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Finkielkraut (Alain)

L’événement littéraire de la semaine passe par une histoire de jardin philosophique, dont l’un des promeneurs a provoqué un début de polémique dans le petit monde parisien et intellectuel (les deux n’étant pas systématiques). En clair: par son élection à l’Académie Française, l’essayiste Alain Finkielkraut perturbe, par sa liberté de parole, quelques certitudes socio-politiques; et aussi quelques lecteurs de ce blog, qui m’ont dit avoir toujours été intrigués par ce nom rugueux et apparemment très complexe.

De façon assez évidente (et confirmée par ses nombreuses déclarations à ce sujet), le patronyme d’Alain est d’origine juive, ce qui, pour ne pas être une nationalité, témoigne en fait de l’implantation de ses ancêtres dans un pays ‘de l’Est’, en l’occurrence la Pologne, ce qui permet de préciser la nature de cette racine, ‘juive ashkénaze'(*). Finkielkraut (également sous la forme, plus simple, de Finkelkraut) compte donc deux racines, pour ne pas dire deux mots faciles à analyse: finkel + kraut, pas compliqué à comprendre. Le sens de ces deux éléments est relativement certain.

Il s’agit très probablement d’un surnom, car l’une des nombreuses façons qu’avaient nos ancêtres pour désigner leurs semblables (ou leur voisins, ou leurs ennemis, c’est comme vous voulez) consistait, entre autres, à utiliser un détail de leur physique, de leur comportement ou de leur caractère, et c’est le cas des Finkelkraut, en comparaison avec un animal, très précisément un oiseau. Car ‘finkel’ (ou fink) désignait, en germain, un…pinson; ce qui fait de tous les Fink, Finkel et noms composés les descendants de gens notoirement ‘gais comme des pinsons’, enjoués, rieurs ou bons chanteurs (mais ceux-là, on les appellera plutôt les Rossignol. Si, si!).

Le nom simple de Fink n’est d’ailleurs pas ‘que’ polonais ou allemand, puisqu’il existe encore actuellement en Alsace (devenue ‘française’) sous cette même forme; pendant que l’Allemagne compte des Finkelmann (l’homme aux pinsons), surnom d’un oiseleur, aussi sous la forme Finkler; sans oublier les Finkelhauss (la maison -hauss, comme house en anglais- du pinson, comprendre du chanteur ou du chasseur d’oiseaux?), et l’énigmatique Finkelstein, littéralement ‘la pierre -le rocher sur lequel étaient bâtie la maison?- de Finkel).

En ce qui concerne spécifiquement ce dernier nom, signalons au passage que certains étymologistes rapprochent le ‘fink’ de Finkelstein d’un possible Funkelstein (non, pas Frankenstein) d’après le mot allemand ‘funk’ qui désigne une étincelle; le funk-el-stein devenant alors ‘la pierre qui étincelle’, autrement dit le synonyme de pierre précieuse, peut-être un diamant, le problème étant alors de légitimer la présence réelle des gemmes en question dans la région (ça se saurait)…

Nous reste alors la seconde partie du nom, ‘kraut’, autre mot allemand qui renvoie à une plante, ou une herbe, et particulièrement à un…chou. C’est effectivement la syllabe que l’on retrouve dans la ‘sauer-kraut’, le chou-sûr (mais non, pas la chaussure) dont l’adjectif ‘sûr’ signifie non pas certain mais ‘saur’, comme le hareng! On est donc en présence de ce plat alsacien de chou-saumuré, qui a évidemment donné en français la chou-croute, qui n’a rien à voir avec la croûte d’un chou mais avec la transcription phonétique transparente du ‘kraut’ allemand.

La question maintenant est d’accorder les deux termes, qu’il ne faut sans doute pas prendre au pied de la racine (du chou), car on ne voit pas bien ce que viendrait faire là un pinson, dont ce n’est pas précisément la nourriture favorite. Il faut peut-être imaginer imaginer un site où les oiseaux en question venaient se fournir en brindilles pour leur nid, ou picorer dans une céréale plantée et dont ils étaient particulièrement friands…Voilà une bonne piste de réflexion pour l’Académie, cette institution bien ‘Française’ qui doit pourtant son nom à la Grèce et sa renommée à l’Italie.

En effet, même si l’on attribue au Cardinal de Richelieu la ‘création’ (en fait, le protectorat, car l’assemblée des ‘académistes’ existait avant qu’il ne récupère l’affaire), la toute première Académie doit son nom à un certain Akadémos, héros grec aux faits d’armes assez obscur mais dont le grand mérite était de posséder un jardin en plein Athènes. De fait, l’endroit prit le nom de son propriétaire (heureusement, il ne s’appelait pas Tuilerie ou Luxembourg), et accueillit, à une époque, une petite troupe d’élèves qui déambulait dans ses allées, sous la houlette du philosophe Platon, dont la pédagogie prit alors la majuscule pour en faire une école.

Après quelques siècles de balade, le mot se répand en Europe de l’Ouest au 15è siècle grâce aux ‘Académies Florentines’, véritables écoles d’Arts (de peinture, surtout), dont le niveau d’études et la renommée leur donnent alors le sens d’Ecole Supérieure, qui s’appliquera deux siècles après à la Maison du Quai Conti parisienne. Paradoxalement, à la même époque, le langage commun récupèrera -temporairement- le terme de ‘maison académique’ pour qualifier des…tripots et autres lieux de perdition!

Quant aux académies (avec une minuscule) de l’Education Nationale, qui voient à chaque période de vacances le jeu de chaises musicales des différentes régions françaises, on les doit à un décret de Napoléon 1er, qui souhaitait donner à l’autorité enseignante les qualités…académiques de l’école philosophique de Platon (toujours modeste, Napo), ce qui fait que l’adjectif a progressivement pris le sens de rigoureux, exact, correct, pour qualifier votre orthographe ou votre style de rédaction par exemple. Vu la qualité de sa production, voilà qui va rendre notre Alain gai comme un pinson, ce qui explique peut-être que son élection ait provoqué tant de ‘tweets’ (des gazouillis)!

(*) au contraire -ou plutôt à l’opposé- des ‘séfarades’, d’origine plus (moyen-) orientale, voire nord-africaine. Il est bien question ici de zones géographiques et non pas de nations.


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6 commentaires au sujet de Finkielkraut (Alain)

  1. Hello

    Perso, je rapprocherais plutôt fink, de vink ou wink, le traffic, le marchand, la boutique. Ça en fait un marchand de choux. C’est moins romantique que le pinson, mais c’est plus compréhensible. D’autant plus que les patronymes liés à des professions sont communs entre le Rhin et l’Elbe.

    Finkelmann deviendrait donc juste le marchand, Finkelstein, le marchand de pierre, etc.

    Enfin bon, je ne suis pas spécialiste. C’est juste une idée comme ça.

  2. Bonjour et merci d’avoir lu ce sujet aussi attentivement.
    Merci également d’apporter une contribution tout à fait plausible à cette étymologie. C’est l’objectif de ce site de susciter la participation -même et peut-être surtout ‘non spécialiste’ – pour faire participer tout le monde aux principes de bases de cette ‘science’.

    Votre hypothèse est tout à fait plausible car…logique. Le problème, c’est que tous les documents parlant de Winkel, Winkler, Fink, Finkel, etc attestent un rapport avec l’oiseau en question. Mais cette explication, avec la présence du ‘kraut’ m’a toujours semblé un peu ‘forcée » (ça arrive souvent dans ce domaine).

    Je n’avais pas mentionné -pour ne pas être indigeste- l’hypothèse d’un « wink » (le coin, en vieux haut-allemand) sur lequel certains ont construit le nom d’un (sous-entendu) agriculteur qui plantait ses choux dans un terrain en forme de coin, justement! (Ce serait alors l’équivalent de certains Anglade ou…Cantona français). Discutable également.

    Merci en tout cas de votre idée ‘juste comme ça’. Peut-être aurons-nous à la suite d’autres suggestions.

    Cordialement,

  3. en allemand l’adjectif précède le substantif
    dans un nom composé le deuxième mot est le mot de base
    beckenbauer signifie le paysan du bassin
    steinhaeuser les maisons en pierre
    ce serait donc le chou du pinson

  4. Si l’hypothèse fink = pinson est la bonne, il y a ironie et/ou matière à réflexion dans le fait que lorsqu’il parle des animaux, Alain Finkielkraut explique que le regard fixe des oiseaux le terrifie parce qu’ils n’ont pas de cils et ne battent pas des yeux… Oups! Un conflit avec les racines de son propre nom n’est jamais bon pour la santé. Il se trouve aussi qu’en anglais « cligner des yeux » se dit « to wink » ou « to blink » et que les racines proto-germaniques de ce « wink » s’apparentent au « wink » du premier commentaire ci-dessus qui se rapporte à la boutique et au commerce, mouvement de va et vient (oscillation) de marchandises.
    Reste à apparier le chou de « kraut » avec l’oscillation de « finkiel ». Une oscillation liée au chou vient en tête avec l’expression « ménager la chèvre et le chou » qui exprime assez bien l’ambiguïté de certaines prises de position du philosophe au sujet des animaux… voir p.ex. https://www.franceculture.fr/emissions/linvite-des-matins/condition-animale-lamour-vache-par-alain-finkielkraut.
    Le dernier mot de ce petit jeu revient toutefois à Goethe : « Un nom n’est que bruit et fumée ».

  5. Oublions les divagations sur les choux, les pinçons et autres boutiques…

    Je vous conseille le dictionnaire de Jakob et Wilhelm Grimm (les fameux Frères Grimm connus en France pour leurs contes), qui comporte des acceptions anciennes, locales, argotiques.

    http://woerterbuchnetz.de/cgi-bin/WBNetz/wbgui_py?sigle=DWB&mode=Gliederung&hitlist=&patternlist=&lemid=GF11902#XGF11902

    – Das Kraut, tout d’abord,désigne généralement en allemand, les plantes potagères (dont le chou) ou les herbes aromatiques, mais aussi plus rarement une plante comme la ronce. « Der Dornenbusch ist ein trockenes Kraut am Rand der Wüste » : « La ronce – littéralement le buisson d’épines- est une plante sèche au bord du désert » lit-on dans un texte d’exégèse biblique.

    – Funkel/Finkel : ce terme peut englober les sens de « clarté », « brillance » et même de « brûlure ».

    Alors, ein « Finkelkraut », un buisson qui brûle en répandant sa clarté, cela ne vous rappelle rien? Cela décrit parfaitement le « Brennende Dornenbusch », le « Buisson ardent » de la Bible dans lequel Dieu se nomma à Moïse : « Je suis celui qui est et sera »…

    Quand les Juifs de l’Empire austro-hongrois eurent l’obligation de prendre des patronymes germaniques, il y en eut plus d’un qui choisit un nom à l’air anodin ou énigmatique qui, en vérité, exprimait magistralement son identité.

  6. Quand les Juifs de l’Empire austro-hongrois ou de Pologne prussienne eurent l’obligation de prendre un patronyme, il arriva quelquefois que celui-ci soit attribué par un officiel ayant peu de sympathie pour les Juifs : d’où parfois des noms ridicules, comme, je crois, Zuckertort (tarte au sucre) ou Zuckerberg (montagne de sucre). Fink, Finck « pinson » est un nom allemand pas particulièrement juif, mais Finkiel (même sens) est juif. D’où le nom ridiculisant Finkiel-Chou ou Chou-Finkiel.
    Je dois dire que ce n’est qu’une hypothèse…

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