Le site qui vous aide à comprendre le vrai sens de votre patronyme

…ou en mouvement, soit ‘in-motion’ comme disent les Grands-Bretons, ou bien ‘en motion’ (motion tout court éventuellement) en français ce qui revient au même, soit une action pour annuler un état ou une situation, interdire une publication ou encore empêcher une personne de parler, d’écrire ou de s’exprimer, bref le ‘censuré’ affiché ci-dessus ne vous promet pas des révélations ou des plaintes sur le contenu de cette chronique mais plutôt un petit moment…d’émotion (de censure, évidemment).

Le mot (ni la pratique) ne date pas d’hier puisqu’on le voit apparaitre dans notre langue au cours du 13ème siècle, en ligne directe et facile du latin ‘censor’ qui désigne un monsieur à l’origine tout à fait gentil et pas vindicatif pour deux sesterces, le…censeur. Oui, oui, c’est bien le même qui deviendra le terrible adjoint du proviseur de nos lycées qui, lui, est chargé d’avoir de la ‘pro-vision’, non pas de s’occuper de l’intendance pour le réfectoire mais littéralement de ‘voir en avance’, en clair celui qui doit s’occuper d’anticiper et de ‘manager’ son établissement; de son côté, le censeur est fidèle au ‘censor’ romain, c’est-à-dire celui qui ‘cense’, ou mieux encore pour comprendre, celui qui re-cense!

En effet, censer (qui n’existe plus) et censeur viennent du verbe ‘censeo’ qui signifie estimer, juger, évaluer. Les premiers censeurs étaient donc des administratifs chargés d’évaluer des populations ou des catégories sociales, précisément de les recenser. C’est d’ailleurs si utile et raisonnable que cet homme-là est forcément…censé (à l’intelligence ou la raison correctement évaluées).

Cette nuance de qualité ne va pas résister à la récupération du mot par l’Eglise catholique qui, dès la fin du 14è siècle, embarque le censeur dans son discours accusateur; la censure (du censeur) devient alors la publication (!) d’une mesure disciplinaire pour redresser une pratique ou une lecture biblique mal adaptée. S’ensuit donc, dans le vocabulaire général, une généralisation vers toute critique (puis condamnation, bien sûr) ce qui fera immédiatement les affaires du pouvoir royal pour interdire le moindre écrit ou comportement d’opposition. Et notre cadre d’enseignement secondaire n’échappera pas à l’ambiance puisque c’est à lui que revient désormais la fonction d’appliquer avec rigueur les décisions ou jugements des conseils de classe. Y compris maintenant pour nos voisins d’Outre-Manche avec ‘censorship’, ceux d’Outre-Rhin face à la ‘Zensur’ et ceux d’Outre-Pyrénées qui ont leur ‘censura’.

Alors, pour faire avancer (littéralement!) cette censure comme on pousse une voiture (ou une poubelle en feu vers les forces de l’ordre), on va donc la ‘mouvoir’, la mettre en ‘motion’ pour ne pas dire en…pro-motion! Car, dès qu’il y a motion, les choses bougent: une loco-motion tire les wagons, une pro-motion vous fait gravir les échelons, et même une com-motion bouscule l’équilibre interne de votre corps. Tout ça est d’autant plus vivant et mobile que la raison de ce mouvement est forte : on appelle ça un…motif – anciennement motiv – forcément agi par des gens très ‘motivés’, surtout pour faire avancer la censure ! Au moins étymologiquement…

Les mots qu’on lit ou qu’on dit ne sont pas toujours ceux qu’on croit. C’est sur ce constat autour d’un café qu’Abdel (le kiosquier algérien), Bernard (l’illustrateur suisse) et Dominique (le journaliste français) ont décidé de mettre en mots et en images cette liste de termes qui reviennent souvent à la Une mais pas toujours à leur vraie place.

Dans la lignée des « chroniques étymo-logiques », voici un petit livre plein d’humour qui propose de remonter à la source linguistique de ces sons que l’actualité rend parfois effrayants et qui, à l’origine, n’ont pas du tout le sens qu’on leur attribue au premier abord. Chaque mot est illustré par un dessin original et une explication claire et simple (*). Un voyage original et surprenant!

Le premier volet de cette série est en vente dès maintenant (12€ + frais d’envoi) sur le site de la librairie en ligne Coolibri : www.coolibri.com, onglet bibliothèque.

(*) Vous pouvez feuilleter quelques pages pour aperçu

…titre la presse écrite en ces temps de grève, quand d’autres parlent de « la poubelle ville du monde », toutes choses censées tourner en dérision avec peut-être un soupçon de honte les commentaires mitigés mais polis de touristes de passage déçus. Pour faire passer l’odeur du mauvais-esprit, on montre donc des selfies avec les nouvelles barricades de Paris en arrière-plan, en sollicitant tous les jeux de mots possibles sur le nom du désormais célébrissime (mais malchanceux) préfet de Paris.

Car tout le monde sait que l’objet de toutes les ordures doit son nom à un certain Eugène-René, homme d’état normand malencontreusement ‘atterri’ à Paris pour prendre la fonction de préfet à un moment où celle de maire était inactive. L’homme aurait pu laisser son nom à un système de vendanges, à l’emballage du fromage ou à l’aménagement des calanques puisqu’il fut -entre autres- successivement et préalablement préfet de la Charente, de la Corse et des Bouches-du-Rhône. Mais non, ce fut ‘la boite à ordures pour immeuble’ qui l’emporta dans les pages du dictionnaire…

Ce procédé qui colle un nom commun à un nom propre s’appelle un ‘anthroponyme’ (étymologiquement en grec, le ‘nom d’un homme’), ce qui correspond bien à un certain nombre de patronymes désormais cachés derrière des objets devenus usuels. C’est le cas, parmi des dizaines d’autres, de sandwich (1), boycott (2), diesel (3) ou volt (4), etc, etc…Or, notre indispensable bac vert, jaune ou noir bénéficie d’un double intérêt linguistique car – y avez-vous jamais pensé ? – si la poubelle doit son nom à Poubelle, c’est forcément que le mot devait signifier autre chose de ‘propre’ dans l’état-civil de ce monsieur avant de devenir ‘commun’ (ou sale) sur les trottoirs, non?

A l’origine, Poubelle est en réalité un patronyme tout à fait ‘neutre’ (enfin, presque…) qui a fait souche dans le Grand-Est de la France, principalement en Bourgogne et en Champagne; on le trouve sous quelques autres formes comme Poubel mais surtout Poubeau, sorte de…masculin du mot. Vous avez encore quelques (dixièmes de) secondes pour réaliser que si Pou-belle est le ‘féminin’ de Pou-beau, la seconde partie de l’un et l’autre a toute les chances d’être tout simplement l’adjectif français beau ou belle! Reste donc à savoir d’où vient ce ‘pou’…

Rien à voir (heureusement) avec l’insecte parasite; il s’agit en fait de la subsistance d’une forme ancienne de l’adverbe ‘peu’, ce qui semble aiguiller le sens général vers un sobriquet appliqué à une personne ‘peu belle’ (ou peu beau), ce qui n’arrange pas la réputation d’Eugène. D’autres linguistes penchent plutôt pour une transformation (je vous épargne les détails techniques) du mot…’plus’, ce qui nous ferait donc inversement le surnom de gens plus beaux ou plus belles que d’autres.

En fait, il s’agit peut-être non pas de gens mais de lieux, ce qui serait un peu…plus acceptable comme qualificatif pour décrire des endroits considérés comme meilleurs car exposés au soleil ou mieux orientés par rapport au vent…Finalement, on ne sait donc pas vraiment si la poubelle sera la plus belle (pour aller danser) ou si elle fera de la capitale une ville peu belle aux yeux des visiteurs. En tous cas étymologiquement.

(1) John Montaigu, comte de Sandwich – port anglais – se faisait porter des collations pour ne pas quitter sa table de jeu (dit la légende)

(2) Charles Cunningham Boycott, propriétaire irlandais du 19è siècle, traitait mal ses employés qui sont alors entrés alors en rébellion.

(3) Rudolf Karl Diesel, ingénieur allemand inventeur du moteur à explosion interne.

(4) Alessandro Volta, physicien italien auteur de recherches sur la pile électrique.

…une superbe maison dont la terrasse au soleil faisait face au Pic du Midi d’Ossau, autrement dit la montagne (des Pyrénées) qu’il pouvait admirer à loisir et…inversement. En effet, celui que l’on a redécouvert subitement à l’occasion de sa disparition en s’apercevant combien sa fantaisie a rythmé la chanson française, porte un nom typiquement gascon, dont les éléments se retrouvent, très logiquement, à la fois dans le répertoire latin et le vocabulaire espagnol.

Cet ‘Amont’, bien facile à saisir pour inventer le titre de l’une des émissions qu’il animait à la télévision à la fin des années 1960 (1), est composé de deux parties car son véritable état-civil était Miramon (2), soit la réunion de ‘mira’ (comme le verbe espagnol ‘mirar’, voir – mais celui-là est gascon – et un ‘mon’ qui a perdu sa lettre finale (3) mais qui est bien la version courte de ‘montagne’.

Certains pensent que ‘mira’ tout court (et non mirar) est bien l’impératif du verbe, soit ‘regarde’; quant au ‘mont’, il est hérité du latin ‘montis’, dont il est dit ici plusieurs fois dans des patronymes qu’il désigne en principe non pas une ‘vraie’ montagne (un massif) mais une colline, voire un promontoire à certaines époques (une butte). Exception qui confirme la règle (du moins la tendance générale), il s’agit bien ici d’un…Pic (2887mètres).

La construction des deux éléments donne donc quelque chose comme ‘regarde la montagne!’ (ou la montagne te regarde pour les plus écologistes), l’expression faisant allusion non pas à une personne mais à une maison, à un bâtiment orienté vers les sommets et donc qui fait face à la chaine montagneuse. Le Miramon n’est donc pas un contemplatif figé devant les neiges éternelles mais l’habitant du châlet qui est tourné vers les pentes. La question est donc: comme il n’y avait probablement pas qu’une seule maison dans le village construite dans ce sens, comment ont été surnommés les autres résidents, ou bien qu’avait-il d’important dans ou sur cette maison pour qu’elle soit ainsi distinguée (la plus haute du village)?

Les autres communes les plus connues (toutes en Occitanie) ont non seulement gardé le ’t’ final mais il a fallu les identifier en précisant leur localisation, et surtout elles sont ‘redescendues’ à des altitudes de campagne, même sur ou près des reliefs: c’est le cas de Miramont-de-Comminges (Haute-Garonne), de Miramont-de-Guyenne (Lot & Garonne), Miramont-Latour (Gers) ou de Miramon-Sensacq (Landes, on n’a rien plus bas…).

Quand le ‘mont’ reste en première position, le ’t’ est le plus souvent présent, comme c’est le cas pour des dizaines de Montaigu (mont-aigu, au sens de pointu), d’un Montalban (mont alban, mont…blanc) devenu Montauban (4), de Montélimar (mont-Elimar/Adimar, nom de personne), sans oublier les Montmirail (comme le comte du film « Les Visiteurs »), Montpezat, Montdidier, Montlaur ou Montmédy pour n’en citer que quelques uns.

On peut même aller en chercher beaucoup plus loin outre-atlantique car, même hors Canada (pardon, Québec), on trouve des ‘mont’ en plein territoire américain, pour des états comme le Montana (montagne à l’espagnole) ou le Vermont, en français vert-mont, en v.o ‘Green mountains State’, connu pour ses collines verdoyantes, capitale…? (5).

Les patronymes inspirés de ce type de lieu suivent la même règle; les plus connus sont certainement Montaigne (pour montagne, aucun doute là non plus, d’après la colline de Dordogne) ou Montesquieu (mont-esquiou, la colline risquée à monter); ou encore le chanteur de…Cahors Charles Dumont. Puisque le mot sonne bien, on peut même en faire un joli (et totalement artificiel) pseudonyme comme pour le jeune chanteur des années 1960 Jacques Bulostin dit Monty (ouf…) ou un personnage de roman comme Valmont (à la fois la vallée et la montagne) dans « Les liaisons dangereuses »). Idem pour l’acteur Ivo livi devenu Yves Montand (Montant, dans un premier temps!), etc…Et Marcel!

(1) « Amont Tour »…

(2) Cela n’aurait pas été désagréable non plus comme nom de scène, juste un peu plus long à dire. 

(3) Souvent à cause de l’Administration qui souhaitait faire disparaitre l’habitude occitane de faire sonner le ’t’, Miramon devenant alors plus ‘français’… 

(4) Voir la chronique complète en archive; idem pour ‘Montesquiou’

(5) Montpeller (sans le ‘i’!), tout ça grâce ou à cause de M. de Champlain.

…est-ce qu’elle s’élargit ? C’est en effet la question fondamentale qui se pose quand on en appelle à sa « reconduction », et le sens le plus logique serait en fait le second ! Car la grève était autrefois une grave, une plage de graviers dans sa dimension non pas littorale mais tout à fait urbaine, et pour cause…

Tout le monde connait l’histoire du mot chéri des syndicalistes, un terme que l’on doit aux berges de la Seine en plein Paris, devant ce qui deviendra plus tard la place de l’Hôtel de Ville : les péniches déchargeaient autrefois leur contenu en accostant à une bande de sable et de graviers, d’où le surnom de ‘place de grave(s)’ puis place de grève, c’est-à-dire exactement le sens inverse qu’on lui donne actuellement. En effet, les ouvriers à la journée avaient pris l’habitude de venir à cet endroit pour réclamer du travail (et non pas bloquer l’activité de la ville); ce n’est que progressivement que le ‘droit de coalition’, autorisé après la Révolution, se manifesta en rassemblement revendicatif, prenant au passage le nom de «grève», avec pour effet de laisser sur…le sable ceux qui n’avaient pas trouvé contrat ce jour-là.

Avant de servir de pôle emploi à ciel ouvert, le terrain avait déjà acquis une réputation effrayante en servant de salle de spectacle pour des exécutions publiques, nos anciens magistrats et élus des siècles du Moyen-Âge aimaient en effet venir y faire écarteler les voleurs, criminels voire opposants à la royauté. Ce n’est qu’en 1805 que le toponyme (le nom du lieu) est ‘récupéré’ par l’Empire pour qualifier une cessation de travail ‘volontaire’ cette fois ; s’en suit rapidement le premier ‘gréviste’, qui apparait sous la plume de…Chateaubriand en 1821 ; plus deux autres curiosités aujourd’hui oubliées : en 1905, on traite les manifestants de ‘gréviculteurs’ (ceux qui cultivent l’arrêt de travail) et en 1905 apparaissent leurs adversaires, les ‘antigrève’.

Reste donc que la grève vient de la même racine que gravier ou gravat, d’après le verbe latin ‘gravare’ qui signifie charger ou alourdir, ce qui se comprend aisément quand vous soulevez une brouette bien remplie pour verser dans la bétonneuse. Remarquez, les graves, ça peut aussi donner d’excellentes choses, comme la matière d’un sol idéal pour planter de la vigne et donner les fameux ‘Vins de Graves’ plutôt considérés comme assez ‘lourds’ et également issus de ceps plantés dans des cailloux.

Bref, quel que soit le sens dans lequel on le prend, le mot ‘grave’ a toujours du poids, comme celui du ventre d’une femme déclarée ‘gravide’ (ou gravidique) par son médecin qui lui expliquera qu’elle est simplement enceinte (elle est plus…lourde) et que ce n’est pas si grave. Si c’est un garçon, il aura peut-être la voix grave, c’est-à-dire suffisamment ‘lourde’ pour rester dans le bas de la gamme, ce qui lui donnera inévitablement un air grave, même s’il est mince, puisque cette fois c’est au sens figuré que vous comprendrez ‘sérieux’. Pas question pour autant d’alourdir l’ambiance, ou de…gréver son avenir, tout comme une taxe grèverait les comptes avant peut-être d’obtenir un dé-grèvement d’impôts (ce qui allègera le bilan). Voilà bien un sujet plein de gravité (de sérieux), ce dont se fiche bien la planète qui en connait un rayon en matière de gravité, c’est à dire une masse qui génère une attraction proportionnelle à son poids (tout ça commence à devenir pesant).

Rien de graveleux là-dedans, sauf précisément l’origine du mot, en relation directe avec votre…vessie: Au 12è siècle, une maladie faisait souffrir beaucoup de monde sans qu’on sache vraiment la soigner, la gravelle, littéralement ‘la maladie du petit caillou’ (grav-elle), ce qu’on appelle aujourd’hui ‘calcul’ (ou plus savamment lithiase (*) comme aurait dit le médecin de la dame gravide). Or, au 18è siècle, cette gravelle, qui provoque une situation gênante et surtout douloureuse au sens propre (enfin, pas toujours) va prendre le sens figuré de gênant non seulement pour le corps, mais aussi pour la…conscience. Et, à la veille du prude 19è siècle, l’idée s’appliquera forcément à ce qui est vulgaire, puis érotique, donc forcément ‘graveleux’, autrement dit : (symboliquement) trop lourd pour être supportable.

Vous pouvez trouver ça relou ou pas, c’est exactement la situation que les Romains appelaient un ‘scrupule’, le mot qui désignait, avant de devenir une hésitation de honte ou de culpabilité, le petit…caillou qui se glissait entre le pied et la semelle, petite douleur agaçante qui ne vous empêche pas de marcher mais qui se rappelle à vous à chaque pas. Finalement, quand on fait grève, a-t-on des scrupules (pour les autres) ou pas?

(*) D’après la racine grecque ‘lithos’, la pierre (une lithographie, c’est une impression sur pierre ; un aérolithe, c’est une pierre tombée du ciel, etc…)