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Manouchian (Missak)

…ce sont toujours des étrangers qui les commandent ». Tel était le texte délicat (et étrangement tenu pour toujours actuel par certains) que les nazis avaient imprimé au verso d’un tract qui reproduisait « l’Affiche rouge » (couleur ‘communiste’). 

Sur la sinistre parodie de document de cinéma étaient répertoriés et illustrés les portraits et présumées actions criminelles de dix résistants français menés par le ‘chef de bande’ d’origine arménienne auquel on reprochait pas moins de 56 attentats, 150 morts et 600 blessés, ce qui vaudra à cet ouvrier et poète immigré d’être fusillé en février 1944 au fort du Mont-Valérien (92150 Suresnes, région parisienne).

Le très accueillant réceptionniste et néanmoins président de la République Française souhaite – à juste titre – honorer la mémoire de ce grand résistant et de sa femme en proposant de les faire entrer au Panthéon (1), ouvrant à nouveau les portes de l’auguste temple à la suite de Joséphine Baker, Simone et Antoine Veil, Germaine Tillon et Geneviève de Gaulle-Antonioz. (Belle moisson de mandature!)

Celui qui signait de son nom francisé Michel Manouchian se prénommait en fait Missak (l’équivalent du prénom français); quant à son patronyme proprement dit, il est caractéristique des nombreux membres de la diaspora arménienne heureusement arrivée dans notre pays pour que nous puissions jouir des talents de Shannourh Aznavourian (2), Achod Malakian, Levon Torassian, Sylvie Vartanian (après un petit détour géographique), André Agassian, Edouard Baadourian (idem), sans oublier ceux qui ont gardé l’orthographe initiale comme André Manoukian, Daniel Bilalian ou…Patrick Devedjian. Entre autres. 

Facile donc de deviner que la terminaison systématique ‘-ian’ exprime l’appartenance à une famille, historiquement au sens de clan mais désormais synonyme de descendant(e) d’une lignée. Missak Manouchian (parfois écrit Manoukian), mais également sa femme Mélinée, elle-même résistante, portent un nom d’état, en tous cas de la caractéristique physique d’un ancêtre qui était ‘petit’, soit ‘manoug’ en achkharapar (l’arménien dit occidental et aujourd’hui majoritaire). Après ‘assèchement’ de la lettre ‘g’ devenue ‘k’ (3), les ‘manoug-ian’ ont été désignés puis répertoriés sous le nom en question.

Reste à savoir – et les Arméniens eux-mêmes sont partagés à ce sujet – s’il s’agissait s’un surnom de gens réellement petits (en taille, comme les Petit, Lepetit en français, les Le Bihan en breton, les Klein en germain) ou simplement des ’fils de’, forcément plus petits (c’est-à-dire plus jeunes) que leur père.

Un mot pour terminer sur cette ‘Affiche rouge’ composée comme une annonce de film dont les acteurs voient leur tête mise en avant (et à prix), l’ensemble des vignettes noir et blanc formant  un…triangle avec pointe vers le bas suggérant la judéité de 7 des participants (polonais, hongrois), plus un Espagnol et un Italien (communistes), ainsi que notre chef arménien. 

En 1976, cette affiche est devenue une réalité cinématographique cette fois sous la direction du cinéaste Frank Cassenti (4). Au générique de ce film interprété brillamment par les premiers rôles Pierre Clémenti et Anicée Alvina, figuraient le nom d’une des co-scénaristes nommée…Michèle Mercier (oui, ‘Angélique’, très impliquée dans le sujet) et celui d’une jeune costumière chargée de trouver tous les uniformes appelée…Josiane Balasko. Vraiment une belle affiche! 

(1) Pan-théon en grec, c’est le bâtiment (sacré) où l’on honore tous (Pan-) les dieux (-théon); à prendre ici au sens de grandes personnalités.

(2) Voir sa chronique dans les archives en tapant son nom dans le champ de recherche; vous y trouverez également tous les autres mots cités dans le paragraphe.

(3) ‘G’ et ‘K’ sont les mêmes consonnes, hormis la vibration de la gorge, mais rien ne bouge côté lèvres ou mâchoires (je suis sûr que vous allez essayer…)

(4) Prix Jean-Vigo. A voir sur toutes les plates-formes si vous ne connaissez pas.


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