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Emballage?

« Je ne crois pas qu’il y ait d’autres artistes aujourd’hui capables de tels emballements, de tel enveloppements, avec un tel respect du monument », a réagi sur FranceInfo l’ancien ministre de la Culture Jack Lang, en apprenant la disparition du sculpteur Christo. Bel exemple d’équivoque linguistique: faut-il dire emballement ou emballage? Lequel est correct, lequel ne l’est pas? Ou bien, lequel est académique, lequel est vulgaire? Bonne occasion pour se renvoyer…la balle!

C’est en effet ce mot du 13ème siècle qui est à l’origine de nombreux composés que nous allons essayer de…déballer progressivement, car ce serait…ballot de ne pas découvrir s’il y a une différence entre les deux mots. La citation de l’ex-ministre est d’ailleurs éloquente (si l’on peut dire) : aussitôt après avoir prononcé ‘emballements’ (dont il s’aperçoit peut-être du double-sens possible), il éprouve le besoin d’apporter une précision avec ces ‘enveloppements’ qui lui évitent de montrer qu’il s’est un peu trop emballé!

De fait, l’histoire de la racine initiale n’a vraiment rien à voir avec le nom du projectile utilisé dans le canon d’une arme. Bien loin de l’ancienne expression populaire « c’est de la balle » (c’est super, c’est extra), le mot qualifiait exactement le contraire, soit une chose de peu de valeur, au sens le plus monétaire du terme puisque la balle en question désigne le visage.

Quel rapport avec l’argent? Il s’agit en l’occurrence des pièces de monnaie, particulièrement celles qui étaient frappées d’une tête (mise à prix!) comme celle d’un roi par exemple…Alors, forcément, une ‘histoire à deux balles’ ne vaut pas grand-chose, littéralement.

D’autant que, pendant le Moyen-Age, le sens du mot glisse vers ce que les plus pauvres ont à peine les moyens d’acheter, des vêtements ou des chutes de tissus conditionnés dans les ‘ballots’, d’où ce nom de ‘balle’ pour désigner plus généralement par la suite un paquet de marchandises, y compris depuis un 19ème siècle qui mettra un ‘bal(l)uchon’ sur les épaules des vagabonds.

Le mot vient ainsi rejoindre les ‘déballage’ (pas la peine de vous emballer, il n’existe pas de déballement) et les ‘remballage’ (quand il faut remettre la came dans le camion)…Mais alors, emballement ou emballage?

Le premier souffre du poids du sens figuré, qui a fait du mot le synonyme d’excitation (en général trop rapide) sur un sujet ou un autre, comme par exemple un chef d’orchestre trop pressé d’en finir avec une partition, ou même un animal qui ne respecte pas le rythme demandé; en effet, un cheval emballé n’est pas un équidé dans un paquet cadeau en papier-kraft, illustration idéale de ce que pourrait être cette fois un…emballage.

L’emballage, surtout quand il sert à doubler inutilement le conditionnement d’un objet au mépris de toute écologie, représente plutôt un effort de présentation (en v.o:le packaging), car, même dans un moment d’emballement, il vaudra mieux offrir à une dame des fleurs sous emballage, le terme représentant alors le résultat du savoir-faire du fleuriste. A ce titre, on peut alors dire que Christo a présenté l’emballage du Pont-Neuf de Paris, en 1985.

Les travaux en cours de cette opération auront, eux, permis de montrer les techniques d’emballement de l’ouvrage d’architecture, un événement artistique (même si parfois très décrié par quelques conservateurs acharnés) qui permettra de consacrer un artiste mondialement reconnu, ce qui ne peut pas mieux tomber d’un point de vue étymologique.

Car Christo n’est pas son patronyme mais ‘seulement’ son prénom (il s’appelait en réalité Christo Vladimiroff Javacheff, état-civil bulgare d’origine -selon lui- tchèque, le tout emprunté au répertoire serbo-croate, vous suivez?); devenu une sorte de pseudo finalement très réducteur puisqu’en fait il travaillait en couple avec sa femme, Jeanne-Claude Denat de Guillebon (on comprend que cela n’ait pas emballé les médias!), il s’agit d’une racine grecque bien connue.

Conservé quasiment tel quel en linguistique pour des raisons très géographiques (Grèce et Bulgarie partagent une frontière commune: la Macédoine, capitale -actuelle- Skopje), «khristos » qualifie ‘celui qui a reçu l’onction’, sous-entendu du baptême évidemment d’où le nom de Christ, sinon le premier du moins le plus ‘important’ des immergés dans l’eau du Jourdain par un certain (St)Jean.

Et non pas (St)Christophe, celui qui est venu se scotcher sur le tableau de bord de votre 4L au fur et à mesure des années de conduite (et de danger sur la route) n’étant ‘que’ l’image sans doute légendaire d’un repris de justice particulièrement baraqué qui aurait fait traverser le fleuve à Jésus sur ses épaules, d’où son nom (Christophoros à l’origine, c’est-à-dire celui qui porte le Christ) et par conséquent sa réputation de sauveur des voyageurs (‘Alerte à Malibu’, saison 1).

Etymologie idéale donc pour exprimer la consécration de l’artiste et sa bénédiction par notre grand homme politique, celui dont le nom vient encore spontanément à la bouche de nos concitoyens (juste devant André Malraux) quand on leur demande de citer un Ministre de la Culture, poste qu’il n’aura occupé que…11 mois, il y a bientôt trente ans!

Homme grand sans aucun doute puisque, sans juger de ses mérites gouvernementaux, quand on s’appelle Lang (comme le réalisateur de cinéma Fritz) ou Long (comme la pianiste Marguerite), c’est qu’il y a eu un jour un ancêtre svelte et étiré en hauteur (grand, quoi), un peu comme les matières que Christo manipulait en parlant d’«entoilage des espaces». Ce qui évite enfin toute confusion, surtout étymologiquement!


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