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crépuscule

C’est ‘le’ mot de cette fin de semaine politique agitée, à tel point que tel ou tel journaliste ou intellectuel ose le prononcer de plus en plus souvent, au sujet d’une situation qu’ils ont parfois contribué à décrédibiliser. Sommes-nous à l’aube d’un nouveau crépuscule (républicain)? Sans aucun doute si l’on y regarde de plus près (et dans la mesure d’un minimum de luminosité), car, étymologiquement, il s’agit…du même mot!

Théoriquement -et linguistiquement-, il n’y a de lueurs matinales que l’aube et l’aurore, dans l’ordre chronologique. L’aube, du latin ‘alba’ qui signifie blanc, est la toute première pointe de lumière d’un rayon de soleil encore lointain, un simple reflet de blanc-clair (la clar-té) qui repousse devant lui le noir profond de la nuit…noire. Quelques minutes plus tard suit l’aurore, du latin aura (ou aurea) qui veut dire jaune, ou blond, ou doré, selon le contexte; l’aurore est donc le moment où apparaît la toute première parcelle de soleil, susceptible d’amener un minimum de cette couleur dans le ciel.

Eh bien, figurez-vous qu’entre les deux, il y a…le crépuscule! En tous cas jusque dans les années 1250. Non pas que le chronomètre solaire ait beaucoup changé depuis, mais à l’époque, on donne encore tout son sens au terme latin de ‘crepusculum’. Dans ce mot, il y a une racine (crep- ou crepus- à votre convenance) et un suffixe (-culum); comme dans beaucoup d’autres mots, cette terminaison est toujours un diminutif: un édicule, c’est une petite construction; un monticule, une petite butte; un opuscule, un petit ouvrage (opus); la canicule, la période -en général très sèche- où se trouve dans le ciel la constellation du Petit Chien, d’où le nom); ce qui est minuscule est très petit; ce qui est ridicule donne des petites rides (à force de grimaces en se moquant des autres), etc…

Quant à la racine, en première partie du mot, elle vient de l’adjectif ‘creper’ (ou creperus, plus tard), qui n’a à l’origine aucun rapport avec la lumière (ni avec les cheveux ondulés comme les bords d’une crêpe, avec un accent circonflexe!) puisqu’il s’agit d’un sens uniquement figuré, celui d’une situation ou d’une personne ‘douteuses’, pas nettes. Et pas d’un point de vue de la saleté donc, mais de la personnalité; quelqu’un qu’on ne ‘sent pas’ (comme quoi…), bizarre, inclassable. Dans le domaine militaire, le mot sert en particulier à qualifier un combat pas ‘évident’ comme on dit aujourd’hui, dont l’issue est incertaine et le succès pas garanti. Au marché, il sera question de fruits pas très mûrs, de poissons entre deux-eaux («quoi, il est pas frais, mon poisson?»), etc encore.

Vous l’avez compris, à l’époque du français ‘classique’, on va abandonner le sens figuré et lui faire prendre l’air pour en arriver à ne plus qualifier qu’une nuance de l’obscurité, spécialement celle de l’atmosphère. Et donc, logiquement, il y a un crépuscule le matin (chez Molière, il s’appelle d’ailleurs  »la petite obscurité ») et un autre le soir, l’un et l’autre correspondant à ce que certains appelleront plus tard  »l’heure entre chien et loup », plus tout à fait assez lumineux pour y voir, et pas encore assez sombre pour distinguer les formes dans les phares. Curieusement, on retrouve l’idée du même animal chez les Grecs, avec un ‘loukophos’, littéralement ‘la lumière du loup’!

Coup de projecteur chez nos voisins immédiats: si un Anglais pratique un ‘dusk’ sans équivoque (le crépuscule ‘du soir’), il éprouve quand même le besoin de bien préciser ‘nightfall’ (le soir qui tombe) ou ‘sundown’ (le soleil qui se couche); alors qu’un Américain utilisera sans nuance un ‘dawn’ (l’aube du matin) à côté du ‘twilight’ (la lumière des étoiles)…Même exercice pour un Allemand, aux prises avec un ‘dämmerung’ qui oscillera entre le ‘morgendämmerung (l’aube) et l’abenddämmerung (le crépuscule du soir), afin de lever toute équivoque.

Pas de souci non plus chez nos cousins issus de latins, où Espagnols et Italiens ont adopté un ‘crepusculo’ ou ‘crepuscolo’ à la sauce locale, et qui, comme nous, ont oublié le sens premier pour réserver ce crépuscule à l’astre du jour déclinant sur la ligne d’horizon jusqu’à sa disparition (6 degrés au-dessous de l’horizon, exactement!); commence alors la nuit (claire, dans un premier temps), toute illuminée par les philosophes des terres obscures, les…vers luisants, que les traditions anciennes faisaient parler en disant: «nous sommes ceux qui donnent la lumière au monde». Pas de quoi faire sauter le compteur EDF…

Toute ressemblance avec une situation sociale ou politique n’étant que pure coïncidence, il faut quand même avouer que vous retrouvez dans les éditoriaux de tous les analystes politiques les termes employés dans les paragraphes précédents: manque de clarté, avenir incertain, stratégie pas nette, déclin économique, et j’en passe. Quelques ‘crépuscules’ cinématographiques ne sont pas davantage encourageants: depuis le guerrier  »Crépuscule des Aigles » (John Guillermin, 1966) au  »Crépuscule des Dieux » (Luchino Visconti, 1972) largement emprunté au tonitruant et wagnérien  »GötterDämmerung » (justement), dernière partie de son cycle lyrique.

Le seul qui pourrait remonter (temporairement) le moral de nos hommes politiques serait peut-être un  »Crépuscule sur les Grenadines », cocktail caraïbe à base du sirop éponyme et agrémenté de rhum blanc et sucre de canne (what else?), de kiwi et d’une demi-mangue, en hommage bien entendu à l’île de Saint-Vincent, un véritable paradis…fiscal?


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