Le site qui vous aide à comprendre le vrai sens de votre patronyme

…de la France de ces dernières semaines, la résidence de Cantiliens découvrant que leur commune de l’agglomération rouennaise était devenue la plaque-tournante régionale du trafic de drogue, sous la houlette d’élus rapidement appréhendés (et relâchés). L’important ici est de remonter à la racine non pas de plants suspects mais du nom d’un endroit au sujet duquel beaucoup de lecteurs se sont posé des questions et d’autres, plus sensibles aux patois régionaux, pas du tout… 

Si vous êtes né(e.s, comme on écrit aujourd’hui) « dans les territoires »  (comme on dit à l’Elysée), que vous soyez picard, normand, auvergnat, vendéen, provençal ou gascon, vous avez tout de suite compris que le site où s’est implanté le tout-premier hameau de Canteleu était le coin favori d’une meute de loups qui venaient y hurler.

Cante-leu est en effet une forme ancienne (et multiple) de ‘chante-loup’; le verbe, qui s’est enrichi d’une initiale chuintante dans les milieux académiques pour faire ‘chanter’, chanteur, chanson, etc…vient en fait d’une forme latine de ‘cantare’ (« volare, oh, oh… ») qui veut bien dire non seulement vocaliser le plus harmonieusement possible, mais aussi faire du bruit – quel qu’il soit – avec sa gorge, ce qui permet de qualifier un certain nombre de gens qui s’approchent des micros (faites vos jeux) ainsi que n’importe quels cris d’animaux! 

Nos ancêtres ayant non seulement « les cheveux longs mais également les idées…larges (1) », voilà qui semble nous propulser au-devant de la scène linguistique tout ce qui aboie, brame, caquète, piaille ou grogne, au même titre que le moindre trille de la Callas…D’où le fait que ce verbe chanter ou canter soit si souvent utilisé pour pointer du nez puis baptiser un lieu où se manifestent certains sons plus ou moins gracieux.

A part les anges (comme on dit à Noël), il y a donc forcément de nombreuses bestioles qui ont entonné dans nos campagnes ces refrains mélodieux, à commencer par des loups : car, comme on disait aussi ‘leu’ au Moyen-Age, le mot a donné son nom à la fameuse marche du loup-à-la-suite-du-loup donc ‘à la queue leu leu’, d’où ce Canteleu (ou Cantalou, plus au sud) mais aussi des Canteloube/Cantaloube, avec un ‘b’ qui comme souvent est la prononciation d’un ‘v’, ce qui nous permet de préciser que cette fois c’est la maman des louveteaux (la louve) qui venait s’égosiller dans la clairière.

Entre deux hurlements, on pouvait également entendre chanter les grillons, ce qui a donné les Cantegril (dans le Nord) et les Cantagreil (en Roussillon), à ne pas confondre malgré la proximité du son avec les Cantegrit ou les Cantecrit (avec un ’t’ final) qui renvoient, eux, vers un mot d’ancien-gascon qui désignait une grosse pierre ou un moëllon sous le terme ‘canta’ (2).

Circulent encore par-ci par-là un certain nombre d’oiseaux, là ou Cantemerle (Chantemerle), Chantepie ou Chantecaille – sans commentaire – mais aussi Cantaduc, là où hulule le hibou (grand duc ou pas), peut-être perché au-dessus d’une mare où croassent des grenouilles et donc appelée Cantareine (du latin raina, celle qui donnera reinette plus tard).

Restent encore quelque part les Chantefoin, au sujet de…la fouine, alors que les moins heureux des paysans habiteront un Cantecocu qui n’a pourtant rien d’infamant puisque c’est là où chante le…coucou, même si les humains, eux aussi, peuvent participer à ce concert de surnoms: on trouve en effet des Chantebeau ou Chantebel (ceux qui chantent bien), des Chantagut pour les…aigus, ou des Chantemesse pour les préposés aux choeurs pendant l’office, généralement des…chantres.

Alors, si un jour vous passez en Seine-Maritime, n’oubliez pas d’aller caresser la statue du fou chantant (pardon, du loup) dressé à l’entrée de Canteleu, et de (re)lire quelques pages d’un gars habitant le coin et qui en a chanté les louanges, un certain Gustave Flaubert. Encore un qui hurlait avec loups, en tous cas étymologiquement.

  1. ‘Cheveux longs et idées courtes’ Johnny Halliday, 1966, en réplique à une chanson d’Antoine.
  2. Alors que le Cantal (département) n’est ni un district de chanteurs ni un pays de pierres (encore que) mais un ‘sommet arrondi’, d’après une racine celte ‘kanta’ qui désignerait le sommet local (Plomb du Cantal). Haououou…

…mais cette fois cinématographique, à la faveur d’un film qui rend hommage au plus célèbre architecte industriel de son époque (et un peu justice à son entourage). Déjà présent depuis 2013 dans ces chroniques au moment du nonantenaire de l’édifice, vous devriez aller y faire un tour (forcément) en tapant son nom dans le champ de recherche.

…sur le moindre mot et chercher les détails qui se cachent dans les racines, mais c’est justement le rôle et la fonction de l’étymologie. Pour un parti politique, la tentation est d’autant plus grande de bien comprendre le sens du nom qu’ont voulu lui donner ses créateurs, d’autant qu’il ne s’agit en général pas d’une impulsion d’un soir à la fin d’une réunion après trois verres de bière, mais le plus souvent d’une véritable et parfois laborieuse réflexion (payante) d’agence de communication.

En ce qui concerne la nouvelle structure créée par l’ex-Premier Ministre pour soutenir l’actuel Président de la République, « son positionnement, c’est devant » a-t-il dit, et « (…) la ligne est de préférer la sérénité à la fébrilité ». Parler de ‘ligne’ au sujet de l’horizon, on ne peut pas faire mieux (les deux mots forment souvent l’expression complète) sauf que sa position, justement, peut également se trouver….derrière, la ligne d’horizon étant forcément à la limite de votre vision, quelle que soit la direction vers laquelle vous vous tournez (1).

Cette ligne, fictive et toujours repoussée car on n’atteint jamais l’horizon (aïe), est d’abord un terme d’astronomie chez les Romains qui, comme très souvent, avaient piqué le mot à leurs prédécesseurs grecs, et c’est là que ’ça dépasse les bornes’. Car le tout premier sens de ‘orizôn’, c’est bien une ligne ou un cercle qui borne la vue, donc…qui empêche de voir l’avenir. Et encore s’agit-il du sens propre pour un repère qui, comme l’équateur, est en permanence partout et nulle part (il suffit de ne rien regarder) à la fois. 

Le sens figuré est en effet autrement plus équivoque, pour ne pas dire négatif: le verbe dont est tiré le terme grec signifie en effet borner, c’est-à-dire proprement fixer des limites, d’abord à un territoire mais ensuite à un comportement (l’expression se dit également en français): le Mur limitait l’horizon des Berlinois (des deux côtés); le tchador limite la vue des femmes afghanes. Donc, d’une certaine façon, cela signifie ne plus pouvoir ou s’interdire d’évoluer à partir d’un certain point, puisqu’on ne voit pas (donc on ne sait pas) ce qu’il y a ‘après’…

Pire encore: si l’on peut parler de frontière entre des territoires limitrophes, il est également question, sur un plan social, de séparer deux groupes irréconciliables et de les écarter pour éviter tout débordement (no comment); d’où le résultat inévitable d’une partition (géographique) ou d’un séparatisme (politique) dont on aura fixé les limites en interdisant chaque parti(e?) de dépasser les bornes (ça, c’est pas garanti).

Enfin, sur un plan strictement personnel, peut-être même moral, l’horizon grec s’appliquait encore aux limites qu’on pouvait se fixer (à) soi-même, du genre « allez, après ce verre, j’arrête » ou « c’est la dernière fois que je joue dans ce casino (2)»! Même s’il ne faut pas se jeter sur le premier horizon recopié par tous les philosophes qui s’en sont fait une ligne, il y a un sage proverbe qui circulait autrefois dans les sociétés amérindiennes (avant colonisation européenne) qui disait quelque chose comme « L’homme qui regarde l’horizon ne voit pas le serpent qui est devant ses pieds »…Alors, l’horizon d’Horizons sera-t-il plus efficace que la Ligne bleue des Vosges ou le Mur de l’Atlantique, c’est-à-dire dégagé, sombre, lointain, voire perdu-s (3)? A méditer sans doute; et pas qu’étymologiquement!

  1. Même pour les complotistes partisans d’une ‘Terre plate’, le seul risque étant de tomber à un moment ‘dans’ l’horizon.

2. Ou dans cette arène, pour être plus cohérent chronologiquement.

3. « Horizons perdus », roman fantastique de James Hilton (1933) et film éponyme de Frank Capra (1937). Plus les différents films « Horizons lointains » (avec Charlton Heston en 1955, ou Tom Cruise en 1992)

…plus ou moins sincères pour un homme à la compétence professionnelle incontestable mais au pouvoir qui n’a pas toujours suscité que des amitiés (on fait bien un triomphe public à un ministre unanimement attaqué de son vivant). Peut-être ces lignes permettront-elles de prolonger mais surtout d’éclaircir l’existence un peu étrange d’un patronyme que beaucoup considèrent comme ‘hypocoristique’, une sorte de diminutif ironique sinon affectueux…

En effet, si ce mot sonne bien comme une appellation un peu familière, c’est pour deux raisons au moins: d’une part, il s’agit peut-être d’un vrai diminutif, comme dans bougeotte, menotte, chochotte et autres terminaisons qui évoquent quelque chose de petit (menotte : petite main) ou de moins élogieux (chochotte: pire que chouchou -le masculin- donc effeminé).

Mais il se peut également que ce suffixe en -otte marque un ‘vrai’ féminin (justement!): on oublie souvent que, parfois, en parallèle à un patronyme (étymologiquement: le nom du père, le plus usuel donc fréquent dans nos civilisations) existe un matronyme (le nom de la mère), donné comme indice de filiation en l’absence du mari de la mère (mort prématuré, absence physique, guerres et fléaux divers, etc). Et, de fait, c’est plutôt le cas ici car…

…dans le répertoire onomastique français (la ‘science’ des noms propres), Mougeotte a un masculin bien connu qui a fait les belles heures d’un humoriste des années 1970, c’est un papy Mougeot personnifié par Coluche dans ‘le Schmilblick’, qui représentait l’archétype du vieux paysan propulsé devant le micro lors d’un jeu télévisé. Bon, cela ne nous dit pas davantage d’où viendrait cette racine ’mouge’ qui est la clé de l’énigme.

Ni déformation de rouge, de souge, de pouge ou de bouge, il faut deviner en l’occurrence qu’il s’est produit ici un phénomène d’aphérèse, terme technique récurrent dans ces pages et qui définit tout simplement une ‘érosion linguistique’ qui se manifeste par la chute d’une ou plusieurs lettres (en général une syllabe entière) à l’avant du mot. Donc, les Mougeotte, Mougeot mais aussi Mougeat ou Mougin et son diminutif Mouginot  (tous dans la région des Vosges, à l’origine) sont en fait des Demougeot, Demougin, etc…

…et même des Demange, puis Domange (avec un ‘o’ qui apparait en zone d’Occitanie) donc Domergue, Domercq, et encore Doumerc (le ‘o’ de plus en plus ouvert) donc Doumergue (entre autres à Marseille). Arrêtons-nous là; toutes ces variantes, plus ou moins chantantes selon la voyelle d’usage qui s’est immiscée, viennent d’une francisation du latin Domenicus / Dominicus, qui a donné le prénom Dominique évidemment mais surtout qui a un rapport avec le nom commun ‘dominus’ qui qualifie le maitre de la maison, le père de famille, voire le patron ou toute autre autorité puisque c’est encore de cette racine que vient toute la déclinaison du verbe dominer ou domination (no comment)!

Or, dans le domaine religieux, l’Eglise va récupérer ce concept de ‘maitre’ pour y mettre une majuscule, le Maitre de la maison chrétienne devenant alors le Seigneur ou le Père dans les textes (et surtout les traductions), ce qui propulse carrément notre Mougeotte au septième ciel des médias en tant que dieu de la télévision…au moins étymologiquement!

…sans aucune arrière pensée, puisque – comme il est rappelé régulièrement dans ces pages – seul le hasard fait parfois un rapprochement entre deux sons ou deux noms. Or, pour confier le salut (au moins judiciaire) de personnes agressées sexuellement à une commission présidée par un M.Sauvé, on ne pouvait pas faire plus symbolique.

En effet, salut (le nom commun) et sauvé (le participe passé) ont la même provenance qui est la racine du verbe latin ‘salvare’, qui signifie…sauver. Le but d’un ‘sauvetage’, c’est de conserver quelqu’un en bonne santé, au pire de lui éviter de mourir en assurant son salut (le voilà), un salut d’abord physique puis si possible psychologique voire spirituel, c’est ce dernier sens qui a été récupéré par l’Eglise. L’autre définition de ce même verbe est également soigner, ce qui va bien dans le même but que sauver, en mettant en oeuvre des techniques médicales ou autres dans le but de garder valide un malade ou un blessé.

Parallèlement à la forme ‘salvare’, il existe d’ailleurs une forme très proche qui est ‘salverer’ (avec un ‘e’) qui s’attache cette fois à la suite, si l’on peut dire, de sauver puisqu’il signifie être bien portant, en pleine forme. C’est le mélange de ces deux racines qui va permettre aux Romains de se dire bonjour (et au revoir) en proclamant « Salve », que nous avons adopté dans un… »Salut! », que vous pouvez utiliser, de la même façon, quand vous croisez quelqu’un ou quand vous le quittez. 

Vous remarquerez ‘salvare’ évoque le soin que l’on prend de quelqu’un, avec un sens plutôt actif; alors que ‘salvere’ est davantage non pas passif mais pronominal, c’est-à-dire qu’on prendre soin de soi-même: d’où la possibilité de ‘se sauver’, pour échapper à un danger par exemple d’où le sens de fuir (pour rester en bonne santé si on vous attaque).

Bref, ce concept très humanitaire va permettre de créer une foule de noms communs, dont certains vont devenir propres, à commencer par celui de notre président de commission. De Sauvé (plutôt dans le nord de la France, en Picardie par exemple) à Sauvat ou Salvat (en conservant le L latin, comme en Languedoc), on passe donc inévitablement à Sauveur, surnom très élogieux en principe réservé au Christ lui-même (le sauveur), d’où les nombreux sites et églises baptisés St-Sauveur un peu partout dans le pays.

Toujours en alternance avec les formes Salv/Sauv, signalons les endroits habités par des Sauvé, combinés avec un suffixe -ade qui exprime le nombre ou l’abondance, ce qui nous donne Sauvade, Sauvadet ou…Salvetat, qui représentaient des cités ou simplement des maisons accueillant des gens réfugiés ou de passage (des demandeurs d’asile non pas encore politique mais des pèlerins). Idem dans d’autres pays, comme par exemple en Italie où les Salvo et Salvi représentent la même idée, jusqu’à un Savio, patronyme idéal d’un St-Dominique piémontais qui vivait au milieu du 19ème siècle, et qui fut canonisé en 1954 par le pape Pie XII comme…saint patron des enfants et protecteur de la jeunesse (sic).

Avant de se sauver définitivement, il faut signaler, parmi tant d’autres, un sauveur très célèbre, celui qui fut inspiré par la forme latine ‘salvator’ devenue salvador en zone hispanique et donc sud-américaine, ce qui conviendra aussi bien pour qualifier la ville de Bahia au Brésil qu’à baptiser un chanteur prénommé Henri en Guyane. L’autre particularité, plus rare, est le patronyme Salvé (toujours la forme ancienne de Sauvé), lequel est en général apparu au Moyen-Age dans des églises où une personne chargée de diriger les chants (le chantre) entonnait le…Salve Régina, le ‘Je vous salue Marie’, en latin; le surnom lui aurait été collé en le surnommant avec le premier mot de la prière. Un homme, à n’en pas douter, qui n’avait aucune inquiétude sur son salut; en tous cas étymologiquement!