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Castor

Cela n’a l’air de rien, mais l’histoire d’un pays va peut-être basculer, car on apprend qu’une sénatrice canadienne a proposé de remplacer l’animal emblématique actuel du pays, le castor, par l’ours polaire. Je sais, çà ne va pas bouleverser votre sommeil cette semaine , mais imaginez la Une des journaux français en apprenant que le coq gaulois va devenir une marmotte ou un moineau…

La sénatrice Nicole Eaton a fait remarquer que « les symboles d’un peuple ne sont pas perennes et peuvent changer à travers l’Histoire , afin de refléter l’esprit de la nation et le caractère de sa population ». Selon elle, le castor n’est qu’un « rat aux dents anormales », alors qu’il convient de sauver l’ours blanc dont l’espèce est menacée. Soit. Mais au fait, quel est «l’esprit» d’une nation dont le caractère est représenté par un animal comme le castor, dont la présence symbolique remonte au 17è siècle, avec la traite des fourrures par les colons français?

Le castor n’est pas le plus mal loti de la Création: il est très bon nageur (il peut rester 15 mn en apnée si besoin); polygame, il entretient à la fois deux ou trois femelles; et c’est l’un des meilleurs constructeurs de châlets connus, allant même jusqu’à donner son nom à un mouvement de Bâtisseurs. Etymologiquement, il n’a rien à voir avec le verbe castrer (ce qui tomberait plutôt mal, au vu d’une queue plate imposante) mais avec l’idée de construire, justement, d’après un «castoreum» que l’on doit aux romains. D’ailleurs, dans l’histoire, Castor deviendra un nom ‘propre’, qui devra sa notoriété à plusieurs religieux du 5è siècle après JC, comme St Castor (nom d’une église de Coblence, en Allemagne), que l’on retrouve également dans le sud de la France (l’hôpital d’Apt -Vaucluse- s’appelle St Castor). Le nom également devenu prénom va tomber en désuétude, pour ne pas dire plus, au moment du schisme religieux: l’Eglise interdisant alors de baptiser les catholiques d’un nom d’animal (sans âme, par définition), le terme va être désormais réservé aux familles…protestantes!

En fait, le nom originel du Manaudou des rivières n’est pas ‘castor’ mais ‘bièvre’, d’après un autre mot latin qui est ‘beber’. C’est cette racine-là qui va donner leur nom à un certain nombre de lieux (français) où l’on trouvait des castors (il y a quelques siècles), en se transformant en ‘bièvre’ (le bièvre est encore le nom du castor dans certaines provinces). On trouve donc un Bièvres dans l’Ain, du côté de Laon; un autre dans les Ardennes, entre Sedan et Montmédy; une rivère la Bièvre, qui se jette dans la Loire à quelques kilomètres en aval de Blois; et enfin la Bièvre des Yvelines, qui descend de l’étang de St Quentin, que l’on retrouvera dans la rue de Bièvre parisienne, dans laquelle habita longtemps un célèbre castor de la république qui fit construire la Pyramide du Louvre et la Grande Arche de la Défense…

Le plus vieux (pardon, ancien) castor connu ne vient pas de la préhistoire mais de l’Antiquité: Zeus, qui convoitait une mortelle nommée Léda, se déguisa en cygne pour la féconder, et de cette union naquirent les Dioscures, des jumeaux (les Gémeaux, c’est eux!) baptisés en fait Castor et Pollux, personnages que l’on retrouvera plus tard aussi bien dans les chansons de Georges Brassens que dans les manèges enchantés de la télévision française.

Même s’il semble coller un peu moins avec notre tradition , savez-vous que le castor a donné une famille de mots dans l’ancien-français? Chez les architectes, le verbe castoriser signifiait construire sur pilotis (on comprend pourquoi). Dans un autre domaine, au 17è siècle, un demi-castor, c’était un chapeau mi-feutre mi-laine qui imitait le poil de la bête, tout comme la castorette sera plus tard une pièce de fourrure prisée. Manque de chance, à cause du goût de certaines femmes pour cette peau de castor, le mot va rapidement symboliser ce que l’on appelait une demi-mondaine, puis une cocotte, et finalement une prostituée. La pauvre bête ne va pas davantage avoir de chance avec le 20è siècle naissant: dans le milieu de la police (qui a toujours une imagination assez directe), le castor désignera un homosexuel actif; dans la marine, c’est le surnom qu’on donnera au jeune matelot qui fait son apprentissage (sous-entendu sexuel) à bord.

Finalement, la feuille d’érable, Mme la sénatrice, ce n’est peut-être pas plus mal? Tant que çà n’est pas une feuille de vigne…


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Un commentaire au sujet de Castor

  1. bonjour, je suis une fidèle ex auditrice de vos émissions; quel dommage que vous ne continuez pas. nous vous lisons réguliièrement avec toute ma famille et on est toujours scotché par votre humour et les relations que vous faires entre les mots; c’est un bonheur quotidien; continuez et merci
    Marie-Hélène, de Nice

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