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Bru (Yannick)

Un internaute fidèle lecteur, autant amateur d’étymologie que de rugby, me suggère une petite enquête sur le patronyme de l’entraineur toulousain (et prochainement national) Yannick Bru, dont il se demande s’il a un rapport avec la belle-fille, et pourquoi ne dit-on pas beau-garçon mais beau-fils? Il faut convenir que le mot est pour le moins aussi rare dans les registres d’état-civil qu’il est désagréable et suranné dans la bouche des invités au mariage de la future épousée.

En fait, la réponse tient en un constat assez simple: les deux mots (le patronyme de Yannick et le terme désignant la belle-fille) n’ont rien à voir l’un avec l’autre, ce sont des homonymes. L’un est probablement le surnom d’un ancêtre désigné par le lieu où il habitait, l’autre est la transformation d’un très ancien mot germain.
Commençons donc par notre rugbyman auscitain (natif d’Auch), ce qui va déjà permettre une ouverture avant de marquer cet essai linguistique.

Le patronyme Bru -et uniquement comme nom dit ‘propre’- est une forme simplifiée d’un mot gaulois qui est ‘brucus’, lequel va devenir en ancien-occitan ‘bruc’, puis bru après une francisation qui rabote la majorité des mots perçus comme trop ‘patoisants’. Ce bruc désigne la bruyère, plante sauvage des terrains siliceux, dont les huit cents espèces envahissaient autrefois nos campagnes, d’où la présence familière dans le paysage de nos ancêtres de ces arbustes aux clochettes mauves ou blanches.

Avant de s’appliquer à une personne, Bru, Le Bru, le Bruc, etc…est donc d’abord le nom de hameaux que l’on trouve surtout dans le Rouergue, le Quercy, et jusqu’en Catalogne (la Normandie convient nettement moins bien à la bruyère, sauf peut-être la région parisienne pour un certain auteur français du 18è siècle prénommé Jean). Il existe aussi des Bru dans le Lot, le Cantal ou la Corrèze, avec parfois une ‘extension’ en Bruasse ou Bruyasse, le suffixe -asse appliqué à l’un et l’autre de ces mots ayant une valeur augmentative, que l’on peut traduire par ‘l’endroit où il y a beaucoup de bruyères’. Manifestement, le chiendent mauve devait beaucoup gêner nos ancêtres, car ce suffixe ‘-asse’ est toujours péjoratif (blondasse, jaunasse, fadasse, pétasse et j’en…passe); comme quoi l’étymologie fait bien parler ou chanter les mots: la Bruyasse, c’est très clairement «l’endroit où cette f…bruyère nous empêche de planter et de cultiver efficacement». Ce qui conduira un certain nombre d’habitants à relever leurs manches (souvent de bure, d’ailleurs), et, à partir du 13è siècle, de grands travaux de défrichement partout en France vont permettre d’arracher cette bruyère pour créer des sites qui vont s’appeler ‘Broja’ puis ‘la Brojère ou la Brugère », et enfin Bruges (la ville de la bruyère, tout du moins en France) dont le moins qu’on puisse dire c’est qu’ils viennent de la même racine!

Et que devient notre bru, dans tout çà? Eh bien, elle attend au bras de son père sur le seuil de l’église, puisqu’elle ne va pas tarder à devenir la belle-fille de sa belle-mère. Une bru est une jeune fille, sens originel du mot de (très) ancien germain ‘brudi’, qui va se transformer en ‘brut’ (!), puis, comme en allemand actuel, en ‘braut’. Même racine pour le mot germain/saxon qui va émigrer sur la terre des Angles (Angleterre) pour devenir ‘bride’, et donc bru chez nous, même si la consonnance est assez rèche pour la langue française: le mot est en effet perçu comme plus dur parce que monosyllabique (bru, cru, dru n’ont rien de doux), alors que ‘belle-fille’ sonne mieux à l’oreille, surtout grâce à ce joli adjectif, belle (un mot qu’on dirait inventé pour elle).

Manque de chance, une belle-fille n’est pas forcément belle! Je ne parle pas forcément de sa beauté, car le mot, au Moyen-Age, n’avait qu’une valeur affectueuse, et devait se comprendre plutôt au sens figuré: « mon bel enfant, ma belle amie » disait-on, tout comme « mon doux fils » ou « mon beau fils », pour vanter les qualités morales du sentiment filial!
A l’époque, l’homme qui entrait dans la famille s’appelait le « filiâtre » (plus tard, celui qui est chargé d’en-gendrer des enfants: le gen-dre!); le père de sa femme était le « parâtre », et la mère, la « marâtre » évidemment; tous ces mots vont être perçus de la même façon que les augmentatifs en -asse, c’est à dire très péjoratifs, on va donc rapidement les abandonner, sauf à vouloir désigner une personne méchante (comme la belle-mère de Cendrillon ou de Blanche-Neige, par exemple). Les termes ‘beau-fils’, ‘belle-fille’ ou ‘belle-mère’ sont donc de simples formules d’affection entre membres d’une même famille (encore que, dans le dernier cas, il paraît qu’il y a des doutes…)

Conclusion: Notre rugbyman porte un nom fleuri, même si le langage des fleurs associe plutôt la bruyère à la solitude…De son côté, la bru de la famille a également intérêt à rester solitaire et donc célibataire, car, même si l’étymologie n’est pas du tout la même, une Mme Bru mère sera forcée d’appeler sa bru Bru! Et si, de plus, cette fille est jolie, la bru Bru sera une belle belle-fille. Simple, non?


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