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…sur la Toile. En 2009, l’ex-mannequin-comédien de séries tv-tête d’affiche au cinéma (il a incarné Steve Jobs, dans le biopic éponyme, en 2013) avait franchi la barre du million de ‘followers’ sur Twitter (1). De quoi régler leur compte (twitter) à quelques autres célébrités, y compris étymologiquement.

Les ancêtres (pas si lointains: au milieu du 19ème siècle) sont en effet originaires d’Autriche; leur patronyme est d’ailleurs assez clairement de facture germanique, la formation de Kutcher ou Kutscher venant d’une combinaison ‘kutsch-er’, soit une racine suivie d’un suffixe.

Pour le suffixe, pas de problème, il marque une activité ou un métier, comme les terminaisons ‘-ier’ ou ‘-eur’ en français, du laitier ou facteur, en passant par le charcutier ou le programmeur, parmi des centaines d’autres…La question se pose davantage pour cette racine, dont beaucoup de dictionnaires vont assurent qu’elle a un rapport avec le ‘kutch’, cet outil que les architectes connaissent bien puisqu’il s’agit d’une règle à trois faces dont les graduations permettent de lire directement la conversion des échelles.

L’instrument en question porte le nom de son inventeur…viennois, qui mit au point la chose pour faciliter le travail des ingénieurs des travaux publics et de quelques mathématiciens. Or, l’homme vivait à peine un siècle et demi avant Ashton, ce qui en fait un délai très (trop) court pour avoir pu créer un nom de famille (2), malgré une coïncidence géographique séduisante. 

Car Herr Kutcher se déplaçait peut-être de temps en temps en calèche ou en coche (kutsch), dont le conducteur était forcément le ‘kutscher’, le cocher. L’ancienneté du mot et de sa fonction en fait un candidat bien plus crédible à la création d’un surnom puis d’un nom, surtout si, aujourd’hui, l’acteur conduit son ‘coche rojo’ (comme disent les Espagnols), sa voiture rouge (italienne) sur Hollywood Boulevard.

Mais le prénom du monsieur est également aussi intéressant qu’énigmatique (pour un Français). Outre le fait qu’on puisse pour répondre ‘à vos souhaits’ à chaque fois que vous citez son nom, l’origine d’Ashton est également de source saxonne, puis anglo-saxonne, puis (dite) anglaise; il s’agit tout simplement de la réunion de deux mots assez ‘transparents’, ‘ash+ton’…

La seconde partie ‘-ton’, comme souvent, est une écriture ancienne de ‘town’, la ville ou le village, parfois le lieu en général, en tous cas un endroit significatif de quelque chose. Le monosyllabe ‘ash’ représente ici la caractéristique végétale de cet endroit particulier, le frêne. Ashton est donc le surnom de gens qui auraient habité près d’un bois de frênes, dans une maison ou un hameau signalé par ce type d’arbres.

En français, nous avons conservé sa..racine latine, soit ‘fraxinus’, pour qualifier ceux qui deviendront progressivement les Frayssin, Frayssinet, Frèche ou Frichou. Nos voisins immédiats de Méditerranée suivront la même règle, avec le ‘fresno’ espagnol, le ‘frassino’ italien ou le ‘freixo’ portugais.

Côté pays nordiques, on revient vers le son ‘ash’, soit ‘esche’ en allemand, ‘es’ en flamand et ‘ask’ en norvégien. Et c’est même ce dernier son que l’on retrouve dans le nord de la France (actuelle) avec le nom des communes de Villeneuve…d’Ascq ou d’Acheville (arrondissement de Lens)!

Certains d’entre vous (se) diront sans doute que ‘ash’, en anglais, cela signifie en fait la cendre, et qu’il n’y a pas trop de rapport avec le ‘ash-tree’ qui définit le frêne. Eh bien si! L’arbre a été en quelque sorte surnommé ainsi car cette grande pousse a en fait une écorce lisse et grisâtre qui se craquèle au fil du temps avec des petites marques de points noirs, ce qui rappelait à nos Anciens l’image de la cendre sous les dernières braises froides! 

Remarquez bien qu’à l’origine (mythologique) du frêne, les braises devaient être bien rouges, car les Grecs prétendaient que l’arbre avait poussé sur les éclaboussures du sang…des parties génitales que Chronos (le Temps) venait de couper à Ouranos (le Ciel) au moment de la lutte des Dieux lors de la création du monde; par la suite, le frêne restera pendant longtemps dans l’(es) histoire(s) comme le symbole de la violence des humains… Entre-temps, pour conduire leurs chevaux, les ‘kutcher’ se sont heureusement calmés.

  1. Fréquentation de croisière aujourd’hui à environ dix-huit millions de ’suiveurs sur le réseau qui gazouille’ (en français).
  2. Sauf exception, on considère que la majorité des patronymes sont déjà formés à la sortie du Moyen-Age; dans le répertoire germanique, on doit même souvent remonter aux premiers siècles de notre ère. 

…mais il faut peut-être se demander si ce qui est acceptable dans le langage privé l’est aussi dans la sphère publique…Après un très inaugural « Casse-toi, pauvre con! » présidentiel (Sarkozy, 2008), voici un « bordel » ministériel (Darmanin, 2020) qui ne retiendra sans doute pas d’autres (con?)citoyens de suivre l’exemple.

Quel émoi pour ce petit mot qui revient, sinon à la mode, du moins dans quasiment tous les commentaires de journalistes qui se délectent de pouvoir se le mettre en bouche avec l’alibi de l’information. Ah, que ce bordel est beau quand il est dit sous l’excuse suprême de la ‘citation’. On aura eu le mot de Cambronne; peut-être celui-ci restera-t-il le mot de Macron (également pratiquant), un mot qui aura eu le mérite de mettre tout le monde au même (faux) pas et en ordre de marche, car le bordel, c’est tout sauf…le foutoir. Etymologiquement bien sûr. 

Car ce terme souffre (ou…bénéficie) d’un double voire d’un triple malentendu: si l’on commence par l’origine la plus ancienne et la plus fiable, c’est-à-dire linguistique, ‘bordel’ vient d’une très ancienne racine germanique qui désigne une planche. C’est sur la syllabe ‘bord-‘ que se serait construite (c’est le cas de le dire), l’image de ce qu’on peut faire avec une, ou mieux, avec plusieurs planches, une cabane…On est obligé en fait de mettre des guillemets et des conditionnels un peu partout, car les interprétations sont nombreuses au sujet de cette histoire de planche(s).

Alors, il ne faut pas dire que ce bordel, c’est le bazar, ou le boxon (*) et c’est un peu la pagaille dans le bordel puisque, dans l’évolution du mot à travers les siècles (je n’ose pas dire l’Histoire), cette cabane en planche va rester tout à fait ‘inoffensive’ en Occitanie par exemple, où la ‘borde’ (bordà, en v.o) servira aussi bien d’abri de (basse) montagne ou d’abri en campagne; alors que, sur le bord des chemins puis des routes, certaines de ces cabanes (à l’origine construites donc en planches) vont se transformer en maisonnettes qui deviendront le lieu d’accueil privilégié des filles…des rues (ou des routes, le plus souvent à proximité des casernes), d’où le mot sous sa forme actuelle.

Voilà pourquoi le bordel, c’est tout sauf le chaos («c’est le bordel, cette chambre, range-moi ça et vite»); la preuve, c’est que, dans sa version militaire (dit ‘de campagne’) aussi bien que privée (la maison close et urbaine), le lieu est administré -et parfois sèchement- par un(e) responsable, tenancier(e) et autre patron(ne) qui ne plaisantait pas avec l’ordre, le règlement ou le respect de la hiérarchie! Curieux retournement donc, pour arriver à ce sens tout à fait…bordélique et très récent (au début du 20ème siècle), peut-être à cause de l’abondance de la fréquentation nocturne et par conséquent du désordre laissé par les clients au petit matin… 

Quelques historiens avides de précisions et de détails disent même qu’il s’agit en fait d’une allusion à l’incivilité et aux comportements particulièrement incorrects des soldats…prussiens dans les maisons françaises lors de la guerre de 1870 (contrairement aux gentils soldats français, dont on sait qu’ils sont incapables d’actions délictueuses sur des personnes -ou des enfants- dans des pays occupés).

Plus amusantes, mais sérieuses cette fois, sont les études de spécialistes de la marine qui font remarquer que cette ‘bord-‘ (la planche) a fini par désigner également le matériau principal pour la construction des navires (en bois, forcément); d’où les expressions ‘monter à bord’ (mettre le pied sur la première planche sur le…bord du bateau), puis évidemment les fameux ‘babord’ et  ‘tribord’, élaborés à partir de la découpe ‘ba-tri’ inscrite sur les deux volets (planches) pivotants qui menaient aux machines et/ou aux réserves.

Notez aussi, dans de nombreuses langues, l’avenir radieux qu’aura cette planche (board, en anglais) pour glisser (le skateboard) aussi bien que pour apprendre (blackboard, le tableau noir) ou encore  pour plonger dans la piscine (diving board, le plongeoir) et dans votre ordinateur (mother board, la carte-mère). Finalement, il n’y avait peut-être pas de quoi ‘foutre le bordel’ à ce point-là avec un si petit mot, sauf si c’était pour mettre tout le monde au…bord de la crise de nerfs. Comme le disait un titre de film au sujet de la tendresse (1978), « Et la politesse, bordel? »

NB: Contrairement à ce que colportent quelques (mauvaises) langues, le diminutif -temporaire, au 17è siècle- ‘bordeau’ (une petite planche) n’a rien à voir avec la capitale de Nouvelle-Aquitaine; laquelle n’est pas non plus « au bord d(e l’)eau -beaucoup s’en faut- mais découle du nom du chef local celte (puis gaulois) Burdigala…

(*) le terme gagnera lui aussi en équivoque, désignant, comme son homonyme, aussi bien un capharnaüm qu’un lieu de prostitution! 

…  «  Une jeune femme de 52 ans agressée dans un ascenseur » a titré l’autre jour une chaine d’information (à partir de quand n’est-on plus ‘jeune’?); et, ces jours-ci, « une Noire à la Maison-Blanche (sic) », en parlant de la très ‘claire de peau’ co-listière du Parti Démocrate, ex-procureure d’ascendance jamaïcaine et indienne, ce qui la place très loin d’un épiderme camerounais ou même kenyan (Obama).

Cette façon d’aborder une personne n’étant visiblement -si j’ose dire-  pas concluante (1), intéressons-nous plutôt aux origines…linguistiques du patronyme de la dame, un ‘Harris’ typiquement anglo-saxon donc possiblement américain par la suite mais issu d’un (‘vieux’) continent où les armes à feu sont contrôlées, les frais médicaux remboursés, le mariage autorisé pour tous et l’environnement protégé (parfois).

Harri-s est une forme dite ‘génitive’ de Harry, comme le sous-rejeton d’Elizabeth II, dont la véritable carte d’identité est d’ailleurs Henry (Charles, Albert, David Windsor). Ce ’s’ final marque parfois la provenance d’une lieu (une maison) familial(e) mais le plus souvent la génération directe, traduction du ‘fils d’Henry’. Plus transparente encore est la version complète en Harrisson (Harry-son), comme l’acteur qui joue le…linguiste de « My Fair Lady », Rex Harrison; ou, sous forme de prénom, l’Aventurier qui a perdu son Arche, Harrison Ford.

Bref, quand on est Harris, Harry ou encore Harriot (diminutif français), c’est qu’il y a eu un jour dans la famille un Henry, Henric, Henrik, Heinrich ou Henri, selon les pays; et, pour une fois, la version française se rapproche assez du montage originel de source germaine, soit ‘haim-rik’, soit l’idée de maison (haim) ou de pays, de lieu familier (2); suivi de ‘rik’ (plutôt que ‘rich’, dans un premier temps) qui évoque le pouvoir ou la puissance.

Voilà pourquoi, au 17ème siècle, un roi de France né en Béarn viendra se faire assassiner à Paris, là où réussiront à se faire entendre au 20ème bien d’autres Henri, comme Genès* (acteur et chansonnier), Grouès* (dit Abbé Pierre) ou Pitot* (l’homme qui sonde les Airbus d’Air France) et tant d’autres. Quant aux petites filles (sans trait d’union) d’Henri, vous trouverez des Henriette dans beaucoup d’Histoires…

Un mot donc sur ce prénom, de choix probablement maternel, un terme typiquement ‘hindi’ (le groupe des langues hindoues) qui évoque le lotus, la fleur sacrée dans beaucoup de traditions orientales. Parfois rapproché (par confusion sonore) avec…Kamélia (camélia, en français!), il symbolise l’ouverture (de l’esprit), l’épanouissement de l’âme, la longévité voire l’éternité.

Or, le lotus français (le mot, parce que sinon, ça ne court pas les mares, en tous cas naturellement) vient du latin ‘lotus’ (nôôn?), lui-même emprunté -comme d’hab- au grec ‘lôtos’, qui désignait plus précisément le fruit du…jujubier (une sorte d’olivier), puis toute fleur aquatique bleue, rose ou blanche (comprenne qui pourra, mais on y arrive), puis le lotus d’Egypte, pendant que les Grecs en faisaient le nom définitif du…trèfle. Alors, « good luck, Kamala », au moins étymologiquement. 

  1. Malgré d’intenses recherches, je n’ai pas pu trouver d’ancienne ‘Une’ au sujet d’ Un blond à la Maison-Blanche’.
  2. Vous allez en savoir beaucoup plus en complétant votre lecture avec l’article sur Amandine Henry (capitaine de l’équipe de foot féminin).

(*) Voir leur chronique respective.

NB: Tout sur Joe Biden? En archives depuis mars 2020. Tapez son nom dans le champ de recherche.

…à chaque élection depuis trente ans. Or, le « dernier dictateur d’Europe », comme le surnomment un certain nombre de ses homologues, suscite actuellement une réaction de contestation. L’homme restera-t-il pour longtemps ‘la lumière de Minsk’ (la capitale)? Peut-être, en tous cas étymologiquement.

Tel que les Européens de l’Ouest (et la majorité du monde) l’écrivent, le nom du-dit président est orthographié à la mode russe, pour ne pas dire soviétique, du temps où nombre de républiques socialistes aujourd’hui dissidentes obéissaient aux règles moscovites. Loukachenko est donc la graphie (l’écriture) occidentale de la version russe ‘Lukasenko’ (son prénom devenant alors Aleksandr), alors qu’en biélorusse il s’appelle Lukachenka (Aliaksandr) mais en réalité son vrai nom est celui de la terre de ses ancêtres (paternels), l’Ukraine, où il est dit Loukachenko (Oleksandr!).

Tout ça pour simplifier (hum…) les choses et en arriver à dire que son patronyme est composé d’une racine ‘louka-‘, suivie du suffixe traditionnel ‘-chenko’, qui dénote clairement une provenance ukrainienne (1). Selon la sonorité de votre état-civil, un Russe percevra donc immédiatement votre origine familiale (2), et éventuellement, à une certaine époque, votre rang social dans la Grande Russie. Bref…

Reste donc à faire toute la lumière sur ‘louka’; on ne peut pas mieux dire puisqu’on considère qu’il s’agit ici d’une variante du prénom Lukas ou Lucas, qui a donné Luc en français. A l’origine, il y a le mot grec ‘leukê’ qui signifie…blanc: les leuko(leuco)-cytes, ce sont les globules blancs, et la leukê(leucé)mie, la maladie éponyme; Leucate (ou Port Leucate), c’est la ville blanche (couleur de la falaise locale), etc…

Or, tous les Loukas ou les Luc (saints ou pas) n’étaient pas forcément des gens blanc-blanc mais qui avaient un rapport avec la lumière, une lumière éclatante (d’où le blanc) comme celle du soleil ou…de leur vie intérieure. Le ‘leukos’ grec va d’ailleurs être récupéré par les Latins avec ‘lux’, qui désigne non pas la richesse mais aussi bien la lumière éternelle (le « fiat lux »  de la Genèse) que le ‘savon de beauté des stars’ (réclame des années 1980), celui qui…illumine votre visage!

Une fois francisé, ce ‘lux’ va alors donner naissance à tous les Luc, surtout sous l’impulsion d’un évangéliste du 1er siècle après JC qui lui aussi voudra rédiger son -Nouveau- Testament; et donc par conséquent à la famille des Lucas (grecs), des Lucio (espagnols), Luciano (italiens) ou encore des Lucien (le petit Luc)…Côté filles, on a d’abord Lucie (la sainte scandinave qui ramène la lumière en hiver), Lucille (la petite Lucie) et aussi Lucette (une petite lumière).

Les Loukachenko devraient donc être particulièrement éclairés; mais quelques linguistes jouent sur le son ‘ou’ contenu dans la première syllabe pour rapprocher (à tort) le nom d’une forme dialectale de la racine grecque ‘loukas’ (‘lykos’, en version académique) qui veut dire le loup; c’est ainsi qu’on appelle les hommes-loups dans les dictionnaires, les ‘lycanthropes’ (lykos-anthropos, loup-homme).

Autre hypothèse (également erronée mais proche d’un point de vue sonore), les Loucaniens, les habitants de la Loucanie (ou Lucanie, aujourd’hui), une région du sud de l’Italie ainsi appelée parce que particulièrement boisée, d’après le terme celte ‘lucus’ (la petite forêt). Rien ne prouve donc que ces Loukaniens aient été des hommes-loups, et pourtant la curiosité locale a concerné pendant longtemps un monstre très particulier, le ‘louka-bos’ (ou bous) soit, littéralement, le ‘boeuf de Lucanie’, autre nom de…l’éléphant.

Défense d’y voir une raison de faire les cornes à Loukachenko, dans un Bélarus qui est l’un des rares pays au monde à n’avoir aucune devise (sur le blason) venue éclairer son peuple. Mais il faudra sans doute faire un jour toute la lumière sur son président; y compris étymologiquement!

  1. Voir les différentes connotations des suffixes d’(ex) influence russe dans l’article sur Matzneff.
  2. En français, bien que le ‘marquage’ se soit atténué, on comprend aisément que Jaouen, Martinez, Etcheverry, Giudicelli ou Zimmermann n’habit(ai)ent pas la même province. 

…la situation de certains quartiers de nos villes. On doit le retentissement médiatique de ce ‘nouvel’ outil de communication principalement à deux ministres de l’Intérieur: il y a déjà plus de vingt ans, Jean-Pierre Chevènement avait qualifié (traité?) des jeunes de ‘sauvageons’; le plus récent ‘premier flic de France’ Gérald Darmanin (1) a poussé le terme jusqu’à un substantif composé avec un préfixe. 

L’un et l’autre ont effectivement à voir avec une histoire de ‘sauvages’ (je veux parler des mots, évidemment), avec des nuances différentes: d’un côté, le ‘sauvageon’ est affublé d’un suffixe presque diminutif et ‘hypocoristique’ (=affectueux); à l’origine, le terme s’utilise pour désigner une ‘pousse folle’, un arbuste, une plante ou une branche que l’on n’arrive pas à contrôler ou diriger, en tous cas un phénomène naturel.

Au sens figuré, le sauvageon -et surtout…la sauvageonne- qualifie un(e) enfant qui a grandi sans éducation donc sans repères, y compris en matière d’instruction; c’est exactement le cas de « L’Enfant sauvage » (merci François Truffaut) dont se délectaient les pages de faits-divers des journaux du 19ème siècle, ces enfants abandonnés (puis retrouvés, forcément) en forêt par des parents trop pauvres, ou des jeunes filles rebelles à l’éducation religieuse… 

‘L’ensauvagement’ est censé être plus inquiétant: le préfixe ‘en-‘ suppose une action en profondeur pour obtenir une modification de la situation, un…en-racinement progressif (ou définitif) de certains comportements, au risque d’en-semencer de mauvaises graines dans le sol national. Et pourtant, il y a quelques siècles, tout ce qui était sauvage était réputé ‘naturellement bon’.

La théorie du « Bon sauvage » chère à Jean-Jacques Rousseau est depuis longtemps un mythe (que son copain Denis Diderot aura à coeur de démolir), une réminiscence de la virginité de l’homme exempt de péché (même si vivant souvent nu) car proche de la Nature originelle. Cette conception un (gros) poil colonialiste aura des conséquences concrètes sur les rapports entre sauvages et ‘civilisés’ au moment des Grandes Découvertes, y compris…d’un point de vue étymologique!

Car, contrairement à ce qu’on pourrait croire spontanément, sauvageon ou ensauvagement n’ont rien à voir avec le verbe sauver ou se sauver (2); sauvage et sauvetage n’ont de proximité qu’en Amazonie peut-être puisqu’il est en fait question de forêt.

En effet, si la famille de ‘sauver’ a pour racine le verbe latin ‘salvare’ (même sens) dont le ‘L’ a été transformé en ‘U’ en français, ‘sauvage’ est une altération de ‘silvage’, en rapport avec ‘silva’, la forêt en latin; l’adjectif ‘silvatique’ a même temporairement existé en ancien-français, pour dire forestier (pas bûcheron, homme de la forêt).

C’est peut-être l’écrivain Montaigne qui a contribué à faire basculer ce sens d’homme-qui-vit-dans-la-nature, en en faisant un être non-éduqué, donc brutal, donc sauvage! Moins de deux siècles après, l’époque de Pascal considère le sauvage comme un être primitif donc peu apte à vivre en société, connotation que gardera l’adjectif moderne avec le sens (progressivement moins violent) de la personne qui fuit les contacts humains donc qui est forcément moins ‘polie’, la version courte de ‘polissée’ (ou policée) c’est-à-dire dégrossie! 

Par-dessus tout ça vient se greffer, pendant plusieurs siècles également, la théorie (chrétienne) selon laquelle il fallait ‘donner une âme’ à ces sauvages ignorants de l’existence de Dieu, état très précisément défini par le mot qui représente celui qui n’a pas d’âme, un (a)animal…Lequel (laquelle) de nos politiques va proposer en premier d’envoyer un jour la fourrière dans ‘les quartiers’?

  1. Voir l’article sur l’origine de son nom en archives
  2. Même si, en voyant arriver Christophe Colomb, les indigènes se seraient écriés (il parait) : « Ciel, nous sommes découverts! »