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Province(s)

« Je viens d’apprendre avec surprise, m’écrit un internaute, que le mot Province signifierait ‘pays vaincu’. Qu’en est-il exactement? »
C’est vrai! On ne peut pas faire plus logique ni plus symbolique de l’étymologie, je saisis donc l’occasion pour apporter quelques précisions et commentaires complémentaires à cette définition laconique transmise par notre lecteur inquiet de voir ce mot déjà souvent ironique subir l’infâmie de la défaite.

Car il faut bien dire que la province souffre déjà d’un petit sous-entendu péjoratif assez désagréable: « Ah, tu es en province? » m’a dit l’autre jour un collègue parisien (bien sûr!). « Non, ai-je répondu, je suis en région. » Eh bien, le croiriez-vous, les responsables de cette morgue anti-décentralisation sont principalement au nombre de trois: un empereur romain, un pape italien et une femme de lettres française, auxquels nous allons faire voir du pays tout de suite.

Etymologiquement, notre internaute a raison, le mot est de formation latine, pro-vincia, et on le doit à un général romain au service de l’Empereur Auguste. Nous sommes au premier siècle avant JC, et les vélléités de conquête des locataires du Capitole lancent les armées ‘italiennes’ (pour bien visualiser) vers la Gaule. Première évidence: ils ne vont pas (encore) se geler les sandales dans les Alpes, ils entrent donc directement par la Côte d’Azur et tombent sur une grande région (‘la Narbonnaise’), dont ils occupent puis pacifient une partie (1). Vu de Rome, cet espace, qui se trouve devant (‘pro-‘ en latin) leur frontière et qui est vaincu (verbe ‘vincere’), devient donc une pro-vince (2)! La preuve, c’est qu’on l’appellera plus tard la « provence »(v.f) ou la « proençà, proensa » (v.o occitane).

Evidemment, d’autres régions vont subir le même sort (linguistique, au moins) et devenir des provinces, des territoires conquis et surtout administrés par la puissance romaine, ce qui commence à accréditer le sens de «endroit situé loin d’un pouvoir central »…Quatre ou cinq siècles plus tard, l’Empire est parti en eau de boudin mais une autre puissance a besoin de se structurer, et elle s’appelle l’Eglise (romaine, toujours!). Le pape du moment reprend donc l’idée de ces ‘circonscriptions’ bien pratiques et déjà définies pour la plupart, donc habituées à payer l’impôt et à obéir aux ordres. Voilà qui n’arrange pas l’autonomie ni l’image des provinces.

C’est au milieu du 17è siècle qu’intervient la ‘catastrophe’ franco-française, à cause d’une certaine Marie de Rabutin-Chantal, plus connue sous son nom de scène comme La Marquise de Sévigné. La dame n’est pourtant « pas parisienne, çà la gêne, çà la gêne » comme le chantera Marie-Paule Belle, mais « elle a une obsession, c’est… » la littérature. Enfin, disons l’écriture. Et cette mère judéo-épistolaire va inonder sa pauvre fille de lettres où elle dépeindra la vie de…province comme le dernier endroit à fréquenter, si tant est qu’il y eût jamais matière à ce sujet. Deux siècles plus tard, un certain Honoré de Balzac dépeindra, lui aussi, des « Scènes de la Vie de Province » pas forcément très attractives,vu le profil de certains personnages qui jouent dans cette Comédie Humaine.

Voilà pourquoi, chère Madame, votre fille est provinciale (et pas mieux servie avec l’adjectif en relation!), l’apothéose arrivant (de la province) avec cette bretonne en sabots, robe verte et coiffe blanche, rapidement surnommée…Bécassine, c’est dire! Côté masculin, c’est pas mal non plus; comme les bretons venaient souvent d’un village (‘plou’ en breton), on en a vite fait des…ploucs, et ce n’est pas le seul exemple. Et voilà comment on en arrive, plus ou moins directement, à des répliques provinciales faisant des habitants de la capitale des « têtes de chiens » ou des « têtes de veau », boulevard convivial vers de sympathiques affrontements post-match OM-PSG, par exemple…

Les deux seules qui s’en tirent assez bien avec l’idée de province sont une région et une ville: La région se trouve dans le dernier endroit où l’on parle (bien) français, à savoir le Québec; il s’agit donc de « La Belle Province ».

La ville est Provins (prononcez provin, justement!), laquelle, bien que située en Seine et Marne, n’a rien d’une province aux portes de Paris; elle doit son nom, semble-t-il, au mot de vieux-français le provain, qui désigne une jeune pousse (un regain?) de vigne, plantation ancestrale apportée par les Romains. Dernière preuve étymologique: ses habitants sont des provinois et non des provinciaux!

(1) pardon aux historiens pour ce résumé sacrilège…

(2) Ca, c’est l’idée -fausse- que l’on en a généralement, mais les premières ‘provincias’ étaient en fait des territoires « liés » à un pouvoir central, celui de l’Empire romain ou, plus tard, du Vatican (l’Eglise). Voir les justes commentaires de nos lecteurs!


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3 commentaires au sujet de Province(s)

  1. Il semble qu’il y ait discordance sur l’étymologie: d’après wikipedia et wiktionary:
    Le préfixe est clairement pro-. Le radical n’est pas vincere (« vaincre ») mais vincire (« lier ») que l’on retrouve dans vinculum (« lien »).

  2. Contrairement à ce qui est affirmé , c’est bien le mot latin « vincire » et non « vincere » qui traduit le plus fidèlement le mot « PROVINCE » qui vient du latin PROVINCIA ce qui signifie « pour lier » connotation non péjorative et qui démontre au contraire toute la positivité de cette appellation de ces territoires harmonieux qui partagent toujours une identité propre à l’unité de leur territoire : habitat , architecture , histoire , moeurs , langages et gastronomie propres à chacune d’elles . Nos PROVINCES sont immortelles et les couteaux des bouchers Jacobins qui ont tenté de les dépecer (et qui continuent à créer des espaces administratifs ubuesques (telle la Nouvelle-Aquitaine) ne sont pas parvenus à les éradiquer !

  3. https://www.littre.org/definition/province
    Prov. proensa, prohensa ; espagn. et ital. provincia ; du lat. provincia, de provincere, vaincre précédemment, de pro, et vincere, vaincre.

    On comprend aisément pourquoi la version faisant remonter l’origine du mot à « vincire » et non « vincere » est plus politiquement correcte depuis quelques temps car elle est moins polémique et plus soft … n’empêche que les provinces sont bien des territoires conquis, donc vaincus, et situés hors de Rome.

    On note le même phénomène avec le mot « travail » qui ne viendrait tout à coup plus du mot latin « tripalium », en dépit du fait que « travailler quelqu’un » signifie toujours « torturer quelqu’un » … et cette nouvelle interprétation lui ôterai sont caractère de pénibilité le rendant plus « libéral compatible ».
    Le principe de la novlangue étant d’adoucir les mots et de changer leur signification profonde afin d’empêcher de penser des concepts.

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