenu précisément…Bourges!

Sauf que – vous le savez déjà sans doute – Richard n’est pas né dans le Berry (beaucoup s’en faut) mais à Paris – personne n’est parfait – d’une famille originaire…d’Afrique du Nord. Ce n’est donc qu’un nom de scène (ou d’écran), très loin du terme juif séférade (la diaspora du Sud) de…Benguigui, son véritable état-civil, homonyme d’un nombre important de personnalités connues comme les actrices Catherine ou Valérie, l’acteur Jean, la femme politique Yamina ou le chanteur Maurice dit…Patrick Bruel!

Il semble que le son originel de Ben-guigi, avec un premier élément qui évoque traditionnellement une filiation (‘le fils de’), renvoie à un nom de tribu berbère, ancien peuple largement répandu du Maroc à l’Egypte au cours de l’Histoire (2). La partie ‘-guigi’ vient du terme ‘igig’ (‘digig’ en arabe)  et traduit un coup porté ou frappé, non pas sur une personne mais sur un objet. Selon les peuples concernés, cela peut être aussi bien un cognement sur la porte (toc, toc) qu’un mouvement de pression pour enfoncer un piquet dans le sol, quand le berger délimite la clôture qui empêchera les moutons ou les chèvres de s’échapper. Le mot est le même pour qualifier la sardine que l’on enfonce avec un maillet pour planter la tente. Ce qui ne veut pas dire que les Benguigui passaient leur vie au pieu…  

Un mot, pour terminer, sur un autre Berri célèbre, le producteur  de cinéma, acteur et réalisateur de Claude, qui a ‘choisi’ une version avec un simple ‘i’, et pour cause: de son vrai nom Claude Beri Langmann (3), de souche juive ashkénaze cette fois (Europe de l’Est) avec un père polonais et une mère roumaine. La francisation de son nom en quelque sorte ne doit donc rien aux rives du Cher mais à…son prénom roumain Bérel (4)! Il suffisait donc de transformer le diminutif du mot (Bérel > Béri) en lui ajoutant un ‘r’ pour faire davantage pseudonyme d’artiste.

Aucun cas linguistique n’a été signalé en ce qui concerne un rapprochement avec le…béribéri (sait-on jamais?), ancienne maladie (dans les pays riches) due à une carence en vitamines et dont le nom, d’origine indienne, traduit directement l’expression de son symptôme principal, une faiblesse généralisée en « je ne peux pas, je ne peux pas ». Quant au ‘berry’ ou ‘berri’, conjugué en ‘-verry’ ou ‘-verri’ dans les noms basques (Etcheverry, Jaureguiberry, Iriberry, Salaberry…), ils indiquent quelque chose de neuf ou de ‘nouveau’ (une maison, un château, un village, une bâtisse noble). Au moins quelque chose de neuf sous le soleil du monde; en tous cas, étymologiquement.

1.Voir l’article sur ‘La Fille de Vercingéto…’

2. Plutôt localisé aujourd’hui dans le sud de l’Algérie et en Mauritanie (les ‘Imragen’)

3. …conservé par son producteur, acteur et réalisateur de fils, Thomas.

4. Apparemment symbole, en terre juive (Israël), d’un ‘fleuve de lait sacré’.