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Jacques

Un internaute lecteur de ces chroniques me demandait l’autre jour, après une analyse comportant le prénom Pierre : « Merci de votre explication, mais qu’en est-il des Jacques? Pourquoi appelait-on ainsi les paysans périgourdins du 19è siècle, et pourquoi dit-on à un enfant turbulent « ne fais pas le jacques? Etrange prénom! ». Etrange, je ne sais pas, mais commun sans aucun doute, trop peut-être, ce qui explique et l’une et l’autre des interprétations que signale ce passionné d’étymologie.

Malgré les apparences, le mot (commençons par là) Jacques est de même origine linguistique que…Jam(m)es, tous deux issus du latin « Jacobus », lui-même emprunté à un mot hébreu qui est Jacob. Dans la Bible, Jacob est le fils d’Isaac, et son principal problème est qu’il a un jumeau, nommé Esaü. Tout irait pour le mieux dans le meilleur des mondes si Jacob n’était né en tenant, dit-on, son jumeau par le talon, d’où son…surnom immédiat de « Ya’aqov » (jacob), ce qui veut dire littéralement « il tiendra le talon ». Achille n’a qu’à bien se tenir (le talon).

Et de fait, ce surnom va être propulsé au Top 50 des prénoms au Moyen-Age, non pas en référence au gars qui prenait le pied de son jumeau, mais à un certain Jacques, dit Le-Majeur, auquel les guides routiers de la Galice espagnole doivent beaucoup, puisqu’il a propulsé une plage déserte au bord de l’océan atlantique en lieu de pèlerinage (compostelle = campus stellae, le champ de l’étoile en latin)…Nous voilà donc avec un rival sérieux des Pierre (le plus costaud des apôtres, puisque c’est la pierre sur laquelle sera bâtie l’Eglise) et des Jean (celui qui ne va pas tarder à se faire appeler Baptiste), etc. Le Jacques va générer une liste impressionnante de variantes et de diminutifs, dans toutes les langues; à commencer donc par les anglo-saxons James, Jammes, Jamet (et donc Jim et Jimmy!); idem pour le Jaime espagnol (qui garde le même « m »); puis Jacquin (dans le Nord et les Ardennes), Jacquot (le diminutif affectueux), Jacky (le blouson noir), Jacquard(t) en Bourgogne, Jacquet (le plus Aimé), Jacquelin (autre diminutif), Jacquemard, Jacquemin, Jacquinet, Jacquier, et même le lorrain Jacqueson. Sans oublier l’américain Jackson (Michaël), qui signifie littéralement « le fils de Jacques », (Jack-son), ou encore le Jackowski polonais; bref, un répertoire de rêve pour toutes les Bernadette.

Et le Jacquou alors (parfois écrit Jaccou)? Il s’agit encore d’un diminutif du même prénom, surnom d’un petit garçon périgourdin aux conditions de vie pitoyables, qui fera la fortune d’un certain Eugène Le Roy qui écrira son histoire en 1899. Cela étant, Croquant n’est pas son nom de famille mais un sobriquet (dont il n’était pas le seul titulaire), donné aux paysans du sud-ouest qui se révoltaient. En cette fin de 16è siècle où alternent disettes et famines chez les pauvres, le « croquant » n’a rien à voir avec une tablette de chocolat sous la canine mais avec le mot « croc », dont le premier sens évoque non pas une dent d’animal mais un crochet (exemple: « je ferai pendre ce Villepin à un croc de boucher »). Du coup, les croquants, c’était le surnom des voleurs ou maraudeurs affamés qui crochetaient -qui croquaient- les portes des maisons ou les coffres pour les ouvrir et emporter le contenu.

Subséquemment (je sais, c’est prétentieux, mais arriver à caser çà, çà pose non?), le Jacques va rester dans la tradition du langage commun pour désigner ces paysans (et pas qu’en Périgord) forcément…lourdauds et niais, ce qui va entrainer la création de cette expression « faire le jacques » (ou faire son jacques), devenant ainsi une menace à destination des enfants turbulents ou obstinés, avec le sens de « arrête de faire l’imbécile ». Il parait même que c’est en référence à ce sens de nigaud que le groupe de chanteurs des années 50 s’est baptisé « les Frères Jacques », avec le même esprit de dérision que reprendra quelques années plus tard l’orchestre du chanteur Antoine, en s’appelant, eux, les « Charlots ».

Il y a pire: outre le langage dit commun, le répertoire vulgaire, lui, va très souvent considérer « jacques » comme le surnom du sexe masculin, au même titre que…(Po)Paul, tout comme Jack ou John chez les anglais. Par contre, si jamais un chauffeur de taxi vous dit « Allez,on va faire chauffer le jacques », vous n’êtes pas tombé sur un exhibitionniste, c’est tout simplement qu’il veut vous dire qu’il va enclencher son compteur!

Un dernier tour d’horizon, pour voir si l’on n’aurait pas oublié quelques autres variantes célèbres de Jacques…N’oubliez pas le « Jacquot  de Nantes », en souvenir et en hommage à Jacques Demy; ni un certain Visiteur du passé dénommé Jacquouille (la fripouille). Lui, vraiment, passait son temps à faire le jacques!


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2 commentaires au sujet de Jacques

  1. bonjour et merci de vos histoires toujours passionnantes. je ne sais pas comment vous faites pour trouver toutes ces idées à la fois documentées et humoristiques; continuez! mariehélène de lyon

  2. Bravo pour cet article érudit et riche autour des Jacques et de leurs diminutifs. C’est également très agréable à lire;
    Juste un petit rectificatif sur Jackson (Jack-son). Jack en anglais est le diminutif de John (Jean), et non de James (Jacques). La consonance est trompeuse.
    Pardonnez cette pédanterie à un vieux prof d’anglais…
    Bonne journée.

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