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Lustucru

«Si vous parlez de ‘La Redoute’, expliquez aussi ‘Les 3 Suisses’» (c’est fait) m’avait écrit un fidèle lecteur. Cette fois, parité oblige, c’est une lectrice du Canada, qui vient de retrouver l’archive* sur le nom des Panzani (les pâtes), et qui m’enjoint donc de parler de ce très insolite ‘Lustucru’ français, et qui éveille toujours une phonétique inconsciente mais toujours terrible: en effet, au pays du sirop d’érable, Lustucru, en plus d’être un dévoreur d’enfants en France, est un personnage de contes, surnom d’un malheureux ‘Loup qui pue’, en raison d’une haleine fétide! Analysons donc la racine de ce mot. Mais si vous ne trouvez pas son étymologie tout de suite, autant donner votre langue au chat (qui pue moins?) avant de vous jeter dans la gueule…du loup.

M. Lustucru a bien existé; il n’a rien d’un monstre, s’appelle en réalité Albert Cartier-Million, et il habite Grenoble, belle ville au pied des Alpes où, depuis 1860, son père Louis a créé une petite usine de fabrication de pâtes alimentaires, des nouilles quoi. Le coup de génie des fils et frères Cartier-Million, qui travaillent en famille, ce sera de créer un jour une catégorie de pâtes garanties «aux oeufs frais», l’argument de vente («le plus-produit» si vous voulez faire prétentieux) étant toujours valable… Avec cette idée l’entreprise passe, en moins de quinze ans, de 300 kgs de production annuelle à plus de 160 tonnes! Or, en cette année 1911, Albert, qui s’occupe du ‘marketing’ comme on dirait aujourd’hui, sent bien qu’il faut trouver une idée originale pour consolider la marque (il faut faire du ‘story-telling’ comme disent toujours les mêmes prétentieux: en français, il faut raconter une histoire).

Alors, on fait appel aux plus grands artistes du moment, à une époque où les affichistes faisaient de véritables créations graphiques: il s’appelaient Willette, ou encore Poulbot (oui, celui qui peindra les petits gamins de Paris en leur donnant son nom), etc…Mais finalement, ce sera le dessinateur Synave qui proposera l’idée du fameux damier bleu et blanc, symbole idéal selon lui de la cuisine (c’était le tissage des torchons). Idée adoptée, et tout le monde s’en va fêter çà dans un grand banquet à la fin duquel un autre dessinateur, un certain Jean-Louis Forain, un peu éméché, se lève en brandissant son verre et se met à chanter -au hasard!- le fameux air de la Mère Michel, celle qui a perdu son chat. Dans l’emballement général, quelqu’un propose de lui dédier la gamme de pâtes…Bingo: dorénavant, les pâtes ‘normales’ (sans oeufs frais) porteront la marque de «Mer’Michel» (écrit comme cela); et celles avec les oeufs, forcément, «Per’Lustucru»!

Or, ce que nos convives ne réalisent pas, c’est que cette «chansonnette de cour d’école» (qui date de l’époque de Molière) avait, à l’époque de sa création, une connotation autrement plus agressive que celle qu’on fait changer aux enfants (**). En fait, au 17è siècle, ce Monsieur Lustucru est -je cite- «un forgeron cocu, folâtrement habillé, armé de tenailles avec lesquelles il prétendait redresser la tête des femmes» (lesquelles n’avaient à l’époque pas encore d’âme reconnue par l’Eglise. Il fallait donc leur ‘remettre’ les idées en place, fût-ce au ‘forceps’). Les gens disaient donc qu’une telle opération était évidemment littéralement incroyable; et, comme ce n’est pas croyable, on l’avait forcément surnommé «l’eusses-tu cru ?», ce qui est bien la 2è personne du plus-que-parfait du subjonctif du verbe croire, comme vous l’aviez déjà trouvé depuis longtemps.

Un siècle ou deux plus tard, on a oublié le ‘cocu folâtre’, mais la tradition a souvent fait du «Grand Lustucru» une sorte d’ogre «qui passe et qui repasse, emportant dans sa besace tous les enfants qui ne dorment pas!». (Franchement, comment voulez-vous vous endormir si on vous injecte une idée pareille avant d’éteindre la lumière?°. Conclusion: Que le Grand Cric me croque, mais finalement, ce Lustucru, on peut dire ce n’était pas franchement une bonne pâte.

(*) Vous pouvez faire comme elle en tapant Panzani dans le champ de recherches, en haut à droite de cette page.

(**) Cela étant, si vous lisez les paroles de tous les couplets, vous allez voir que c’est aussi violent que ceux (qu’on ne chante jamais) de La Marseillaise!


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