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Banlieue(s)!

«…Ce mot, mais de quel genre est-il? D’un mauvais genre, croyez-moi…». L’auteur pensait au ‘Mot de Cambronne’; il serait bien surpris aujourd’hui que certains l’appliquent systématiquement aux ‘banlieues’, un mot qui sonne différemment selon qu’il est au singulier ou au pluriel. Pauvre territoire que la banlieue, en tous cas d’un strict point de vue étymologique, car il a fallu à peine un demi-siècle pour retourner complètement le sens de cet espace autrefois béni des citadins!

L’histoire – que vous connaissez sans doute – commence en fait vers le 12è siècle, quand apparaît le mot ‘ban’ qui définit une décision ou un ordre proclamés par un suzerain (le gouvernant local, quel que soit son titre). Avant d’être écrits et affichés en mairie comme faire-part de mariage (mais pas que, théoriquement), les bans sont donc des annonces par lesquelles le châtelain, par exemple, affirme son pouvoir non seulement sur la cité mais aussi sur une zone périphérique équivalente à une lieue (1), ce qui devient de fait la zone qu’on va appeler…’ban-lieue’! Les gens de la banlieue sont alors soumis à un certain nombre de contributions (en nature, en général) et concernés par d’éventuelles levées de troupes si besoin. Pas besoin à l’époque d’envoyer des forces de l’ordre dans les banlieues, c’était plutôt le contraire…

Or, quand les gens de la ville ne sont pas contents, ou coupables de quelque chose, on les envoie faire un tour en ban-lieue (puis au-delà), donc on les ban-nit, le verbe formé sur exactement la même racine…Pour les fêtes, au contraire, on peut inviter voire convoquer les villageois à venir ‘en ville’, on fait donc venir ‘le ban’ (les gens de la banlieue) et même ceux qui sont plus loin, ‘l’arrière-ban’ (2). Et comme tout le monde trouve normal d’être assujetti (donc protégé par le seigneur, le cas échéant!) à une décision de ban, cela devient forcément régulier et normal, donc on va dire…ban-al! 

Et donc, pendant plusieurs siècles, la banlieue ne bouge pas beaucoup (géographiquement), jusqu’à ce que le 19è siècle industriel attire les paysans et fasse exploser la démographie des villes. Par conséquent, autant par obligation que par choix (l’atmosphère campagnarde), les banlieues, qui ne sont encore que de vastes terrains agricoles, attirent de plus en plus ceux qui veulent profiter de la proximité de la ville sans en avoir les inconvénients. 

C’est ainsi qu’en banlieue, on peut construire des pavillons, tracer des jardins et planter des potagers, bref c’est encore une ville à la campagne où l’on passe son dimanche tranquille à écouter les oiseaux, pour le plus grand plaisir du ‘banlieusard’, mot qui n’apparait que dans les années 1930 pour désigner – malgré un suffixe qui deviendra rapidement péjoratif – ceux qui ont la chance d’habiter en banlieue! Dans les années 1950 encore, le chansonnier Robert Lamoureux fera fredonner cet air à une France enchantée de reprendre des vitamines grâce aux légumes frais: ‘Banlieue, c’est un petit paradis sur Terre / Banlieue, c’est après Paris ce qu’on a fait de mieux‘.

Mais à peine vingt ans plus tard, on a oublié la banlieue pour ne plus parler que des banlieues; fini, les poireaux frais acheminés sur des charrettes jusqu’aux Portes de Paris; désormais les carottes sont cuites pour la banlieue dont on ne va retenir que l’écho de revendications psalmodiées sur des rythmes de beat-box. Peut-être le rap est-il devenu en quelque sorte le porte-drapeau, pour ne pas dire la ban-nière (3) des cités, mot dont l’étymologie mélange à la fois l’idée de bande (de tissu, pour faire le fanion) et celle du ban (le signal de la présence du souverain)…

Malheureusement, dans la même confusion, notre langue va également décliner l’idée de la bande, non plus l’étoffe découpée mais le groupe agissant, avec une connotation en général peu flatteuse (faire partie d’une bande, passer par la bande, attaquer en bande). Le pire étant que cette bande va donner naissance au mot qui définit celui qui en fait partie, un…bandit. Voilà un sous-entendu inconscient qui n’arrange définitivement pas les affaires de la banlieue, y compris étymologiquement!

(1) Une ancienne mesure de distance, variable selon les époques.  Au début, plus proche des 3 kms que des 4 kms généralement admis aujourd’hui, mais ça donne une idée.

(2) D’où l’expression française « convoquer le ban et l’arrière-ban » justement, pour dire qu’on souhaite rassembler le plus possible de participants pour une manifestation (familiale, civile ou professionnelle).

(3) Littéralement: ‘le drapeau du ban’ (= d’un groupe, quel qu’il soit).


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Un commentaire au sujet de Banlieue(s)!

  1. Merci pour cet article passionnant et comme toujours avec un brin d’humour et ce malgré les circonstances actuelles… D’ailleurs, en néerlandais « in de ban zijn » signifie  » être captivé, être sous le charme »… Amusant, non?

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