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Emigré, Immigré…

Un ancien préfet, devenu Ministre de l’Intérieur, de plein d’autres choses et de…l’Immigration s’exprimait, l’autre jour, à propos d’un incendie intervenu dans un « squat » occupé par des « émigrés exploités par les marchands de sommeil ». Le sujet de ce site n’est pas de pointer le scandale de la situation mais du vocabulaire ministériel, car, l’homme ayant répété le terme à plusieurs reprises, il ne peut donc s’agir d’un lapsus, et, tant qu’à faire, autant parler français quand on est chargé de fonctions gouvernementales.

Remarquez bien, quand un Président de la République n’est pas capable d’accorder correctement un participe passé placé avant le verbe -et il est loin d’être le seul représentant français à ne pas s’exprimer correctement-, il est difficile de demander une expression correcte à son équipe. Or, en l’occurrence, « émigré » n’est pas « immigré » (et inversement); vous me direz, peu importent les mots, le principal c’est qu’on les reconduise à la frontière, or, étymologiquement, on en est loin!

L’é-migré est en effet celui qui quitte son pays, « vu par ses (ex)compatriotes » si je puis dire. Un français qui a émigré, on comprend fort bien qu’il est allé s’installer dans un pays étranger; eh bien, la règle vaut aussi pour d’autres peuples. Un « émigré » tunisien ou égyptien ne peut se dire que dans son propre pays. Par contre, dès qu’il est sur le sol d’une autre nation, il devient « immigré », c’est à dire qu’il est entré dans un autre pays (in-migré, pour reprendre le sens latin). Il ne peut donc pas y avoir d’émigrés en France, Mr le Ministre, puisque par définition ils sont partis…à l’étranger. Par contre, il peut y avoir des immigrés, terme qui concerne les gens entrés dans notre pays, mais visiblement, l’important est moins de prendre les choses au pied de la lettre que de prendre les gens au pied de l’immeuble.

L’équivoque est d’autant plus dramatique que le mot latin originel -le verbe ‘migrare’- avait plusieurs sens, et pas n’importe lesquels s’il vous plait: pour un romain, migrer avait tout d’abord un sens strictement géographique, à savoir « passer d’un lieu de séjour à un autre », l’idée s’appliquant aussi bien à un déménagement local qu’à un voyage hors de l’Empire, faisant de la « migration » un simple déplacement, quelle qu’en soit la raison, et en général elle était temporaire. Puis, comme souvent, le mot a pris un sens figuré: migrer est devenu synonyme de transformation, de changement d’état, la chose valant aussi bien pour le caractère d’une personne que pour son statut social ou professionnel (no comment). A l’occasion, dans le milieu judiciaire, un « migrant » pouvait également désigner quelqu’un qui transgressait la loi, autrement dit qui passait d’un état d’homme libre à celui d’inculpé (re-no comment).

Dernier avatar d’une étymologie décidément évocatrice, le passage d’un état à l’autre pouvait très bien être…définitif, la migration étant alors une façon pudique de dire « passer l’arme à gauche », expression française qui laisse d’ailleurs assez peu de doute sur l’inconscient du vocabulaire: en effet, si mourir est « à gauche », le bon côté (la vie) est forcément à droite, mais ceci est une autre histoire, sur laquelle nous reviendrons probablement d’ici le mois de mai prochain. En tous cas, il n’y a qu’un mot de la famille des « émigrés » qui semble ne courir aucun danger, puisqu’il désigne des individus qui ne font que passer, c’est le mot « migrateur », mais, en général, cela ne qualifie que des oiseaux. Etymologiquement, bien sûr.


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