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Cap-Ferret

Chacun sait si le site en question n’a pas besoin d’une promotion particulière pour asseoir sa réputation, mais un fidèle lecteur attire mon attention sur la commune du Cap-Ferret, qui abrite précisément ce…cap ferret (nuance), et qui a reçu de nombreux visiteurs et touristes tardifs lors des dernières Journées du Patrimoine. La raison? La reconstitution et l’ouverture au public d’un des fameux ‘blockhaus’ de la ligne de défense du Mur de l’Atlantique (1). Si vous êtes passé un jour par cette pointe du Bassin d’Arcachon, peut-être vous êtes-vous posé la question (sinon, je vous la pose): Dis, monsieur, pourquoi le cap est-il ferret?

Petit rappel préalable: le ‘cap’ est bien entendu une forme du mot latin ‘caput’, qui désigne la tête; mais, quand il ne s’agit pas d’un humain, le terme caractérise la pointe ou le bout de quelque chose, en particulier une terre (le cap Finistère) sur un plan horizontal; cela peut être également la lisière d’une forêt, ou même, sur un plan vertical, le sommet d’un relief: c’est le cas, par exemple, de la toute proche ‘Teste de Buch’. Mais n’allons pas plus loin au sujet de ce mot facile à comprendre, sinon on n’est pas…bout de nos peines (2). Car dans le nom, le plus énigmatique est cette histoire de ferret.

Etymologiquement, le mot est facile à ‘démonter’: il comporte sur une racine (fer-) et un suffixe peut-être diminutif (-et), avec une lettre ‘r’ que l’on va doubler pour faire la liaison entre les deux. Il y a donc là-dedans une histoire de fer. Or, partout en France et pas uniquement dans certaines régions (l’Est), il y avait des mines de fer, ou, à défaut, des endroits où l’on travaillait le fer. L’activité en question avait pour nos ancêtres une importance capitale pour (en majorité) la fabrication des armes, mais aussi celle des outils puis de divers ustensiles domestiques. D’où le nombre important de noms de lieux comme la Ferrière (proprement, le site où il y a du fer) ou les Ferrés (cette fois, plutôt la ou les maisons de celui qui travaille le fer).

Ou bien encore, Les Ferrets, d’après le nom commun qui désigne alors plus précisément la fabrication de montures en fer, y compris celle de bijoux, dont certains vaudront quelques sueurs froides à une certaine Anne d’Autriche, qui enverra le coursier d’Artagnan auprès d’une bimbo anglaise, afin de récupérer la parure royale réclamée par un évêque vendéen pervers (3), plus connu sous le nom de Cardinal de Richelieu. Les griffes qui enchâssaient les joyaux en question étaient donc des ‘petits bouts de fer’, autrement dit des ferrets; on retrouve l’aspect diminutif de notre adjectif. Il convient maintenant de ferrer définitivement le sens de ce cap, que l’on pourrait tout aussi bien qualifier de ‘cap ferreux’.

Car, sur la pointe de sable concernée, pas de monuments en fer ou d’ateliers de forgerons (les ferriers), mais tout simplement un gisement (sous-marin) de grès ferrugineux, que les scientifiques appellent aussi ‘alios’, et qui sera plus tard recouvert par du sable. Ce qui fait qu’à l’origine, l’orthographe réelle est bien un adjectif, sous la forme de cap-ferré, le ‘ferret’ n’étant finalement pas un diminutif (là où il y a ‘un peu’ de fer) mais une écriture, plus parisienne et franchement touristique, du participe passé considéré comme adjectif qualificatif. D’ailleurs, en gascon local, il ne s’appelle que ‘lou cap herré’, rien à voir avec un ‘hérr-isson’ mais avec l’écriture du mot correspondant au français ‘fer’, ce ‘h’ étant sifflé (ou soufflé si vous préférez) de façon beaucoup plus forte. Vous retrouvez la même marque dans la langue la plus proche (géographiquement) du gascon, c’est à dire l’espagnol, avec ‘hierro’.

On est donc passé d’un ‘capo hierro’ au ‘cap hierré’, puis à un ‘cap herré’, ‘cap herret’ et enfin au nom propre Cap-Ferret. Le hasard (de l’annuaire) fait qu’il y a bien quelques Ferrière qui habitent la commune, parmi les 12.000 dames (et hommes) de fer répertoriés dans notre pays. Ils peuvent s’appeler Ferrier donc, mais aussi Ferrer ou Ferreux (comme Benoit, le jeune -en 1971- acteur…bordelais du film de Louis Malle, ‘Le Souffle au coeur’). Sans compter les Ferry (ceux qui vous mènent en bateau) ou les Ferretti (corses, quand les ferries ne sont pas en grève). Bon, en ce qui concerne les navires transbordeurs, aucun rapport évidemment avec le fer mais avec le verbe anglais ‘to ferry’ (transporter). Mais on ne va pas croiser le fer pour autant, n’est-ce pas?

(1) Tapez le nom de la commune dans votre moteur de recherche préféré, ou celui du journal ‘Sud-Ouest’ (crédit photo).
(2) Voir aussi la chronique sur ‘cabotisme’ (dédiée à Arnaud Montebourg)
(3) Il était très intéressé par les trous de la ferrure…


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Un commentaire au sujet de Cap-Ferret

  1. Bravo. Bien ficelé, comme d’habitude, avec précision, pertinence, dérision, et humour…j’ai appris et ri aussi.

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