César du cinéma

Avalanche de polémique(s) au sujet des récompenses du cinéma français: faut-il écrire ‘César’ avec ou sans ’s’? Et avec ou sans majuscule? En tant que nom propre, puisque la statuette porte le nom de l’artiste marseillais qui l’a sculptée, elle doit théoriquement -et à la demande expresse de la famille- rester sous la forme invariable du patronyme d’état-civil, au singulier comme au pluriel. Contrairement aux oscars…

Pour le chevalier (si, si) américain debout sur une bobine de film, il parait qu’il doit son nom à sa ressemblance avec celle (de bobine) d’un parent de la secrétaire de l’Académie; tout comme l’on prête à Mme Disney l’exclamation « on dirait l’oncle…Mortimer » pour désigner la souris dessinée par son mari (mauvaise pioche). Mais Hollywood étant plus enclin à s’approprier les humains, on peut sans remords rendre commun ce qui était propre, et oublier des Oscar morts depuis longtemps.

Bref, notre Julot compresseur de Marseille restera immortel (sauf prochaine explosion de l’association française) pour avoir -entre autres- laissé un pouce géant (1,85m) sur le parvis de la Défense à Paris et commis l’objet écrasé toujours aussi écrasant si l’on en croit les réactions de récipiendaires probablement sous-alimentés car visiblement trop faibles pour porter 3,8 kgs.

Un César? En hommage à son créateur évidemment, même si beaucoup soutiennent que, par coïncidence, il s’agit d’une sorte de réponse à ‘Oscar’ (même son final, même nombre de lettres; c’est sûr que ça sonne mieux que les BAFTA britanniques); d’autres y voient un clin d’oeil à l’acteur également marseillais Raimu, inoubliable dans le film éponyme de Marcel Pagnol.

Quoiqu’il en soit, sans savoir ce qu’avaient en tête Omer et Leïla Baldaccini en baptisant leur fils (puisque ce n’est ‘que’ son prénom), ce César doit largement sa notoriété à un Jules assassiné à Rome en mars 44 après JC (lui-même, lui-même). Son prénom était en fait Caïus, de la famille Julius, Caesar (en latin) n’étant qu’un qualificatif supplémentaire qui deviendra rapidement un symbole -entre autres- impérial à la suite du vainqueur des Gaules. Car, si l’on creuse l’étymologie de ce mot, on trouve le verbe ‘caedere’ qui signifie couper ou trancher.

Cela ne vous inspire peut-être rien immédiatement mais, une fois l’orthographe et surtout le son modifiés, on arrive à ce ’s’ (forcément) très incisif: en effet, n’étant pas né par les voies dites naturelles, c’est grâce à (ou à cause de) Jules que l’on connait l’accouchement par…césarienne, dont la méthode est inscrite dans sa racine!

Il faut rajouter un autre cordon, linguistique cette fois, avec le terme germanique ‘Kaiser’, dérivé de la prononciation latine supposée (kaésar) et surtout du sens de général en chef ou d’empereur qui collera si bien à la carte de visite de Guillaume II d’Allemagne dix-huit siècles plus tard. Même chemin semble-t-il pour le terme de ‘tsar’ (ksar), l’empereur de toutes les Russies; alors que le prénom doit probablement sa survie à un emploi péjoratif et moqueur, l’habitude qu’avaient les trafiquants négriers du Sud des Etats-Unis de surnommer ainsi leurs esclaves par dérision…

On est là à l’opposé du patronyme cette fois (pas du prénom) de César, ce Baldaccini d’origine typiquement toscane (capitale Florence); il s’agit en fait d’un diminutif, probablement familial, marqué par le suffixe ‘-ini’ et donc formé sur un ‘baldacci’ hérité -encore et toujours- des grandes invasions germaniques venues contaminer, toujours linguistiquement, le nord de la Botte.

Il faut donc enlever également la tonalité italienne ‘-acci’ pour retrouver la syllabe ‘bald-’ originelle, généralement traduite par l’adjectif moderne ‘audacieux’. Ce qui convient autant aux parti-pris artistiques de César qu’au courage de ceux qui oseront se rendre à la Cérémonie de cette année. En tous cas étymologiquement.

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