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Berlusconi (Silvio)

L’actualité de la semaine (étymologiquement maigre) met à l’honneur les personnels des maisons de retraites en Italie, où sévit un certain Silvio Berlusconi, dont l’une des dernières déclarations (d’amour?) à l’un de ses conquêtes du temps de sa splendeur disait à peu près ceci : «…vois-tu, à mes heures perdues, je fais le chef du gouvernement, et il m’arrive plein de choses… ». Même s’il ne pensait probablement pas à l’époque devoir un jour faire manger des vieillards ou balayer leur chambre, vous avez bien lu, vous n’avez pas la berlue (sconi).

Le jeu de mots n’est pas gratuit (jamais, en étymologie!) car même si la berlue, qui se disait la « bellue » en vieux-français, évoque plutôt un éblouissement passager, le sens de la racine du patronyme du Cavaliere est assez étonnant : berluscono (singulier de berlusconi) est le surnom d’un ancêtre originaire de la région de Lombardie (Milan), dans le nord de l’Italie. Spécialités locales: voitures de sport, clubs de foot et agences de bunga-bunga. Le mot vient en fait d’un dialecte de la suisse…alémanique, qui est ‘berlüsch’ et qui a émigré vers le sud du massif alpin jusqu’en  suisse ‘italienne’ évidemment. Un berlüsch, c’est un mot un peu moqueur qui désigne quelqu’un qui louche; en français, au lieu de loucheur, on dirait louchard par exemple. Et l’on sait très précisément sur quel type de personne(s) le Silvio peut loucher jusqu’à en être…éberlué (même racine que berlue).

Vous me direz peut-être que cette racine berlüsch/berlusc- a l’air bien barbare et qu’elle n’a pas son équivalent en français. Eh bien si, et sous sa forme originelle qui est…louche. D’abord, le mot n’a rien de germanique en fait puisqu’il a été apporté par les Romains, directement emprunté au latin ‘luscius’ qui veut dire…borgne (ce n’est pas franchement la même chose, mais ces Romains n’avaient pas tout à fait les yeux en face des trous). De ‘luscius’ on a fait un adjectif en vieux-français, lequel n’avait qu’une seule et unique forme au féminin (c’est louche, non?) qui est ‘lusche’, puis ‘losche’ (rien à voir avec la limace).

Enfin, au 14è siècle, arrive en parallèle l’adjectif masculin, définitivement ‘stabilisé’ en louche. Un mot intéressant, louche, car, comme assez souvent, le langage populaire va lui donner un sens propre et un sens figuré tout à fait différents, mais qui procèdent toujours du même raisonnement: la croyance dans le fait que « ce qui est malade est mauvais »; tout comme ce qui est noir ou sombre est méchant; ce qui est petit est faible; ce qui est bizarre est inquiétant ou dangereux, etc…De fait, pour définir objectivement les choses, on dit de quelqu’un qui a un strabisme convergent qu’il louche. Soit. Là où cela se gâte, c’est que, pour nos ancêtres, le regard de cette personne est différent, donc bizarre, donc suspect (pendant longtemps, toute infirmité ou handicap, même léger, ne pouvait être que l’oeuvre du diable, ce qui condamnait en général l’individu. C’est encore le cas actuellement en Afrique à cause « d’anomalies génétiques » telle que l’albinisme, où l’on découpe les membres d’enfants ou d’adultes albinos, dont la peau est de fait réputée « magique »…).

Nous sommes donc loin d’un simple strabisme? Pas du tout. Jusqu’au début du…20è siècle, il y a des régions de France où l’on refusait de soigner cette affection, sous des prétextes religieux. Mais revenons à l’évolution – pour ne pas dire au dérapage – du mot: la pensée populaire décrète que « si quelqu’un louche, il…devient louche ». On passe facilement d’un verbe d’action à un verbe d’état, ce qui n’est pas pareil! Or, quelqu’un ‘de’ louche est forcément suspect, potentiellement dangereux, alors qu’en réalité cet individu ne souffre pas forcément de strabisme. Plus fort encore: non seulement le mot va s’appliquer, au figuré, à une personne, mais aussi à un objet, à tout le moins à un bâtiment: dans tous les clichés des romans à bon marché, un homme louche, ça sort souvent d’un hôtel…borgne.

Finalement, nos Romains avaient la bonne définition; mais les Latins d’autrefois se doutaient-ils qu’un jour des Italiens d’aujourd’hui auront eu un loucheur qui n’avait pas les yeux dans sa poche à la tête de leur gouvernement?


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