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madame Figaro

Un lecteur fidèle de ce blog attire mon attention sur une amusante anecdote opposant le magazine ‘Madame Figaro’ (en toutes lettres) à une certaine madame Figaro, dont le blog a été momentanément menacé juridiquement pour utilisation frauduleuse d’une marque déposée. Au-delà de quelques émois assez compréhensibles et d’un cas exemplaire d’esprit procédurier disproportionné, saisissons l’occasion de mettre un peu de linguistique là-dedans, ce qui eût sans aucun doute simplifié la vie à tout le monde, et évité de rendre absurde une situation qui ne souffre aucune équivoque: il suffisait de savoir parler français.

Figaro est-il une marque déposée? Peut-être, mais c’est d’abord, comme tout patronyme, un surnom, et, éventuellement, un prénom. Car c’est bien le nom de famille de la dame menacée, institutrice de son état, et que ses élèves appellent donc forcément ‘madame Figaro’ (faudrait-il, pour faire plaisir au magazine homonyme, qu’ils l’appelassent Gisèle ou…Rosine?). Il est vrai que ‘Figaro’ ne fait plus allusion désormais qu’à cet organe de presse, largement médiatisé sur trois notes par la voix haut-perchée d’un certain Jean d’Ormesson. D’ailleurs, qui voudrait, de nos jours, adopter volontairement le nom de figaro, ce terme désuet (en tant que nom commun) qui désignait, il n’y a pas si longtemps, un filou ou un coupeur de cheveux en quatre, par comparaison avec le célèbre coiffeur de Séville, qui devint même, au début du XXè siècle, synonyme de serviteur peu scrupuleux (et sans la liberté de blâmer, il n’est pas d’éloge flatteur, comme dit le canard)?

D’ailleurs, c’est bien en 1826 que le journal pique l’idée du personnage à un certain Beaumarchais, lequel a écrit, cinquante ans auparavant, un argument dramatique appelé ‘Le Barbier de Séville’, où apparaît le pseudo-coiffeur en question. Plus tard, on prétendra que le nom fut choisi par le journal pour occuper les tables basses des salons de coiffure, «Gala», «Voici» et autre presse d’opinion n’étant pas encore inventés…Or, à l’époque, ce Figaro-là (Figaro-ci) avait déjà une belle carrière, puisqu’après l’oeuvre de Pierre-Augustin, le personnage inspire, cinq ans plus tard, un certain Giovanni Paisiello, musicien italien ‘passé à la trappe’, qui écrit un opéra intitulé «La Précaution Inutile» (par ailleurs sous-titre du Barbier). A peine le temps de reprendre sa respiration, et il réapparait dans ‘Le Coiffeur se marie », soit «Le Mariage de Figaro», du même Caron de Beaumarchais, auquel un certain Mozart pique l’idée à son tour, pour des «Noces de Figaro», ré-exploitées trente ans plus tard par un ultime «Barbier» musical, sous la photocopie baroque de Rossini, qui emporte la mise finale (du moins en terme de nombre de diffusions dans le monde).

Pas la peine donc de se crêper le chignon pour ce figaro, devenu entre les deux-guerres le fugace synonyme de coiffeur. Il eût certainement mieux valu s’interroger sur deux aspects strictement linguistiques de l’affaire: indépendamment d’arguties juridiques objectivement superflues, «Madame Figaro» (personne morale) n’a aucun rapport avec une madame Figaro (bien physique), par la simple différence de la majuscule ‘déposée’. Aucune confusion possible donc, l’existence d’un monsieur Figaro ne causant pas plus de tort à l’organe de presse! Par ailleurs, clin d’oeil ultime qu’un académicien immortel aurait pu signaler immédiatement, les deux ‘mots’, Figaro et Figaro, n’ont strictement aucun rapport étymologique:

Si le journal porte ce nom en référence au personnage de Beaumarchais, quelle est sa racine? On a dit pendant longtemps qu’il s’agissait d’une déformation de…Picaro, qui tient à la fois du domaine ‘picaresque’ espagnol (cf.Don Quichoote), et d’un jeu de mots de son auteur qui aurait inventé un ‘fils de Caron’ (le premier nom de Beaumarchais). Hum…’fils de Caron’ qui devient Picaro puis Figaro, la chose me semble un peu tirée…par les cheveux.

Une autre démarche me paraît plus probable, et plus logique: le nom du valet du comte Almaviva viendrait d’un verbe andalou, ‘cigarrar’, qui voulait dire faire des papillotes, envelopper dans du papier, l’une des techniques de travail des perruquiers, puis des coiffeurs. En faisant varier la prononciation ‘sifflante’ de ‘celui qui roulait les papillotes’, el cigaro aurait donné le figaro, tout simplement et tout forcément, car cela fait presque qu’un siècle que ‘cigare’ signifie tout autre chose pour un français. Essayez ‘cigaro’ en prononçant à l’espagnole avec le bout de langue sur les dents, et vous allez voir…(ou plutôt entendre).

Ce qui n’empêche pas les Figaro d’exister en France, sans aucun point commun avec le personnage de théâtre: étymologiquement, les Figarol, Figarola, Figuerol, Figuerolles et autres Figarède sont les descendants de familles ayant un rapport avec des (exploitations de) figuiers, évidemment, tout comme il existe des Aulanier (nom occitan de la noisette), des Nouger (variante de noyers), des Pommier ou des Poirier, etc…Et comme la figue (le mot) est connue depuis le XIIIè siècle, via le provençal ‘figo’, on se dit qu’il n’y a aucune équivoque possible entre les deux mondes. Sauf à préciser pour terminer que le fruit, lui, vient du latin ‘ficus’, qui signifie…une verrue. La tradition botanique désigne d’ailleurs la feuille de figue comme «l’herbe aux verrues», qu’elle est censée guérir. Sans parler de la recette préférée des romains, le «ficatum», autrement dit le foie gras d’oie farci aux figues, puisque cette fois, l’origine est la même: les latins voyaient un rapport direct entre cet organe et le fruit (pour traiter des maladies, par exemple). La preuve pourrait sortir de la bouche de Figaro: en espagnol, ‘figado’ (le foie) a strictement la même racine; la figue et le foie, c’est le même mot! Et pas de quoi se bouffer la rate pour çà…


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