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…et le premier féminin en France (après quinze autres masculins, quand même). Comme assez souvent, le ou la lauréat(e) d’un prix international est une découverte pour beaucoup (1), que ce soit une récompense académique ou artistique (vous êtes capable de citer l’un des cinq dernières Palmes d’or du Festival de Cannes?). Grâce à Annie, on découvre également les Ernaux, dont l’origine linguistique est un peu cachée.

Rien de particulièrement compliqué pourtant dans la racine de ce patronyme ‘bien français’, largement répandu dans la Normandie natale de l’auteure puisqu’elle a vu le jour à Lillebonne, à quelques kilomètres de Tancarville), située à l’époque dans une Seine-Inférieure devenue Maritime par décret en 1955 (2). Impossible pas contre de se rallier à un nom commun dont on aurait transformé ou oublié certaines lettres; par conséquent, pas de ‘cernaux’ (de noix), ni de ‘hernaux/hernie’ pas franchement opportuns, pas même un Hernu (comme Charles, feu le ministre de la Défense de François Mitterand) dont la souche picarde fait allusion à une température de canicule…

On peut néanmoins s’appuyer sur le son de la seconde syllabe (-aux) pour imaginer que Ernaux, Ernault ou Ernaud, les autres versions du mot, sont une variation sonore de…Arnaux, Arnault et donc Arnaud que nous connaissons plus familièrement comme prénom avant d’être aussi un nom de famille, en l’occurrence d’ailleurs celui de son (ex) mari Philippe Ernaux. Il suffit donc de suivre la trace des ‘Arnaud’, ou plutôt le vol puisque la section ‘arn-‘ (ou ern-) est d’origine germanique et fait référence à un aigle.

Tout comme les Arnold, Arnoux et leurs diminutifs Arnaudet ou Arnaudin, il y a dans ce surnom une très ancienne allusion à ce rapace, que l’on identifie souvent à un symbole guerrier appartenant aux tribus d’envahisseurs qui ont déferlé sur l’Europe autour du 5ème siècle, impressionnant les populations locales avec leurs casques, manteaux et autres emblèmes ayant pu utiliser l’image dudit volatile.

Autre hypothèse, probablement moins fréquente mais parfois utilisée pour d’autres animaux (le poil de l’ours, le bec d’un corbeau, les plumes d’un oiseau): le surnom également d’un personne à la vue perçante, voire au visage avec un nez…aquilin, l’adjectif directement formé sur le mot latin de l’aigle.

Bien plus ‘évidente’ est la provenance du nom de jeune fille auquel tient l’écrivaine, soit un Duchesne qu’il suffit de détacher en ‘du-chesne’ puis ‘du-chêne’ pour trouver le premier composé d’une vaste famille formée autour du nom de l’arbre pour différentes raisons (3). De quoi souhaiter à Mme Ernaux de continuer à transmettre du haut de son arbre « le courage et l’acuité clinique avec laquelle elle découvre les racines, les éloignements et les contraintes collectives de la mémoire personnelle » (dixit l’agence suédoise). Si ça, ce n’est pas de la littérature…

(1) C’est l’intérêt d’un prix, entre autres…

(2) Comme l’ex-Loire, la Seine ne peut pas être Inférieure (aux autres!) pas plus que la Corse n’est Basse (mais du Sud) ni les Pyrénées (pas Basses mais Atlantiques), ou les Côtes (d’Armor, pas du Nord, ça fait trop froid) 

(3) Pour la liste complète de la famille linguistique, voir l’article sur Duquesne (Benoit)

…et qui mériterait de figurer dans notre « Série bizarre » (1). En effet, le tout nouveau (co)lauréat du prix Nobel de physique a dû passer des années à épeler et se justifier d’un patronyme qui n’a rien de désobligeant mais qui a tous les…aspects d’un erreur d’enregistrement administratif. Et c’est peut-être le cas, il n’y a pas si longtemps…

Le nom commun ‘aspect’ vient du latin ‘aspicere’ formé, comme le mot français, d’un préfixe (a-) et du verbe ‘spicere’ qui signifie voir; ou plutôt regarder et même regarder fixement ou avec insistance. Le ‘a-‘ initial atténue un peu cette attention soutenue, par contre le même verbe assemblé avec le préfixe ‘per-‘ qui indique une pénétration, va donner per-spicace, ce qui veut bien dire tirer une conclusion après une observation soutenue (un regard transperçant).

‘Aspicere’ en tant que tel, une fois contracté pour faire le mot français (vers le 15è siècle, pas avant) évoque donc le regard que l’on porte sur quelque chose ou quelqu’un, ainsi que l’idée que l’on s’en fait : « cette viande a un aspect bizarre » ou «  le prévenu avait un aspect sale « , etc…constatons au passage que la connotation est souvent péjorative; quel que soit le domaine, la chose ne fait pas envie.

Ce n’est pas du tout le cas des Aspect avec une majuscule (et ce serait d’ailleurs très injuste) car on ne voit pas pourquoi on aurait à un moment désigné quelqu’un par un mot sans qualificatif. En effet, quand on parle d’aspect (l’apparence), impossible de ne pas préciser de quelle nature il s’agit (et nos ancêtres ne s’en privaient pas, le qualificatif étant en général le seul à rester dans le langage courant). 

Il est donc  fort probable que cet Aspect soit une ‘erreur’ (ou volonté, mais ça n’est pas le champ de recherche de l’étymologie) d’après Aspet voire Aspe, c’est-à-dire la région des Pyrénées-Atlantiques, plus précisément la vallée béarnaise éponyme (2). Il n’est pas impossible, comme c’est arrivé dans de nombreuses autres régions, qu’un officier d’Etat-civil (à l’occasion de recensements sous le Second Empire, par exemple) ait pu un jour considérer un ‘Aspois’ comme un ‘Aspé’ tellement peu académique qu’il aurait rectifié son orthographe.

De fait, cet Aspect-là aurait pour origine une creux dans le sol, autant dire une fosse ou une forte dénivellation de terrain, un ‘azpe’ formé sur deux racines d’influence celte (3) qui évoquent une ‘pierre ou un rocher dessous’ ou plus certainement ‘en bas’ d’où l’idée de cavité…D’autres linguistes penchent plutôt vers un rapprochement avec le mot basque (hum…) ‘ezpel’ qui désigne le buis; reste à aller voir dans le village des aïeux si l’arbuste y poussait abondamment.

Autant ne pas descendre trop profond dans cette…racine pour y trouver l’inspiration de notre lauréat sur « l’intrication des photons dans la physique quantique »; tout cela doit sans doute s’expliquer simplement mais a un aspect un peu trop compliqué ici. Même semble-t—il étymologiquement!

(1) Voir les nombreux noms équivoques en recherchant dans l’onglet ‘Références’ puis ‘Toutes les chroniques’ (lettre S)

(2) On sait que la famille d’Alain est arrivée en Lot-et-Garonne dans les années 1930; la réserve de discrétion ne me permet pas de consulter la généalogie familiale de façon plus poussée. 

(3) Les Celtes sont présents dans tout le Sud-Ouest bien avant leurs ‘descendants’ gaulois, puis les Romains.

…car, comme l’ont fait remarquer immédiatement de nombreux médias, le mot est quasiment le même dans toutes les langues, aussi bien en allemand, en anglais, en néerlandais qu’en portugais (!); puis, à une lettre près mais le son reste le même, sabotaj en roumain, sabotaje en espagnol, sabotaggio en italien, sabotàz en polonais, et enfin on revient à sabotage en…russe (1). Bref, chacun reconnaitra (ou pas) le sien, et tout ça grâce au français!

Enfin, plus précisément encore à un patois français (actuel) le picard, une langue d’origine gallo-romaine malgré la forte influence des parlers flamands au fil des siècles dans la région…Et même s’il ne faut pas saboter l’orthographe de l’Académie, le sabotage vient en fait d’un précédent ‘chabotage’, le tout directement creusé -si l’on peut dire- dans un…’sabot’ (ou chabot)! Mais quel rapport peut-il bien y avoir entre des chaussures paysannes en bois et un pipe-line qui bouillonne en libérant du gaz?

Il faut remonter au 12ème siècle pour découvrir qu’un sabot est en fait un dérivé de savate +botte – ou plutôt ‘bot’ – et qu’il même a existé une forme en ‘cabot’ (rien à voir avec votre chien) pour désigner non pas un objet dur taillé dans du bois mais une sorte de savate justement, en tissu ou en feutre et montant assez haut sur le pied (la future pantoufle). En foi de quoi, l’une des théories du sabotage viendrait en fait d’un conflit entre les ouvriers travaillant dans les ateliers de fabrication et leur patron, et qui auraient protesté contre leurs conditions de travail en jetant leurs…sabots dans les métiers à tisser pour les bloquer d’où le nom de l’action.

Une autre hypothèse, toujours revendicatrice, s’appuie sur l’un des tout-premiers sens du verbe saboter (ou chaboter, à l’époque) en picard, qui exprimait le bruit que faisaient les manifestants en tapant avec leur sabots, notion que l’on retrouve dans un parler provençal pour dire secouer ou frapper; et à défaut de casseroles, ça fait quand même plus de vacarme que s’ils avaient fabriqué des baskets…

Au cours du temps, le sabotage va donc évoluer de faire du bruit à détruire quelque chose; pendant une période du 19ème siècle, saboter quelqu’un signifiera même lui faire du mal, avant d’être employé quasi-exclusivement contre une machine ou un dispositif qu’on veut abimer, et un travail ou un projet qu’on veut faire échouer (2).

Le seul sabot qui vaille la peine qu’on s’y arrête fut, un certain temps, la ‘demi-baignoire’ dans laquelle on pouvait se tremper l’arrière-train en repliant les jambes comme si on cherchait à s’asseoir dans un (vrai) sabot, à défaut de baignoire pour s’allonger complètement. Question de place ou volonté esthétique? Franchement, on peut ne pas trouver…ça beau. Même étymologiquement.

(1) Orthographe latine restituée d’après la phonétique cyrillique.

(2) Dans le jargon de certains métiers, le sabot est toujours un mauvais outil ou un instrument mal réglé.