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Muguet (confiné)

Quelques clochettes fraiches au bout d’un brin humide, et un parfum dans l’air qui vous fait voir la vie en blanc: le muguet de cette année ne sera pas différent des précédentes, sauf qu’il vous donne cette fois le signal non plus du printemps mais du retour proche du déconfinement; d’un point de vue végétal aussi, c’est une vraie vacherie. Quant à l’étymologie, c’est une catastrophe: en lieu et place des trois tiges fanées à dix euro, je vous offre en effet une vessie de cerf, un psychotrope puissant, une grappe de raisin et un verre de vin, le tout servi à domicile (et dans leur racine commune) par un petit jeune homme précieux. Explications.

L’histoire de ce mot commence il y a bien longtemps, et, contrairement à ce que pourrait laisser croire le terrain de pousse favori de la fleur, on est bien loin des serres tempérées de la verte banlieue nantaise, puisque sa racine est…arabe. Premières odeurs vers le 4ème siècle après JC, pour qualifier une senteur ‘musquée’ (qui deviendra ‘musguée’ puis muguée, comme vous l’aviez peut-être déjà flairé) autrement dit assez forte pour les futures narines européennes. C’est d’ailleurs ce premier sens (de l’odorat) que l’on va conserver pendant des siècles pour certains animaux, dont une certaine race de rats ou de boeufs, deux espèces qui ne sentaient pas la rose et encore moins le muguet.

Les autres variantes commencent à fleurir à partir du 12è siècle, avec les fruits du muscadier, un arbuste d’origine indonésienne ramené par quelques marchands puis les explorateurs, qui va donner la célèbre ‘muscade’. Or, à l’époque, c’est moins l’odeur que le goût qui va faire ses premiers effets sur les consommateurs; pas encore question ici d’aromatiser curry, purée ou tout autre plat délicat avec une pincée de noix râpée, car les composants de ce noyau (étymologiquement: le coeur de noix!) sont des hallucinogènes puissants quand on les consomme à haute dose, ce dont ne se priveront pas certains peuples. Bref, pour le moment, le muguet, c’est mauvaise odeur + mauvais trip.

Vers le milieu du 16è siècle, l’habileté et la délicatesse de quelques ‘nez’ italiens créeront un ‘moscardino’, sorte de petite pastille parfumée au musc à consommer avec modération, d’autant qu’il ne s’agit pas d’une dragée à faire fondre sous la langue mais d’une sorte de boule(tte) à glisser entre deux chemises (c’est mieux que la naphtaline et ça coûte moins cher que les assouplissants aux édulcorants de synthèse -pas encore- sortis de la machine à laver).

C’est ainsi que vont commencer à éclore sur les trottoirs des ‘muscadins’ (en français dans le texte), adjectif puis substantif qui va servir à qualifier de jeunes hommes particulièrement attentifs à bien parfumer leur noix, et que l’on appellera -temporairement- des muguets (ou muguettes, version féminine). On créera même le verbe mugueter, c’est à dire sentir bon le muguet, préliminaire logiquement incontournable avant de…fleureter. («Pardon Mademoiselle, vous ne voulez pas venir sentir mon muguet»…)

Dans le langage courant, la fleur aux senteurs délicates et tellement symboliques (on est tout près de Pâques, et les clochettes résonnent encore un peu comme les cloches) va donc s’appeler ‘musgade’ puis ‘musguet’ et enfin muguet, tout ça à cause d’un arbuste à la noix venu d’Extrême-Orient…

L’affaire se complique -comme souvent- avec le sens figuré, inventé par les médecins de la fin du 18è siècle, qui vont y associer l’image d’une maladie infantile constituée de petites plaques blanchâtres dans la cavité buccale (ou ailleurs, pour les adultes), et qui portera le même nom. On reste un tantinet perplexe devant le choix de la comparaison, entre des clochettes sur une tige et, plus évident sans doute, des giclées de pâquerettes sur le tapis d’une prairie, mais bon…C’était juste pour faire causette; un brin, forcément.


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4 commentaires au sujet de Muguet (confiné)

  1. L’étymologie est souvent un chemin sonore plus qu’orthographique bien qu’il y ait parfois de faux sentiers. Sur cette base de raisonnement, y aurait-il un lien entre musqué (qui sent fort) avec musclé : qui est fort ?

  2. Vous avez tout à fait raison, l’étymologie emprunte beaucoup à la phonétique pour créer les mots (donc les noms) avant d’être « mise en ordre » par l’orthographe…

    Mais, dans votre suggestion, on est loin du compte! Techniquement parlant et pour simplifier, entre ‘musqué’ et ‘musclé’, il y a l’apparition de ce ‘L’ tout à fait inévitable à côté de deux consonnes très fortes. C’est que le muscle est en fait une francisation du latin ‘musculus’ (muscule > muscle), lui-même diminutif du mot ‘mus’ qui désigne une…souris.

    Mus-souris donc musculus-petite souris, tout simplement parce que, pour ne prendre que l’exemple du biceps qui roule sous la peau quand vous contractez le bras, les Romains pensaient qu’il y avait ‘là-dedans’ comme une petite souris qui faisait aller-retour le long de l’humérus.

    Encore plus fort que la phonétique!

  3. Certes, certes d’où également la souris du gigot… mais parfois la racine est profonde… mus = souris en romain mais aussi plus profondément dans le temps dans les states pan indoeuropéennes. Cela reste bien sûr à démontrer mais si musc est en lien avec l’odeur et notamment au départ l’odeur animale on peu imaginer qu’il pourrait y avoir là un départ vers le sens souris puis comme vous l’avez dit muscle.. ???? C’est osé mais comme vous le savez l’étymologie procède parfois comme cela…

  4. Intéressant; vous semblez tenir aux jeux de sons, sinon de mots!

    Mais sauf erreur de ma part, et pour remonter au terme encore une fois emprunté par les Latins à leurs prédécesseurs grecs, puis encore davantage jusqu’au ‘phonème’ sanskrit ‘müh’, il ne semble pas y avoir de lien avec l’odeur de la souris (en fait, un rat à l’origine, plus généralement) mais à une image de ‘pointe’, la forme commune à tous les mus-eaux!

    En attendant mieux…

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