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Synagogue

C’est le lieu le mieux gardé en ce moment, en raison de menaces et troubles divers dont il n’est évidemment pas question de faire commentaire ici. Sauf que, statistiquement, ce nom s’est momentanément retrouvé en tête des requêtes sur un célèbre moteur de recherches; cela signifie donc que beaucoup d’internautes se sont retrouvés sur le même mot: cela tombe bien, c’est exactement son étymologie!

En effet, synagogue n’est pas un mot hébreu mais grec, qui, de plus, est arrivé dans notre langue via le…latin ecclésiastique. D’un point de vue linguistique, il se comprend de la façon suivante: syn-agogue, soit un préfixe et une racine. Le préfixe ‘syn-‘ signifie ‘avec’, et exprime toujours un rapprochement, un accord ou une combinaison: une syn-thèse, c’est le raisonnement que l’on construit (littéralement: que l’on pose-avec); quelque chose de syn-chrone, c’est ce qui fonctionne dans le ‘même-temps’ (chronos); la sym-pathie (avec le ‘n’ qui devient ‘m’ devant m, b, p, vous vous souvenez de la règle?), c’est ce qui fait que vous éprouvez un sentiment (théoriquement, de souffrance!) avec quelqu’un, etc.

Nous reste donc la racine ‘-agogue’, nom commun qui évoque, lui aussi, un rassemblement, ou plus précisément le fait de mener ou d’emmener plusieurs éléments (ou personnes) sur un même point (éventuellement point de vue): un péd-agogue, c’est quelqu’un capable de comprendre les enfants; un dém-agogue, celui qui sait comprendre -donc manipuler- le peuple, etc. A l’origine, les grecs s’en servaient d’ailleurs le plus souvent pour qualifier l’action des bergers, ceux qui rassemblent leur troupeau, ce qui explique sans doute que les démagogues prennent les citoyens pour des moutons de Panurge.

Du coup, la force du mot peut considérablement varier selon l’objet et le contexte: rassembler des animaux, faire les moissons (on ramasse les blés pour les mettre ensemble dans une botte), faire une collection (de pierres ou de bijoux, parce que les timbres dans l’Antiquité…), rassembler ses outils (pour un artisan) ou son maquillage (pour une femme), et même…collecter les impôts (sans commentaire). Vous le voyez, ça ratisse large, surtout d’ailleurs avec une idée de compression, aussi bien pour arriver à caser les brebis dans la bergerie que pour réduire une forme (question technique: le mot pouvait aussi désigner, en architecture, la réduction des dimensions d’un ouvrage, comme la base d’une pyramide). Bref, toujours l’idée d’arriver à réunir des unités, y compris si besoin par la force, en commençant par le nombre minimum de deux -l’union de deux personnes en mariage (sic) – jusqu’à la constitution d’une armée de soldats et leur cantonnement en caserne!

Ce sont les Latins qui vont faire oublier un peu tout ça, en ne retenant que la dimension tographique de cette racine pour en faire le ‘lieu où l’on se réunit ensemble’ (vous allez me dire, si on se réunit, c’est forcément ensemble, mais il faut bien que je case le préfixe), soit la syn-agogue, un endroit logiquement très fréquenté donc, à Torah ou à raison…Et quel est le monument le plus proche de la synagogue? L’église bien sûr, au moins étymologiquement. On doit également le mot aux Grecs, qui convoquaient régulièrement ‘l’ecclesia’ (oui, ce qui va donner ecclésiastique) dans un endroit tout à fait païen puisque que public et citoyen: à l’époque, il n’y avait aucune connotation religieuse à cette ecclesia/egglesia/église puisqu’il s’agissait strictement de l’assemblée du…peuple (plutôt convocation du Parlement que pélérinage à Lourdes). Les fidèles votants de cette église-là se réunissaient donc sur la place publique (agora) ou ailleurs (des marchés) mais sûrement pas au temple, ou plutôt aux temples, vu l’annuaire officiel des divinités locales et/ou des lieux sacrés.

Ce n’est que très tardivement que la chrétienté (l’Eglise) va récupérer le terme d’église pour en faire l’assemblée des croyants, lesquels, par un curieux retournement chronologique, forment désormais «le troupeau conduit par un pasteur (pour l’instant catholique)», dans un édifice en général moins bourré qu’une étable des Pyrénées. D’un point de vue strictement étymologique, la synagogue précède donc l’église, puisqu’il faut commencer par rassembler avant d’obtenir une assemblée, c’est une convention, comme auraient dit les Révolutionnaires.

Avant d’être une ‘église protestante’ (littéralement: un groupe de gens qui ne sont pas d’accord et qui le font savoir), le temple est donc l’apanage des Grecs, piratés par les Romains. Le mot ‘temple’ vient d’une très ancienne racine dite ‘indo-européenne’ (avant la différenciation de langues, pour schématiser), qui veut dire découper, lacérer, marquer avec une pointe…Ne fantasmez pas: les Etrusques (les tout-premiers latins) en avaient fait, au sens figuré, un geste sacré: avec une lance à la main, il s’agissait d’observer les oiseaux (de bon ou mauvais augure), de tracer dans le ciel (!) leur périmètre de vol, de projeter le tout sur le sol et de décréter l’espace ainsi défini comme zone sacrée (on espère que c’étaient des pigeons ou des oies, parce qu’avec des hirondelles ou des martinets, le GPS à la grecque, ça devait être coton!).

Sur ce relevé virtuel, les architectes bâtiront plus tard des constructions bien en terre, que l’on appellera alors ‘temples’, autrement dit la maison en forme de découpe céleste, ou quelque chose comme ça, permettant au passage de capturer peu ou prou les esprits qui passaient à ce moment-là dans leur espace aérien (les Boeing malaisiens n’existant pas encore). Mais la plus européenne de tous est sans aucun doute la…mosquée, car son étymologie nous fait remonter dans le temps et voyager à travers plusieurs pays.

En France, on dit ‘mosquée’ depuis le 16ème siècle, mais peu de temps auparavant (1422), c’était encore une ‘mousquée’, et même (1350) une ‘mousquette’. Rien à voir avec d’Artagnan, c’était tout simplement l’adaptation française de l’italien ‘moschea’, lui-même contraction de ‘moscheta’. Lequel venait de…l’espagnol ‘mezquita’, langue alimentée pendant de nombreux siècles par l’arabe, non seulement en couscous mais aussi en vocabulaire. Voilà pourquoi c’est par le territoire de la péninsule qu’est arrivé un ‘masdjid’ moyen-oriental, future ‘mosquée’ (ne me demandez pas si ce sont les turcs qui prononçaient mal ou si ce sont les espagnols qui avaient les oreilles sales). Et vous savez quoi? ‘Masdjid’ signifie « l’endroit où l’on adore » (sous-entendu Dieu), ce qui, franchement, est bien plus précis que synagogue, église et autre temple. Au moins -et seulement- étymologiquement.


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Un commentaire au sujet de Synagogue

  1. Note de la traduction française du Protagoras de Platon d’Emile Chambry:

    Hippias d’Élis possédait une science étendue et se vantait, comme le fit plus tard Pic de la Mirandole, de pouvoir improviser un discours sur n’importe quel sujet. Il réunit ses connaissances dans une sorte de somme (Συναγωγή)

    En somme, une synagogue encyclopédique.

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