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Canteleu (76)

…de la France de ces dernières semaines, la résidence de Cantiliens découvrant que leur commune de l’agglomération rouennaise était devenue la plaque-tournante régionale du trafic de drogue, sous la houlette d’élus rapidement appréhendés (et relâchés). L’important ici est de remonter à la racine non pas de plants suspects mais du nom d’un endroit au sujet duquel beaucoup de lecteurs se sont posé des questions et d’autres, plus sensibles aux patois régionaux, pas du tout… 

Si vous êtes né(e.s, comme on écrit aujourd’hui) « dans les territoires »  (comme on dit à l’Elysée), que vous soyez picard, normand, auvergnat, vendéen, provençal ou gascon, vous avez tout de suite compris que le site où s’est implanté le tout-premier hameau de Canteleu était le coin favori d’une meute de loups qui venaient y hurler.

Cante-leu est en effet une forme ancienne (et multiple) de ‘chante-loup’; le verbe, qui s’est enrichi d’une initiale chuintante dans les milieux académiques pour faire ‘chanter’, chanteur, chanson, etc…vient en fait d’une forme latine de ‘cantare’ (« volare, oh, oh… ») qui veut bien dire non seulement vocaliser le plus harmonieusement possible, mais aussi faire du bruit – quel qu’il soit – avec sa gorge, ce qui permet de qualifier un certain nombre de gens qui s’approchent des micros (faites vos jeux) ainsi que n’importe quels cris d’animaux! 

Nos ancêtres ayant non seulement « les cheveux longs mais également les idées…larges (1) », voilà qui semble nous propulser au-devant de la scène linguistique tout ce qui aboie, brame, caquète, piaille ou grogne, au même titre que le moindre trille de la Callas…D’où le fait que ce verbe chanter ou canter soit si souvent utilisé pour pointer du nez puis baptiser un lieu où se manifestent certains sons plus ou moins gracieux.

A part les anges (comme on dit à Noël), il y a donc forcément de nombreuses bestioles qui ont entonné dans nos campagnes ces refrains mélodieux, à commencer par des loups : car, comme on disait aussi ‘leu’ au Moyen-Age, le mot a donné son nom à la fameuse marche du loup-à-la-suite-du-loup donc ‘à la queue leu leu’, d’où ce Canteleu (ou Cantalou, plus au sud) mais aussi des Canteloube/Cantaloube, avec un ‘b’ qui comme souvent est la prononciation d’un ‘v’, ce qui nous permet de préciser que cette fois c’est la maman des louveteaux (la louve) qui venait s’égosiller dans la clairière.

Entre deux hurlements, on pouvait également entendre chanter les grillons, ce qui a donné les Cantegril (dans le Nord) et les Cantagreil (en Roussillon), à ne pas confondre malgré la proximité du son avec les Cantegrit ou les Cantecrit (avec un ’t’ final) qui renvoient, eux, vers un mot d’ancien-gascon qui désignait une grosse pierre ou un moëllon sous le terme ‘canta’ (2).

Circulent encore par-ci par-là un certain nombre d’oiseaux, là ou Cantemerle (Chantemerle), Chantepie ou Chantecaille – sans commentaire – mais aussi Cantaduc, là où hulule le hibou (grand duc ou pas), peut-être perché au-dessus d’une mare où croassent des grenouilles et donc appelée Cantareine (du latin raina, celle qui donnera reinette plus tard).

Restent encore quelque part les Chantefoin, au sujet de…la fouine, alors que les moins heureux des paysans habiteront un Cantecocu qui n’a pourtant rien d’infamant puisque c’est là où chante le…coucou, même si les humains, eux aussi, peuvent participer à ce concert de surnoms: on trouve en effet des Chantebeau ou Chantebel (ceux qui chantent bien), des Chantagut pour les…aigus, ou des Chantemesse pour les préposés aux choeurs pendant l’office, généralement des…chantres.

Alors, si un jour vous passez en Seine-Maritime, n’oubliez pas d’aller caresser la statue du fou chantant (pardon, du loup) dressé à l’entrée de Canteleu, et de (re)lire quelques pages d’un gars habitant le coin et qui en a chanté les louanges, un certain Gustave Flaubert. Encore un qui hurlait avec loups, en tous cas étymologiquement.

  1. ‘Cheveux longs et idées courtes’ Johnny Halliday, 1966, en réplique à une chanson d’Antoine.
  2. Alors que le Cantal (département) n’est ni un district de chanteurs ni un pays de pierres (encore que) mais un ‘sommet arrondi’, d’après une racine celte ‘kanta’ qui désignerait le sommet local (Plomb du Cantal). Haououou…

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